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Trousse, cahiers, classeurs, cartable… et si l’attirail de l’écolier·ère faisait une place à l’uniforme ? Un marronnier dans l’histoire de l’éducation, sans doute. Mais depuis les élections présidentielles de 2017 où deux candidat·es majeur·es, classé·es à droite de l’échiquier politique, ont fait de l’uniforme un cheval de bataille, le débat refait surface, encore et encore. Retour à l’école d’antan pour les un·es, instrument de lutte contre les inégalités pour les autres, l’uniforme – en dépit de son identité – divise. Éclairage avec Hugues Draelants, sociologue et professeur à l’université catholique de Louvain.
La petite phrase de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, qui, en septembre, exigeait le port « d’une tenue républicaine » pour venir à l’école a remis l’uniforme au cœur des discussions. Un sondage BVA a montré que les Français·es n’étaient pas contre, bien au contraire : 63 % d’entre eux·elles se sont déclaré·es favorables au port de l’uniforme, 67 % chez les femmes et 60 % pour les hommes. Un phénomène qu’a également constaté le sociologue Hugues Draelants : « Le débat autour de l’uniforme a tendance à revenir, c’est le fruit d’une demande sociale dans un monde où l’école d’aujourd’hui est beaucoup critiquée », alors les parents cherchent une alternative à la formule classique. Soit une école qui s’adapte à son public et qui met en place une pédagogie singulière, soit une école d’antan, « uniformisée », mais l’école d’aujourd’hui peine à convaincre. Des élèves toutes et tous habillé·es de la même façon, bonne idée ?
Un moyen de lutte contre les inégalités ?
L’un des arguments phares pour les partisan·es de l’uniforme scolaire : il favoriserait la lutte contre les inégalités sociales. Gare aux raccourcis. Si, par réduction des inégalités, on pense d’abord à la violence scolaire subie par les enfants à l’école en raison de leurs vêtements, alors, oui, l’uniforme a son rôle à jouer : « Dans une société de consommation dans laquelle les jeunes se retrouvent soumis·es à la dictature des marques, ne pas être dans la bonne case, c’est-à-dire ne pas porter le pull de la bonne marque, peut déboucher sur des brimades », estime Hugues Draelants. Et c’est en cela que l’uniforme atténue une éventuelle violence scolaire liée aux habits socialement différenciés. En revanche – et ce qui apparaît pour le moins paradoxal –, ce sont le plus souvent les écoles en mal de distinction qui ont recours au port de l’uniforme : « Les élèves s’uniformisent, les écoles se différencient », décrit Hugues Draelants, coauteur de L’Identité des établissements scolaires (2011) et auteur de Les écoles et leur réputation (2016). Pour une école, rendre l’uniforme obligatoire s’apparente à une stratégie de distinction par rapport à d’autres.
Mais le port de l’uniforme à l’école à lui seul ne va pas éradiquer toutes les formes de distinction. Car derrière, « tout un tas d’accessoires (cartable et fournitures scolaires), de bijoux, la coiffure, viennent réintroduire de la distinction », cite le professeur de sociologie. Prendre la décision de mettre en place l’uniforme rendrait indispensable – par cohérence – des mesures semblables sur un périmètre bien plus large, trousses, cartables et chaussures uniformisées ?
Renouer avec la discipline ?
Quid de la personnalité, de l’originalité chez nos bambins ? Une atteinte à la liberté de se vêtir comme ils·elles l’entendent pour les élèves. « Pour les adultes, l’ado à l’école porte en quelque sorte un uniforme, non imposé par l’établissement certes, mais insufflé par les pairs, les copains, copines. Or cette imposition se révèle en réalité bien plus forte et contraignante que celle qui émane de l’école », relativise Hugues Draelants. Une forme d’harmonisation, voire d’uniformisation de la culture « juvénile ».
Symboliquement, l’uniforme rime avec discipline. On enfile un vêtement unique, toujours le même, pour se rendre à l’école, une manière de mettre de côté la vie quotidienne des enfants et adolescent·es pour se concentrer essentiellement sur le travail scolaire. À l’école, on oublie la vie à la maison, « l’uniforme pourrait être une façon de symboliser la coupure entre vie scolaire et quotidienne », explique Hugues Draelants, « c’est symbolique, reste à savoir si c’est efficace », renchérit le sociologue. Lui-même dit hésiter sur la question pour ou contre l’uniforme à l’école : « Il n’y a rien de binaire, mais du pour et du contre. Le débat est légitime dans le monde actuel où l’école cherche toujours comment concilier sa culture avec la culture juvénile et n’a rien de réactionnaire. »
Geoffrey Wetzel