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Marina Carrère d’Encausse : Pour toucher un enfant, parlez-lui des risques immédiats !

Temps de lecture estimé : 4 minutes

A 51 ans, l’une des médecins les plus emblématiques du PAF nous parle des risques qu’encourent nos ados avant l’été. La fille de l’académicienne Hélène Carrère d’Encausse et mère de trois enfants, allie ses deux métiers avec passion: médecin et journaliste.  Depuis presque 15 ans, elle co-présente et dirige le Magazine de la Santé sur France 5 aux côtés de Michel Cymès.Quelques conseils en matière de prévention avant l’été…

Vous êtes médecin de formation. Pourquoi avoir choisi de devenir journaliste ?

Ce sont les hasards de l’existence… à la fin de mes années d’internat, j’écrivais pour le journal La Santé de l’homme. Puis, durant mes premières années d’exercice, j’ai été victime d’un accident de voiture qui m’a immobilisée. Un journaliste du journal Le quotidien du médecin m’a demandé de raconter cet événement du point de vue du médecin. Ensuite, tout s’est enchaîné : les chroniques santé pour les enfants au « Disney Club », « Paroles d’experts » sur France 3, etc.

Marina Carrère d’Encausse : « Pour toucher un ado, parlez-lui des risques immédiats ! »

L’été arrive, c’est souvent l’occasion de toutes les premières fois pour les ados : première cuite, premières amours, premier joint, etc.  Les parents doivent-ils s’en inquiéter ?

La vie d’un adolescent est pleine de risques, c’est une évidence ! Néanmoins, les parents doivent avant tout faire confiance à leurs enfants. Or, cette confiance n’est justifiée que si un dialogue axé sur la prévention est établi. Il s’agit de les prévenir des dangers qui les entourent, tels ceux liés à la consommation de drogue ou d’alcool. Toute l’éducation doit reposer sur l’écoute, le partage et le dialogue. Le lien qui permet ces échanges doit s’établir bien avant l’adolescence.

Les parents sont-ils conscients des risques de santé réels qu’encourent leurs ados ?

Non. Ils ne réalisent pas l’ampleur du phénomène d’alcoolisation et de consommation de drogue chez les jeunes. Ils ne connaissent pas les nouveaux modes de consommation totalement excessifs. Ces substances sont partout, or ils ne s’en méfient pas. L’été, c’est la liberté ! Les ados prennent des risques par principe et c’est normal. Transgresser les règles, repousser les limites, se confronter au danger fait partie de leur vie. Ils feront certes des bêtises, mais le rôle des parents consiste à les protéger suffisamment pour limiter les risques. Le boulot de parents n’est pas facile !
L’alcoolisation chez les ados, notamment chez les filles, est en constante  progression. Que doit-on en conclure ?
Les filles rattrapent les garçons, c’est tout ! Le mode de consommation a changé. Les ados boivent plus tôt, plus vite et en plus grande quantité. La France étant un gros producteur d’alcool, nous avons tendance à banaliser l’ivresse. Le problème est qu’aujourd’hui les filles sont aussi souvent ivres que les garçons. Si l’ivresse est répétée à l’adolescence, la personne présentera des risques de dépendance vers 25 ou 30 ans, et pas seulement à l’alcool…

Faut-il dédramatiser quand son enfant prend sa « première cuite » ?

Le problème n’est pas de se « prendre une cuite », mais que ces « cuites » soient répétées tous les week-ends. Les parents ne le voient pas forcément, ils ne sont pas assez vigilants. Il ne faut surtout pas laisser passer, attendre qu’il ait récupéré, mais essayer de discuter et savoir pourquoi il l’a fait. Boire est une chose, être ivre en est une autre.

Quels arguments avancer à son ado pour éviter l’excès ?

Pour qu’un ado soit touché, il faut lui parler des risques immédiats. Les problèmes futurs, il s’en fiche. De nombreux risques immédiats existent et il faut le lui dire : un rapport sexuel non consenti, la transmission d’un virus… On peut aussi lui dire qu’un coma éthylique peut tuer ! Il ne s’agit pas de le juger, de lui interdire telle sortie, ni même de le contrôler, mais simplement de lui dire qu’on l’aime et qu’on veut le protéger. Ce discours est audible pour un enfant.

Comment préparer son enfant à dire « non » quand on lui propose de la drogue  ?

Il faut être vigilant avec l’argent de poche qu’on leur donne. Surtout ne pas compenser l’absence par de l’argent !

L’école a-t-elle un rôle à jouer en matière de prévention ?

Je pense que oui… Quelques sympathiques bénévoles interviennent de temps en temps dans les classes. Mais ce qui fonctionne le mieux en matière de prévention, ce sont les personnes qui viennent témoigner de leurs accidents !

Parmi les dérives de l’été, on constate aussi la tendance aux régimes injustifiés chez les jeunes filles. Cela peut-il laisser des séquelles ?

Il me semble que tout régime est injustifié chez un ado, hormis en cas de surpoids. La personne doit alors être prise en charge par un spécialiste. A cet âge, les régimes sont inutiles. Ils répondent simplement à une pression, à la dictature de la minceur. Une ado peut très vite basculer dans l’anorexie. Pour éviter cela, rien de mieux que de se mettre à table au moins une fois par jour avec ses enfants et d’observer leur comportement alimentaire. Plus les régimes sont commencés tôt plus l’organisme est détraqué ! Pour moi, il est essentiel de pousser les enfants à faire du sport. Valorisez votre enfant, dîtes-lui qu’il est beau et évitez les surnoms tel « Bouboule »…

Quels conseils donnez-vous pour aborder l’été ?

En été, l’excès peut avoir lieu chaque soir. Il ne faut pas accepter que son ado dorme jusqu’à 13 h, parce qu’il est rentré complètement «murgé» à 4 h du matin. Nul n’est obligé d’accepter d’avoir « une larve » en vacances avec lui ! On a le droit de fixer des limites, de le réveiller à 11 h pour déjeuner tous ensemble ! Le laisser dormir une fois de temps en temps c’est acceptable, mais pas tous les jours. Les grands-parents ont aussi un rôle à jouer, car ce sont souvent eux qui les gardent en été. Je crois qu’aucun ado ne peut en vouloir à un adulte de s’intéresser à lui, même lorsqu’il s’agit de lui interdire quelque chose.

Interview réalisée par Marie-Bertille Cardera

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