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Les Œuvres de la Mie de Pain une association porteuse d’histoires et de valeurs

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« La jeunesse fera toujours beaucoup de fautes et de folies, et s’attirera les plus grands malheurs, quand elle ne consultera pas les gens sages et expérimentés, et qu’elle ne suivra pas leurs conseils », disait la femme de lettres Félicité de Genlis.

Depuis 130 ans, l’association La Mie de Pain est implantée dans le XIIIe arrondissement de Paris. C’est ici que s’est installée en 1857 la famille de Paulin Enfert. Un homme qui dévouera sa vie au service des plus pauvres. À l’époque, le XIIIe arrondissement était celui des ouvriers et des miséreux. Aujourd’hui encore, il regroupe de nombreuses associations. À partir de 1885, Paulin Enfert a décidé de consacrer tout son temps libre à des œuvres de charité. Il a commencé par rassembler les enfants désœuvrés du quartier de la Maison Blanche et à les instruire en leur enseignant le catéchisme, leur proposant des jeux, « tout pour les sortir de la rue » et organisant des activités sportives. En 1887, il a créé « officiellement » le Patronage Saint Joseph de la Maison Blanche. Deux ans plus tard, grâce à un donateur très généreux, le groupe a pu bénéficier d’un terrain de 2 000 m² situé rue Bobillot (c’est ici qu’aujourd’hui se situent certains des établissements de l’association). Paulin Enfert y a accueilli les enfants du quartier et des orphelins qu’il a mis en apprentissage. En 1891, des jeunes du patronage ont voulu à leur tour aider les personnes démunies. En voyant une femme donner des miettes de pain aux oiseaux, l’un d’eux a estimé qu’en « dégotant beaucoup de mies de pain, mais des grosses, on pourrait nourrir des gens ! ». Ainsi naquit La Mie de Pain…
Quatre ans plus tard, le patronage a mis en place divers aménagements : le « vestiaire des pauvres », les consultations médicales gratuites, le « secrétariat des pauvres ». En 1932, le premier dortoir permettant l’accueil de nuit pour 300 personnes a également vu le jour. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ce centre a d’ailleurs accueilli jusqu’à 700 personnes. À la fin de la guerre, La Mie de Pain, qui s’est constituée en « association loi 1901 » au début du siècle, a recueilli les « clochards » rejetés par la société. Toutefois, elle a continué sa mission d’éducation des plus jeunes et a créé en 1969 le Foyer des jeunes travailleurs (FJT), qui porte le nom du fondateur de La Mie de Pain, Paulin Enfert.
Un lieu où les destins s’entremêlent
C’est ici que vit aujourd’hui, depuis 2015, Michael*, originaire d’Afghanistan. Suite à une altercation avec un jeune, il a été expulsé d’un Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Il a ensuite été réorienté vers le FJT de la Mie de Pain. « Ici, c’est sympa. On rencontre des gens qui ont de l’expérience car ils habitent juste à côté de nous, dans la Villa de l’Aube. Cela nous permet de comprendre la vie. Tout le monde se respecte ici. Nous faisons des activités, des sorties ensemble », explique Michael. Ouverte en 2001, la Villa de l’Aube est à la fois la pension de famille (aussi appelée maison relais) et la résidence sociale de l’association. Marie*, âgée d’une cinquantaine d’années, y vit depuis quatre ans. Sensible et timide, Michael a eu du mal à travailler avec son assistante sociale au début. « J’étais complètement perdu, j’avais peur des autres. Finalement, les assistantes sociales et les jeunes d’ici m’ont redonné confiance en moi », raconte Michael. Marie a également beaucoup aidé le jeune homme de 25 ans. « Je suis ouverte. Quand je vois qu’une personne ne va pas bien, je vais vers elle pour voir si je peux l’aider », confie Marie. Mais Michael et Marie ont encore du chemin à faire. « Je veux être bien. Je veux avoir plus de confiance en moi, réussir dans la vie, avoir des amis, un boulot… », énumère Michael. Quant à Marie, elle souhaite surtout être en bonne santé. « Et puis, qui sait, avoir peut-être mon logement plus tard », lance-t-elle.
Les parcours des résidents du FJT sont tous très différents. Certains n’ont pas de travail et ne savent pas où se loger, d’autres quittent leur foyer et veulent se rapprocher de leur lieu de travail ou d’études mais se heurtent au problème du logement sur Paris. En effet, il n’est jamais facile de trouver un toit dans la capitale, surtout si on vient de quitter le nid familial ou si l’on n’est pas autonome du point de vue administratif. Au FJT de La Mie de Pain, les jeunes ne retrouvent pas seulement un logement, ils bénéficient également d’un vrai accompagnement en fonction de leur situation pour qu’ils puissent trouver la place qu’il leur faut dans la société de demain. « Nous avons deux objectifs : aider les jeunes à trouver un logement autonome à la suite d’un accompagnement socio-éducatif et leur permettre d’avoir un emploi durable », explique Thierno Balde, directeur du Pôle logement adapté qui regroupe le FJT, la pension de famille et de la maison relais. « Nous accompagnons les jeunes dans leur accès aux droits (Sécu, impôts…). Tout ce qui permet d’avoir un beau classeur en ordre avec tous les papiers bien rangés et qui rapproche les jeunes des institutions », précise-t-il, ajoutant que les résidents peuvent voir toutes ces questions avec un travailleur social présent sur place. « Certains ont 18 ans, soit ils étaient d’un foyer de la DDASS, soit chez les parents… Mais parfois, ils ne connaissent pas les simples choses du quotidien comme faire la lessive. J’ai rencontré une fille au FJT de La Mie de Pain à qui j’ai dû apprendre à mettre une machine à laver en marche. Tout ça fait partie de l’accompagnement », indique Heuria Mir, chargée de relations presse, publiques et événements.
Le FJT a une capacité de 114 places. Les appartements se situent dans un grand immeuble de sept étages dont les fenêtres donnent soit sur la rue Bobillot, soit sur une cour fleurie et ensoleillée de l’association. Le logement est fourni en échange d’une redevance. Le loyer s’élève en moyenne à 480 euros, toutes charges comprises (électricité, eau, assurance…). Les jeunes peuvent payer leur studio équipé grâce aux aides sociales comme les APL. Si le montant du loyer est trop important pour eux, ils peuvent partager une chambre à deux pour 320 euros. Cependant, les jeunes n’ont pas de plaques de cuisson dans leurs studios. Ils ont des micro-ondes. La cuisine se trouve en bas dans la partie commune de la résidence pour que les jeunes puissent se retrouver ensemble dans un lieu commun. « L’objectif de l’accompagnement que nous proposons est double : individuel et collectif. L’idée est de former des jeunes à être des citoyens épanouis et solidaires. D’ailleurs, ils font beaucoup d’actions solidaires ici », précise Thierno Balde. « Il y a aussi des animations, des repas et des fêtes parce qu’il y a des coups de blues. Il faut les remobiliser pour qu’ils ne sentent pas seuls et aient confiance en eux, puissent être forts et aborder la vie du futur », précise Heuria Mir.
Des jeunes qui marquent l’esprit
Les jeunes sont dirigés vers le FJT par des partenaires de l’association, dont le Conseil régional. Mais certains arrivent à La Mie de Pain après en avoir entendu parler sur les réseaux sociaux ou via des connaissances. Ils remplissent donc une candidature spontanée sur le site de La Mie de Pain (www.miedepain.asso.fr). En moyenne, ils restent au FJT 17 ou 24 mois. Si leur situation n’a pas évolué, ils peuvent rester plus longtemps. Aucun critère n’est requis pour être admis au FJT. Il suffit d’accepter les règles du foyer. « À partir d’une certaine heure, les visiteurs ne peuvent pas venir. Ils doivent d’ailleurs présenter leur pièce d’identité lorsqu’ils se présentent à l’accueil. Les mineurs n’ont pas le droit de monter dans les chambres », indique Thierno Balde.
Certains jeunes restent dans les cœurs du personnel. « Il y en a beaucoup qui m’ont marqué mais je me souviens surtout des frères jumeaux Dubois*. On a reçu d’abord le premier frère, puis il a ramené son jumeau. Ils venaient de Perpignan. Ils étaient apprentis plombiers. Nous sommes toujours en contact. Ils sont débrouillards, ils ont déjà acheté un terrain en campagne et organisent des soirées innovantes sur Paris », raconte Thierno Balde. « Un jour ils sont venus vers moi et m’ont dit : « Ça y est, on est insérés ». J’étais étonné et n’avais pas tout de suite compris. Ils m’ont alors montré leur joli classeur où étaient rangés tous leurs documents dans l’ordre. Et ils venaient juste m’annoncer qu’ils avaient un préavis de départ à me faire signer car ils avaient trouvé leur logement. » Une réussite que le FJT de La Mie de Pain souhaite à tous ses résidents. n

* Les noms et les prénoms des résidents ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.

Anna Ashkova

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