Le « code », nouveau sésame d’orientation ?

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Le code, un mot qui est sur toutes les lèvres. Mais quelle finalité attend-on concrètement avec son apprentissage ? Quels débouchés pour quel type de profil ? Parenthèse a mené l’enquête.

«Informatique algorithmique », « fondements du numérique » ou plus simplement « code » et « informatique ». Tout un un nouveau champ lexical lié à l’essor de l’économie digitale vient bouleverser les enseignements dès le primaire. Hélas, les raisons et le débat qui ont motivé l’introduction de ces nouveaux apprentissages restent obscurs. Pourtant, l’objectif des nouveaux apprentissages serait double. L’introduction du code ou de sciences numériques auraient d’abord été décidé dans une logique d’éducation : évangéliser les ouailles assises sur les bancs de l’école, le corps professoral et l’institution pour prendre du recul face aux innovations et à la digitalisation de la société. Autrement dit, il s’agirait d’un savoir, dans l’esprit, à la croisée de certaines humanités et de sciences dures. De l’autre, le code informatique, ce nouveau langage, devient populaire en raison du besoin actuel de développeurs et de profils passés experts dans l’art de la programmation. Nous serions ici dans une logique de sensibilisation, d’orientation, voire de formation (professionnelle ?). D’autant que les entrepreneurs ayant fait fortune dans ce créneau occupent le devant de la scène médiatique. Qui ne rêve pas d’être entrepreneur et de ressembler un tant soi peu à Xavier Niel, sans les cheveux gominés. La discipline serait également dans l’air du temps car  elle ne répondrait pas aux schémas classiques de l’éducation ou de l’apprentissage. Un jeune en décrochage scolaire pourrait savoir coder. Un enfant largué en français, histoire, SVT, physique-chimie, …pourrait s’en sortir grâce à la programmation. Chimère ou réalité ? Il n’empêche que les débouchés professionnels sont nombreux. Reste à savoir quels profils peuvent suivre cet enseignement qui reste pour l’instant alternatif. Décryptage .

Créer une pensée informatique?

Même si nous gardons en tête le manque de moyens parfois patent dans le primaire, le ministère dédié a décidé d’introduire une « sensibilisation au code ». La pareille avec des dénominations différentes au collège puis au lycée. L’idée serait d’épouser les pratiques dans l’air du temps. Le monde de l’enseignement souhaiterait davantage institutionnaliser ce qu’ont intuitivement acquis les millenials (vos enfants) appelés également « digital natives » du fait de leur maitrise des outils numériques avant même de savoir marcher. Et ne laisser personne sur le carreau. Le numérique, son apprentissage, sa maîtrise seraient aussi vitaux pour l’adulte de demain que le français, les mathématiques, la philosophie, l’histoire… Il s’agirait d’ériger une nouvelle matière reine. Fini le latin, le grec ou l’allemand comme matières élitistes. Bienvenue à la pensée informatique…qui ambitionne d’être accessible à tous.  « Il faut que toutes les générations futures comprennent les fondements de la technologie et assimilent la forme de raisonnement codifié. Il importe d’enlever cette magie du fonctionnement. Les millenials trouvent les nouvelles technos naturelles. Il existe un rapport magique à l’objet. L’aspect démystification qu’on souhaite véhiculer relève d’une information citoyenne. Sans pour autant faire de tous, des codeurs ou des informaticiens. L’idée est davantage celle de casser l’apparente objectivité des résultats et de comprendre que le paramétrage est perpétuel. J’invite d’ailleurs les parents à faire la même recherche Google avec des ordinateurs différents et en différents lieux. Cela reste très éclairant pour comprendre comment l’information notamment est paramétrée selon nos appétences », pondère Yves Denneulin, directeur de l’ENSIMAG, école d’ingénieurs basée à Grenoble.

Qu’entend-on par code ?

Pour les profanes, un ordinateur interprète le langage binaire pour exécuter une tâche. Le langage binaire est le langage de base de l’informatique fait de « 1 » et de « 0 ». Illisible pour nous. Mais le seul qui l’est véritablement pour un ordinateur. Si l’on remonte la chaîne de la programmation, le code informatique rassemble en son sein plusieurs langages intermédiaires (Python, C, C++,…). Autant de langages – à l’image d’une nouvelle langue – qui vont ensuite être compilés afin d’être « traduits » en langage binaire et aboutir à une action, un programme, une application, un jeu,… En d’autres termes, le code informatique serait une langue faite de symboles qui forment des instructions, des messages qui mis bout à bout aboutissent à un programme. Mais les choses se corsent rapidement. Contrairement aux langues où il est possible de se faire comprendre même si l’on commet des erreurs de syntaxe ou de grammaire, le code ne pardonne pas les erreurs. Si les instructions ne correspondent pas parfaitement au squelette du langage utilisé, votre programme ne se lancera pas. Le codage doit être sans faille pour être compilé (traduit) et ensuite interprété par l’ordinateur.

De nouvelles pédagogies, de nouveaux débouchés ?

« Le code n’est pas une discipline neuve, nous apprenons le code depuis les années 1960’ dans notre école. A cette époque, les principes de base étaient en construction. Le succès du code aujourd’hui s’explique par la nouvelle révolution technologique que nous vivons au quotidien. Jusqu’au début des années 2000, nous vivions sur les acquis des années 1970, depuis la puissance des machines nous amène à repenser l’innovation », souligne Yves Denneulin, directeur de l’ENSIMAG. Finalement, c’est donc l’émergence des nouvelles technologies qui aura eu comme conséquence les volontés multiples d’en faire une discipline reine. 42, l’école de Xavier Niel ou encore WeThinkCode en Afrique développé entre autres par Camille Agon sont autant d’exemples de pédagogies nouvelles -sans enseignant pour l’école 42, par exemple-, qui forment des développeurs très prisés. Il n’est pas rare d’ailleurs que certains d’entre eux ne finissent pas leur cursus pour intégrer une start-up, une PME, un grand groupe qui a besoin vitalement de nouvelles petites mains numériques. « Ce type d’apprentissage peut être une opportunité au jeune qui n’est pas adapté au système scolaire. Les décrochés peuvent raccrocher avec le code », note Yves Denneulien. Le code présente également l’opportunité de booster l’employabilité des personnes sans pour autant qu’elles soient diplômées ou munies d’un CV décoré d’expériences significatives. Enfin rappelons que le Da Vinci Institute évoquait que 60% des métiers d’ici 10 ans ne sont pas encore inventés. Chers parents, souvenez-vous de l’avant facebook et autres réseaux sociaux. Le community manager n’existait pas. Aujourd’hui, il s’agit d’un poste stratégique en matière de communication des marques et des médias. Demain, les nouveaux métiers du numériques seront intimement liés à la programmation. « Le code revient à écrire des lignes de codes intelligentes mais il faut ensuite pousser l’effort dans la modélisation et l’utilisation des concepts mathématiques. Il faut cultiver le côté concret du codage et ses pendants abstraits. C’est pourquoi dans notre école, nous cultivons un mantra, celui qu’un ingénieur généraliste est en fait un ingénieur généraliste du numérique. Mais derrière la programmation se cache une multitude de réalités professionnelles des systèmes embarqués en passant par l’Internet des Objet ou la dernière application à la mode », continue le directeur de l’ENSIMAG. Et les débouchés technologiques sont nombreux, et ce, dans chaque secteur d’activité. « Il y a eu une prise de conscience par les mondes associatif, institutionnel et gouvernemental au niveau international du besoin exponentiel de ces profils. Tout le monde est touché de près ou de loin par la programmation », explique Aude Barral, co-fondatrice de la start-up CodinGame, plateforme de formations gamifiées à destination des développeurs de tout poil.

La France bien placée dans ce domaine

CodinGame a publié en ce début d’année un classement qui met l’ENSIMAG, l’école 42 et l’INSA Toulouse sur les trois premières marches du classement des écoles qui enseignent la programmation dans le monde, se basant sur une base de 13 000 étudiants – la plateforme compte au total 700 000 membres – soit 700 écoles évalués à l’aune de serious games – entendez des jeux où les compétences sont mises à rude épreuve. Si comme toute étude, les chiffres doivent être maniés avec précaution, il n’empêche que l’univers du code se décloisonne et devient une priorité en France « Il ne s’agit plus seulement de rédiger des lignes de code mais de mettre en avant le côté créatif permis par cet apprentissage. Mais cela exige des profils certaines compétences fortes en matière de résolution de problème, d’autonomie,  d’agilité intellectuelle, de créativité, de capacité à apprendre seul, d’autonomie. Il faut aussi avoir à l’esprit que cette discipline est exigeante et nécessite de la rigueur. Elle s’apprend pas à pas », met en garde Aude Barrel. Une forme d’autodidaxie qui peut, en quelque sorte, incarner une barrière à l’entrée malgré tous les horizons professionnels autorisés par la maîtrise du codage…

Geoffroy Framery

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