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Coeur & Recherches : au coeur des choses

La professeur Marianne Zeller, chercheuse à l’université de Bourgogne Franche-Comté.

Temps de lecture estimé : 4 minutes

On connaît les facteurs de risque liés au mode de vie pour le cœur, du manque d’activité physique à une alimentation mauvaise. On en sait moins sur les risques de la pollution sonore sur l’organe. C’est justement une étude en ce sens qu’a décidé de soutenir la Fondation cœur & recherche.

En France, on dénombre chaque jour 213 morts d’une crise cardiaque, 110 morts subites, 575 patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque (première cause d’hospitalisation en France) : 30 % de ces insuffisant·es cardiaques seront réhospitalisé·es dans l’année. Des conséquences lourdes sur leur bien-être, leur vie familiale et professionnelle en découlent. Face au fléau des maladies cardiovasculaires, la Fondation cœur & recherche agit par l’innovation, la santé publique, la recherche de pointe, la collaboration… Ce sont les mots qui la définissent le mieux. Créée en 2010 par la Société française de cardiologie, reconnue d’utilité publique et présidée par le professeur Michel Komajda, la fondation mobilise ses énergies pour soutenir la recherche cardiovasculaire innovante au bénéfice du patient : répondre à la demande sociale et aux enjeux environnementaux liés aux maladies cardiovasculaires, favoriser la collaboration entre les équipes de recherche, valoriser au plan international l’excellence de la recherche cardiovasculaire soutenue par la fondation, sensibiliser le grand public aux grands enjeux de la recherche cardiovasculaire. Les bénéficiaires de première intention sont les cardiologues chercheurs français eux-mêmes. Depuis dix ans, la fondation s’appuie sur un conseil scientifique de haut niveau qui propose les thèmes prioritaires de recherche, élabore les appels à projets et sélectionne les meilleurs d’entre eux.

150 000 euros aux équipes de recherche sélectionnées

Pour les années venir, Cœur et recherche souhaite favoriser le recueil et l’exploitation des données épidémiologiques pour prédire et prévenir les accidents cardiovasculaires, aider au développement d’une médecine personnalisée, développer des technologies innovantes de diagnostic et de traitement en médecine cardiovasculaire, comprendre les interactions entre les maladies cardiovasculaires, les autres pathologies et l’environnement, détecter les maladies émergentes qui impliquent un impact sur le système cardiovasculaire. Elle a la volonté d’être en première ligne pour identifier de nouvelles pistes de diagnostic et de traitement. Elle souhaite également définir des projets fédérateurs et de grande envergure en fonction de l’état de la science et favoriser l’émergence de jeunes équipes de recherche.

Depuis 2011, la fondation a soutenu plus de 30 projets de recherche axés sur la prévention, le dépistage et le traitement des maladies cardiovasculaires, pour un montant de plus de 3 millions d’euros. Les équipes sélectionnées reçoivent 150 000 euros sur deux ans pour mener à bien leur étude. Des recherches qui ne pourraient avoir lieu sans les dons que reçoit la fondation et dont elle a toujours besoin. Le dernier projet sélectionné et soutenu par elle est la recherche qui vise à évaluer les conséquences de l’exposition à la pollution environnementale, en milieu urbain, après infarctus du myocarde.

Quand le bruit pollue le cœur

Chaque année, 9 millions de personnes meurent dans le monde à cause de la pollution, selon la revue scientifique médicale britannique The Lancet, octobre 2017. La pollution concerne autant l’air extérieur que celui respiré à l’intérieur des demeures. Sans oublier les valeurs particulièrement élevées de pollution constatées dans le métro. En France, la pollution de l’air cause environ 48 000 décès prématurés chaque année. Elle a aussi un impact sur l’espérance de vie en bonne santé. Les maladies pulmonaires et cardiovasculaires sont les principales responsables. Le rôle du bruit est moins connu. « Le lien entre la pollution et le bruit existe fortement dans la mesure où les sources de polluants sont souvent les mêmes que la pollution sonore. Les trafics automobiles sont une source de bruit et de pollution. C’est d’ailleurs la source principale du bruit que nous connaissons dans le milieu urbain. Dans certaines villes, il faut ajouter les bruits des aéroports et des trains. À Dijon, nous étudions essentiellement le bruit du trafic routier, puisque c’est la caractéristique du paysage sonore de cette ville », explique la professeure Marianne Zeller, chercheuse à l’université de Bourgogne Franche-Comté, qui participe à ce projet, dirigé par le professeur Yves Cottin du CHU de Dijon et mené dans une quinzaine de communes de la métropole dijonnaise. Il s’agit de la première étude originale dans ce sens à l’échelle d’une ville française.

Depuis 2018, l’équipe étudie le lien entre les degrés de pollution (atmosphérique et sonore) et le risque cardiovasculaire sur une période de sept ans (2002-2008). L’exposition au bruit et à trois polluants (particules fines, dioxyde d’azote et ozone) est examinée en fonction du lieu d’habitation des participants. Pour y parvenir, des chercheurs de Besançon ont cartographié les polluants de l’air ambiant. Les scientifiques dijonnais de leur côté se référeront à une base de données documentaire des infarctus du myocarde, enrichie depuis 2001 par l’Observatoire des infarctus de Côte d’Or (Rico) – un outil unique en France –, en région Bourgogne-Franche-Comté. « Être exposé·e à un bruit, comme un trafic routier près de son domicile, provoque le risque de développer davantage d’hypertension, donc d’élever sa pression artérielle. C’est un des facteurs de risque majeur d’infarctus du myocarde et d’insuffisance cardiaque », décrit la professeure Zeller.

L’influence des facteurs environnementaux (bruit et pollution) et leurs répercussions sur notre santé devient un sujet de plus en plus préoccupant. Si les chercheurs arrivent à démontrer qu’il y a bien des relations entre ces niveaux de bruit et le risque de maladie cardiovasculaire, ils seront en mesure d’identifier le groupe des patients à risque. « Chez les enfants et les ados, l’exposition aux bruits a des répercussions sur la santé. L’environnement bruyant risque d’augmenter chez eux la pression artérielle », prévient Marianne Zeller. Cette étude, dont les résultats devraient paraître prochainement, aidera à mieux comprendre et appréhender les liens qui existent entre la pollution sonore et les maladies du cœur.

Anna Guiborat

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