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J’ai gagné le concours Miss France grâce à mon discours, pas à mon physique

Pour Sylvie Tellier, Miss France représentait avant tout l’occasion d’enfiler de belles robes et de passer à la télévision. Pour cette Nantaise, qui a passé son enfance aux Sables d’Olonne, devenir Miss France n’a jamais été un rêve. La jeune femme devait devenir avocate pour réparer les injustices. Mais un destin, parfois, ne tient pas à grand-chose. Une rencontre avec la mère de son petit-ami de l’époque l’incite à se présenter au concours de Miss Vendée. Le début d’une belle aventure… Sylvie Tellier remporte le concours Miss France en décembre 2001, et ce malgré son mètre 72. Une bonne surprise pour celle qui s’est toujours trouvée bien moins jolie que ses concurrentes. Une mauvaise surprise en revanche pour Geneviève de Fontenay, qui a toujours perçu Sylvie Tellier comme une Miss intello. Sylvie Tellier le sait, elle a remporté le concours grâce à son discours. Le début d’une nouvelle ère à Miss France ? Après la victoire, la Miss 2002 entend bien accompagner les nouvelles générations de misses, notamment à travers le concours qu’elle dirige de 2007 à 2022. Et puis surtout, dans son livre autobiographique Couronne et préjugés publié fin mai aux éditions Fayard, c’est désormais à toutes les femmes qu’elle s’adresse. Un véritable témoignage pour celle qui vient, contrairement aux a priori, de la France d’en bas. Avec une pensée à toutes ces mères seules qui élèvent leurs enfants, comme ce fut le cas pour la sienne. Elle le pense, le bonheur arrive parfois sur le tard. Féministe dans l’âme, elle fustige par ailleurs celles et ceux qui voudraient en finir avec le concours Miss France, qu’elle voit comme un accélérateur de carrière. Entretien sans langue de bois et inspirant.

UN LIVRE
Couronne et préjugés, éditions
Fayard
« Et si je n’étais tout simplement pas
celle que vous croyiez ? ». Avec son
autobiographie sortie fin mai, Sylvie
Tellier entend bien abattre tous les
préjugés dont elle a fait l’objet lors
du concours Miss France. Dans
ce livre, les Français apprennent
notamment que l’ex-patronne du
plus célèbre concours de beauté
est en fait issue d’une famille très
modeste, et qu’elle a dû en faire
un peu plus que les autres pour
s’élever. Sans oublier ces étiquettes
de « Miss intello » ou « beauté froide
» qui l’ont longtemps suivie.

Contrairement à nombre de jeunes femmes, vous ne rêviez pas de devenir Miss France.

Non c’est vrai, ce n’était pas un rêve. Je voulais être avocate et plaider. Lorsque j’ai vu ma mère divorcer en 1989, acte très courageux à l’époque, se retrouver un temps au chômage et se sacrifier pour ses trois enfants… J’ai eu envie, dès mes 11 ans, de défendre la veuve et
l’orphelin. J’obtiens un Deug en droit à Nantes, ville où je suis née, avant de poursuivre mes études à l’université Jean Moulin Lyon 3 car je n’avais pas les moyens d’étudier à Paris. J’aspirais à apprendre le droit de la famille, mais on me suggère plutôt de m’orienter en droit des affaires pour étendre mes possibilités sur le marché du travail. Je décroche une licence, une maîtrise puis j’intègre l’IEJ de Lyon pour préparer le concours d’avocat.

Alors comment nait cette idée de se présenter à un concours de beauté ?

Je me présente pour la première fois à 18 ans pour le concours de Miss Vendée. Devenir Miss France, d’autant plus dans mon milieu, ce n’est pas quelque chose auquel on pense. Cette idée est venue des autres, et notamment de la mère de mon petit ami de l’époque qui m’a incitée à me présenter. Je n’y croyais pas au départ. Et puis c’est devenu un défi avec ma meilleure amie. On se présentait toutes les deux avec la promesse de partir en vacances si l’une d’entre nous remportait le concours. Et je finis par gagner !

Vous avez récemment publié un ouvrage Couronne et préjugés aux éditions Fayard dans lequel vous revenez sur votre parcours et notamment votre enfance. Beaucoup de Français ont appris que vous venez d’un milieu très modeste, cela vous tenait à coeur de remettre l’église au centre du village ?

Cela fait partie d’un certain nombre de préjugés. Combien de fois, lors de mes déplacements, les gens me disaient : « Je n’ai pas votre chance ! » Mais quelle chance ? Comme si j’étais née avec une cuillère d’argent dans la bouche. Ma mère était vendeuse de chaussures, au Smic. Et mon père chauffeur de taxi. J’appartenais à une famille absolument banale. Longtemps j’ai tenté de ne pas trop afficher mes origines modestes, surtout au milieu de personnes qui viennent d’un autre monde, c’était le cas notamment à l’université Jean Moulin Lyon 3. Quand vous avez la vingtaine, vous essayez de ressembler à celles et ceux qui vous entourent. Et puis, plus les années passent, plus vous assumez d’où vous venez, et surtout j’ai compris que je me devais de témoigner pour donner de l’espoir à toutes les jeunes femmes qui ne sont pas forcément nées avec les bonnes cartes au départ. On vit dans un pays fantastique où tout est possible. J’ai été boursière toute ma scolarité et l’État m’a aidée à m’élever.

On vit dans un pays fantastique où tout est possible. J’ai été boursière toute ma scolarité et l’État m’a aidée à m’élever.

Parmi les autres préjugés, vous avez longtemps souffert de cette image de « beauté froide ». Comme si une future avocate n’avait pas sa place à un concours comme Miss France.

« Oh m..de », lançait Geneviève de Fontenay lors de ma victoire en décembre 2001. Elle avait évidemment des préjugés sur moi. Parce que j’étudiais le droit. Et j’étais sans doute plus atypique par rapport aux jeunes femmes qui se présentaient et l’emportaient jusqu’alors. J’étais sans doute surtout moins malléable et ça ne plaisait pas. Il y a eu un avant et un après 2001. Objectivement, je le sais, j’étais loin d’être la plus jolie. Mais j’étais la plus à l’aise au micro. J’ai gagné le concours Miss France grâce à mon discours, pas à mon physique. Et je remercie encore aujourd’hui Jean-Pierre Foucault qui m’avait bien aidée lors de la soirée en m’interpellant de la sorte : « Que fait une future avocate ici ? ». J’ai
pu rebondir sur cette offrande.

Globalement, comment résumeriez-vous vos relations avec Geneviève de Fontenay ?

On dit souvent que nos relations étaient très compliquées. Ce n’est pas tout à fait vrai. Oui Geneviève et moi n’étions pas d’accord sur tout mais on se challengeait. Oui elle avait des préjugés au départ sur ma personnalité mais on a réussi à travailler ensemble. Le vrai point de désaccord intervient dès lors qu’elle quitte le concours Miss France. On a cru que c’était moi qui l’avais poussée vers la sortie, c’est faux. Son fils (Xavier de Fontenay, ndlr) avait été remercié par Endemol, et c’est lui qui a forcé sa mère à claquer la porte du concours. Au fond d’elle, je crois qu’elle ne le voulait pas. Elle avait cette envie profonde, selon moi, que Miss France meurt après son départ, elle ne pouvait pas supporter que le concours perdure et triomphe sans elle. Et c’est pourtant ce qui s’est passé.

Qu’est-ce qui vous tenait le plus à coeur lorsque vous étiez directrice du concours ?

Accompagner les jeunes femmes. Leur dire qu’effectivement il n’y aura qu’une miss parmi toutes les prétendantes mais que toutes auront acquis tellement de compétences que l’on apprend nulle part ailleurs. Je le dis, le concours Miss France est un accélérateur de carrière. C’est un moment où l’on en apprend tellement sur les softskills, trop peu mises en avant à l’école. Le soir du concours, vous prononcez un discours devant des millions de personnes. Vous apprenez à vous vendre, et c’est ce que l’on vous demande toute votre vie. Malgré leur défaite, je répète aux jeunes femmes : « Croyez-moi, vous excellerez dans votre futur entretien d’embauche ! ». La posture, faire preuve d’assurance, le regard qui fixe les yeux ou le bout du nez de votre interlocuteur… tout ce qui paraît anecdotique mais qui en réalité fait la différence dans la vie professionnelle.

Se prétendre féministe et vouloir supprimer le concours Miss France
relève de l’absurde

Que répondez-vous à celles et ceux qui voudraient en finir avec ce concours parce que c’est sexiste ?

Ces personnes-là n’ont rien compris. Préservons les choses qui fonctionnent, et le concours Miss France en fait partie. Se prétendre féministe et vouloir supprimer ce concours relève de l’absurde. Car le féminisme, dont je me réclame, c’est quoi ? Eh bien c’est laisser la possibilité aux femmes de choisir ce qu’elles veulent faire dans la vie. Au nom de quoi quelques femmes s’expriment à la place des participantes au concours ? Personne n’oblige qui que ce soit à s’inscrire. Personne n’oblige qui que ce soit à regarder. Vouloir faire disparaître Miss France est irrespectueux envers les sept millions de téléspectateurs assis devant leur écran le soir du concours. En vérité, je crois que c’est surtout rassurant d’attaquer le concours Miss France, c’est facile de critiquer le défilé en maillot de bain. Ces femmes sont brillantes avant d’être belles. Être jolie et ambitieuse, cela ne passe pas pour certaines féministes.

Vous avez quitté la direction du concours parce que vous n’étiez plus en accord avec l’évolution des règles, notamment sur l’inclusion des transgenres.

Il n’est pas question d’être contre l’inclusion. Simplement, dans le cas de Miss France, on ne peut pas accueillir tout le monde au sein d’un même concours. On retrouverait dans une même compétition des femmes de plus d’1 mètre 70, d’autres de petite taille, des femmes handicapées, des femmes très âgées, etc. Les Jeux olympiques sont différents des Jeux paralympiques, par exemple. C’est vrai que j’ai émis des réticences à l’idée d’intégrer les transgenres au sein du concours Miss France. Pourquoi ? Juste par souci d’équité. Imaginez une jeune femme qui a une petite poitrine, qui en souffre, et qui décide adolescente de subir une opération. Cette femme-là ne pourra pas participer au concours. D’un autre côté, une personne transgenre qui a eu recours à la chirurgie pourrait y participer… n’est-ce pas injuste ?

Et pour les mères de famille, désormais autorisées à s’inscrire… une miss ne peut pas être maman selon vous ?

Non, ce n’est pas cela. Il faut savoir que la lauréate du concours voyage énormément pendant un an. Je considère que Miss France n’est pas un travail. Mais une mission. Si des millions de Françaises et de Français vous attendent depuis plusieurs semaines pour prendre une photo avec vous, vous ne pouvez pas prendre un arrêt maladie, par exemple. Sauf cas extrême évidemment. Ce n’est pas un contrat de travail. Or je ne veux pas qu’une jeune femme souffre du manque de son enfant alors qu’elle est censée vivre l’une des plus belles années de sa vie. Rien ne les empêche évidemment d’avoir un enfant après. Mais au-delà de l’évolution des règles, je voulais aussi retrouver cet équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Ce que je perdais au fil du temps. Il fallait que je me reconnecte avec les miens.

UN COMBAT
Sylvie Tellier, femme engagée
Sacrée Miss France 2002, Sylvie
Tellier devait participer au concours Miss Monde au Nigéria. « Je ne pouvais pas aller défiler dans un pays qui applique la charia et qui vient de condamner à mort par lapidation une citoyenne nigériane (Amina
Lawal, ndlr) parce qu’accusée d’adultère », explique Sylvie Tellier. Un boycott payant puisque le concours aura finalement lieu à Londres (Royaume-Uni).

 

UNE ANECDOTE
Unies pour la vie ?
Tous les cinq ans, Sylvie Tellier
réunit la promotion 2002 du
concours Miss France pour un weekend qu’elle finance (car lauréate) à Paris. L’occasion de se retrouver et d’échanger sur les parcours de vie des unes et des autres. En parallèle, un groupe WhatsApp « Promotion 2002 » existe toujours…

Vous êtes maman au sein d’une famille recomposée, comment se déroule votre quotidien ?

Tout d’abord, je tiens à le dire, la plus belle chose de la vie… est bien la famille. Mon mari et mes enfants, voilà ce qui compte le plus. J’ai trois enfants, deux garçons et une fille. Le papa de l’aîné étant mon ex-mari, puisque j’ai divorcé. Les trois enfants s’entendent très bien, pas de demi-frère ou de demi-soeur chez nous. J’essaie de développer chez eux une très grande curiosité, car cela compte beaucoup. Oscar, 14 ans, s’apprête par exemple à partir à Chicago pour qu’il puisse apprendre l’anglais. C’est ce qui m’a manqué plus jeune. Je ne suis pas une acharnée des notes, mais je les pousse à s’ouvrir au monde. Le sport aussi est très important.

Vous êtes une figure médiatique, avec une forte notoriété. Comment vos enfants vivent-ils cette situation ?

Je regarde très peu les émissions de télé dans lesquelles je peux être invitée. Encore moins en famille. Ma notoriété, c’est un sujet dont on ne parle pas outrès peu avec mes enfants. Evidemment, ils ont bien conscience de ma notoriété, ce n’est pas facile d’être les enfants de la maman dont on parle dans la cour de récréation. Mais j’essaie de banaliser la chose, il ne faut pas trop en faire. L’autre jour mon fils me dit qu’à l’avenir il aspire à être connu… Je l’ai arrêté tout de suite ! « Si tu braques une banque, oui tu vas être connu ! », lui ai-je dit. Non ce qui compte, c’est d’être reconnu pour ce que tu fais.

La famille : la plus belle chose de la vie

Quelles personnes vous ont le plus inspirée durant votre parcours ?

Il y a des femmes que j’admire, comme Christine Lagarde et Simone Veil. Ma mère évidemment, le livre est aussi pour elle. Je tiens d’elle cette persévérance dont j’ai pu faire preuve au cours des années au sein de Miss France. Une mère-courage comme je l’appelle ! « Ta vie je n’en veux pas », lui disais-je. Car beaucoup trop dure, elle s’est complètement sacrifiée pour ses enfants. À moi de jouer mon rôle aujourd’hui, montrer à d’autres femmes que le bonheur peut aussi arriver sur le tard. À toutes ces mères, parfois seules, qui font du mieux qu’elles peuvent pour élever leurs enfants, j’ai la conviction qu’ils le leur rendront au fil des années. D’autres personnes m’ont inspirée : Virginie Calmels, Alexia Laroche-Joubert. Des femmes fortes qui ont su surmonter les épreuves.

Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?

Je ne m’interdis pas un jour de passer le concours d’avocat pour boucler la boucle. J’ai en ce moment pas mal de projets en développement. J’ai écrit un format d’émission autour des régions et de l’entrepreneuriat, une aventure que je connais bien puisque j’accompagne mon mari qui s’est lancé dans ce projet fou l’an dernier. On me propose aussi des rôles dans des fictions et j’avoue que ça me tente beaucoup. Coté loisirs j’aimerais courir le marathon également et le boucler en moins de 4 heures, parce que ma mère l’avait réalisé en 4 heures et 1 minute. Un défi qui, si je le remporte, lui ferait plaisir.

PROPOS RECUEILLIS PAR GEOFFREY WETZEL ET JEAN-BAPTISTE LEPRINCE.

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