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Jonathan Rhys-Meyers, « Je me suis mis a lire… En quelques mois j’ai rattrapé mes carrences »

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Né avec une malformation du cœur, l’acteur qui incarne Henri VIII dans la série Les Tudors a, dans son enfance, plus fréquenté les hôpitaux que l’école… Sa volonté de fer et son extraordinaire appétit de connaissances lui valent de prendre en main sa propre éducation. Et sa revanche sur la vie…

On dit qu’ado, vous étiez le roi de l’école buissonnière. C’est vrai ?
Je dois vous faire un aveu… Me rendre à l’école, me conformer aux attentes d’un professeur, suivre une ligne de conduite prédéfinie par des gens que je trouvais éloignés des réalités a été pour moi un vrai calvaire. Je n’ai jamais accroché avec les institutions qui tentent de vous faire entrer certaines choses dans la tête sous prétexte que c’est bon pour la communauté !

Vous étiez rebelle… ?
J’étais de ceux qui ne comprenaient pas pourquoi on leur enseigne le phénomène des marées sur un grand tableau noir, alors qu’ils ont l’océan à quelques kilomètres. La théorie, c’est bien, mais la pratique, c’est mille fois mieux !

D’où vous vient cette aversion pour l’enseignement ?
Probablement du fait que je suis né avec un sérieux problème au cœur (ndlr : à sa naissance, les médecins lui donnaient très peu de chances de survie). J’ai passé toute mon enfance dans des hôpitaux à combattre mes insuffisances cardiaques. Les maths, l’anglais, les sciences et tout le reste avaient une importance mineure pour le garçon en sursis que j’étais. Et dès que je me retrouvais en collectivité, j’étouffais, je manquais de souffle.

Puisque le système ne voulais pas de moi,
j’ai pris l’initiative de m’autoéduquer !

Comment avez-vous fait pour vous en sortir ?
Les médecins n’avaient pas parié sur ma survie et j’ai décidé de tout mettre en œuvre pour les contredire. Je voulais leur montrer que j’allais la croquer, cette vie ! À l’école, je ne voulais déjà pas qu’on s’apitoie sur mon sort. Il n’y a rien de pire pour un enfant malade que de se faire rappeler chaque jour qu’il n’est pas comme les autres, qu’il faut le ménager ou qu’il n’a pas les capacités. Je me suis retrouvé isolé. Mes camarades me parlaient comme si j’étais en porcelaine, et mes profs s’adressaient à moi comme si j’étais diminué intellectuellement. Combien de fois ai-je eu envie de leur dire : « J’ai une malformation au cœur, pas au cerveau ! » Pour l’école comme pour certains membres de ma famille, j’étais un petit canard chétif qu’il fallait absolument éloigner de la normalité. En me surprotégeant, les gens ne se rendaient pas compte qu’ils faisaient de moi un paria. J’en ai beaucoup souffert, moi qui ne rêvais que de déployer mes ailes… Puisque le système ne voulait pas de moi, j’ai pris l’initiative de m’autoéduquer.

Comment ?
En ouvrant grand mes yeux et mes oreilles. Je me suis ouvert au monde et donc à la connaissance…

Vous autoéduquer, n’était-ce pas vous isoler encore plus ?
Non. Gamin, j’allais vers les autres. Je me nourrissais leurs connaissances. Ma curiosité quasi maladive a même fini par interpeller un bibliothécaire de l’hôpital. Grâce à lui, j’ai dévoré des tas d’ouvrages. Il m’a familiarisé avec des livres que je n’aurais probablement jamais lus en classe. Je lisais des romans, des nouvelles, des oeuvres classiques, des récits, des thèses… Rien ne me faisait peur. En quelques mois j’ai rattrapé mes carences scolaires. Mais à 16 ans, j’avais un tel dégoût de l’école que je me suis finalement fait virer du lycée !

Qu’avez-vous fait après votre renvoi ?
J’ai traîné mes baskets dans un club de billard : je fumais, je buvais… jusqu’à ce qu’un agent me remarque.

Avez-vous pris des cours d’art dramatique pour devenir acteur ?
Jamais. J’adhère à 100 % à ce que disait Robert Mitchum : « Jouer la comédie, c’est un truc que tout le monde peut faire. Il suffit de savoir lire, retenir quelques lignes et les recracher sans regarder ses pompes. Tout le reste, c’est du vent ! »

Lorsqu’on vous a proposé de jouer Henri VIII, le personnage n’avait plus de secret pour vous ?
Lorsque la production de la série télé The Tudors m’a proposé ce rôle, l’un des scénaristes m’a demandé si je connaissais ce roi ô combien légendaire. Je lui ai répondu que non seulement j’avais lu toutes les biographies le concernant, mais que je pouvais même dessiner son arbre généalogique et celui de toutes ses compagnes. Et ce, sans la moindre hésitation. Le type était bluffé ! Il avait probablement lu dans une gazette people que j’étais un cancre fini.

Henri VIII était un roi gros et laid… On ne vous attendait pas dans ce rôle !
Rassurez-vous, moi non plus ! (Rires.) La première fois que j’ai lu le scénario, je me suis dit : « Les gars qui m’ont sollicité ne doivent pas savoir qui je suis. Ou alors, ils ont bu du Bourbon ! » (Rires.) Je les ai donc contactés. Au téléphone, je leur ai dit : « Messieurs, j’ai peut-être séché pas mal de cours d’histoire dans ma jeunesse, mais je sais à quoi ressemblait Henry VIII. Si vous avez des velléités de me faire prendre 40 kg, de me laisser pousser la barbe et les cheveux pour les teindre en roux, oubliez tout de suite. Je ne suis pas la bonne personne ! » (Rires.) Après discussion, je me suis rendu compte que les scénaristes étaient sur la même longueur d’onde que moi. Ils ne désiraient pas d’un Henry VIII de type ogre rabelaisien, vulgaire et dégueulasse. Ce qu’ils voulaient, c’était un roi sexy. J’ai trouvé l’idée intelligente et… séduisante. Du coup, j’ai signé !

MINI-BIOGRAPHIE:

1977 : il naît le
27 juillet, à Dublin.
1994 : première
apparition à l’écran,
dans Un homme sans
importance.
2002 : il est à l’affiche
d’Alexandre, le film
d’Oliver Stone.
2005 : il joue dans
Match Point, de
Woody Allen, et
incarne le King dans
la série télé Elvis,

une étoile est née.
Lui-même chanteur,
il en interprète les
chansons.
2006 : Mission
impossible III.
2007 : il démarre
la série télé The
Tudors, dans laquelle
il interprète le rôle
de Henri VIII jeune.
Sa performance lui
vaut une nomination
aux Golden Globes.

N’est-ce pas une manière de faire du révisionnisme primaire ?
Non ! C’est ce qu’on appelle une fiction. (Rires.) Cela ne me gêne pas qu’on détourne certaines figures historiques. En les traitant ainsi, on les réinvente et on les remet, d’une certaine manière, au goût du jour. Je trouve intéressant que les jeunes générations entendent parler de Henri VIII, même dans une série qui prend des libertés. À partir du moment où vous suscitez un intérêt chez quelqu’un, celui-ci essaiera probablement de creuser le sujet et d’en savoir davantage. La série The Tudors n’est qu’un survol. Un hors-d’oeuvre, en somme. Le plat de consistance, vous le dégusterez en faisant vous-même vos propres recherches sur ce roi hors norme !

Contrairement à Henry VIII, qui avait un derme désastreux, vous êtes très soucieux de votre peau. Seriez-vous un éternel ado ?
J’ai un petit problème, c’est que je sue beaucoup. J’ai parfois l’impression d’avoir un teint huileux. Mais maintenant que je sors moins et que je fais plus attention à ce que je mange, ça va mieux ! Quand j’étais plus jeune, je voyais des gars très mignons refaire le monde autour d’une chope de bière. Quinze ans plus tard, les mêmes gars racontent les mêmes histoires autour d’une énième mousse. La grosse différence, c’est qu’ils sont bouffis par l’alcool. Je ne voulais pas leur ressembler et ruiner ma jolie petite gueule… Hey, c’est mon gagne-pain! (Rires.)

 

Propos recueillis a Los Angeles par Franck ROUSSEAU.

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