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Pour s’orienter, il faut se trouver. Monsieur de La Palice n’aurait trouver mieux. Pourtant, l’Éducation nationale a perdue cette évidence de vue. A force de programmes toujours plus denses, les ados français manquent de temps pour dessiner les contours de leur avenir. Hors frontières, le nombre de pays ont compris que loisir et développement personnel étaient les clés d’une orientation réussie. Tour d’horizon de leur solutions.

Un droit a l’erreur et a la réorientation

«Je plaide pour que l’orientation soit progressive pendant toute la durée du lycée, pour que chaque jeune ait le droit de revenir sur son choix». Ce sont les termes choisis par Sarkozy pour présenter la réforme du lycée, qui doit entrer en vigueur à la rentrée prochaine. Pour permettre aux élèves d’avoir «une sorte de droit à l’erreur et à la réorientation», des passerelles de remise à niveau devront ainsi être mises en place pendant les vacances scolaires. La spécialisation des élèves sera progressive, avec un tronc commun en première et une classe de terminale «plus spécialisée et mieux connectée à l’enseignement supérieur»

>Des heures de cours pour se connaître Au Canada, la préparation de son avenir personnel et professionnel relève de l’un des cinq «grands domaines d’apprentissage» tout au long de la scolarité. L’objectif ? Aider les élèves à cerner leur personnalité, à identifier leurs domaines de prédilection, à définir la méthode de travail qui leur sied En France, ces heures de découverte de soi ne figurent pas dans l’emploi du temps. Pour pallier cette carence, il revient donc aux parents d’ouvrier le débat avec leur progéniture. Sans les harceler de questions, prenez l’initiative d’évoquer avec eux votre réalité professionnelle. La plupart des adolescents sont, en effet, incapables de décrire l’emploi occupé par leurs parents. N’hésitez donc pas à les informer des relations que vous entretenez avec vos collègues ou votre patron. En rendant compte au plus près de vos activités, vous les éclairerez sur une planète inconnue, celle du monde du travail et de ses contingences. Bref, vous les aiderez à n’être plus dans le fantasme, vous les conduirez à concrètement appréhender un avenir, qu’ils imaginent de manière trop souvent désincarnée.

Le droit a l’erreur

En Finlande, les élèves suivent des enseignements communs, mais ils choisissent également les matières qu’ils désirent approfondir ou découvrir. Ils élaborent leur programme en fonction des études qu’ils souhaitent faire plus tard, mais aussi de leur centre d’intérêt et de leur rythme. Si au bout de deux mois, ils se rendent compte qu’ils n’aiment pas la physique, ils ont le loisir d’arrêter et choisir un autre cours à la place. A la fin des trois années de lycée, ils doivent avoir validé 75 séries de cours de deux mois. Les élèves peuvent ainsi participer à la vie de leur école, devenir tuteur pour les élèves plus jeunes ou rédacteur du journal de l’école et ces activités sont comptabilisées dans leurs 75 cours. Cette liberté les autonomise, les initie au fonctionnement de l’université, mais elle a aussi des revers. Difficile de faire des choix quand on hésite entre plusieurs vocations, ou quand on manque d’organisation. Il est donc nécessaire d’encadrer ce «droit à l’erreur» qui se développe en France (voir encadré) en laissant aux élèves des passerelles entre les différentes filières et matières, mais aussi en leur apprenant la persévérance pour éviter les revirements incessants.

Un emploi du temps alléger

En Allemagne, l’orientation des élèves s’opère dès l’âge de 10 ans, mais dans les trois filières proposées, le temps libre et les activités extra-scolaires sont sacralisés. Les adolescents disposent de leur après-midi libre pour pratiquer des activités artistiques, associatives, sportives, à caractère humanitaire ou social. De quoi valoriser des élèves qui se sentent «acteurs» de leur réussite dans l’une ou l’autre de ces activités : en n’étant de simples «consommateurs» de savoir, ils tendent à s’impliquer davantage à l’école. En France, l’emploi du temps est trop lourd pour permettre la multiplication des activités extra-scolaires. Restent les week-end et les vacances pour jouer l’épanouissement personnel au travers du sport, de la culture, voire même de l’oisivité, qui n’est pas toujours mauvaise conseillère.

Année sabbatique

En Grande-Bretagne, la plupart des jeunes s’octroient une année sabbatique après le baccalauréat avant de s’engager dans un cursus universitaire. Cette expérience, nommée «Gap Year», définit une parenthèse qu’ils se donnent afin de vivre une expérience extra-scolaire. Voyages, investissement dans un projet humanitaire, réalisation d’un stage rémunéré….Autant d’ouvertures sur le monde qui leur permettent de progresser dans leur développement personnel. Attention, il ne s’agit nullement de buller ! L’intention consiste bel et bien à s’activer, à gagner en maturité afin d’ensuite s’orienter en connaissance de cause en évitant les choix illusoires. En France, le « fais tes études d’abord » a encore la vie dure, mais l’idée d’une « pause utile » commence à faire son chemin. Les recruteurs l’appellent même de leurs vœux.

Quatre questions a… Bernard Hugonnier

Directeur adjoint de l’Éducation a l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique)

Comment les adolescents peuvent-ils mettre à profit leur temps libre pour se découvrir?
Les activités en dehors de l’école permettent de développer une plus grande ouverture d’esprit, de découvrir de nouvelles passions. Cependant, il est important que ces activités soient encadrées, sinon l’adolescent demeure un autodidacte et il passe à côté de certains aspects. Ainsi, si l’élève va dans un club photo, cela lui donne certes une indication pour savoir s’il aime cette activité ou non, mais il ne connaîtra pas pour autant les réalités du métier de photographe et cela peut fausser son orientation.

Quels est l’intérêt de laisser aux adolescents, comme en Finlande, le choix de leurs matières et de leurs activités?
Dès l’âge de 15 ans, il faut considérer les adolescents comme des adultes, leur donner davantage de responsabilités. Lorsqu’ils choisissent eux-mêmes leurs activités, ils montrent beaucoup plus de motivation, ils s’impliquent davantage.

Comment un élève peut-il valoriser ses activités extrascolaires?
Comme au Canada, il ne faut pas seulement se baser sur l’apprentissage scolaire, mais également prendre en compte les acquis de l’expérience. Les jeunes qui passent leur journée sur Internet acquièrent une expérience que certains professeurs n’ont jamais acquis et il faut la valoriser. Au-delà des matières scolaires, l’orientation passe avant tout par l’expérimentation.

Un élève français peut-il envisager de prendre une année sabbatique pour apprendre à se connaître?
Une année « de pause » n’a que des effets positifs. Elle permet d’effectuer en douceur la transition vers le monde du travail, de « respirer » pour ensuite mieux s’orienter. Mais en France, ce n’est pas dans notre culture, c’est souvent encore vécu comme un manque de sérieux. C’est dommage.

Article réalisé par Julie ROBELET

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