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Le séquençage, une pratique essentielle du yoga

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Le yoga, pratiqué avec assiduité, ne se résume pas à quelques « exercices » choisis de-ci de-là. Un cours digne de ce nom, mené par un.e professeur.e tout aussi digne de ce nom, enchaîne des asanas dans un ordre déterminé, pour aboutir à une fin, l’asana sommet. Avant de vous lancer auprès d’un.e enseignant.e, sachez comment et pourquoi un séquençage est pensé et appliqué. Mark Stephens, yogi maître américain, en a livré la clé dans l’un de ses ouvrages, L’enseignement du yoga, comment organiser le séquençage des cours (Éditions Macro Gruppo). Un ouvrage essentiel pour le.la professeur.e et l’élève.

Lorsqu’on remonte loin dans l’histoire du yoga, l’on découvre une série de directives spécifiques sur la façon de séquencer la pratique. Dès lors que l’on considère la discipline dans son sens le plus large, soit la pratique de l’éveil et de l’intégration, les directives couvrent tout le spectre de tout ce qu’il faut accomplir au cours de sa vie, comme la façon de construire une session particulière. À propos du parcours d’une vie en ce monde, les « Soutras de Yoga » (Yoga Sūtras) de Patañjali énoncent quatre degrés d’évolution yogique au fil des pratiques : elles sont conçues pour contrôler le mental (chitta vritti nirodaha, « calmer les fluctuations du mental ») et ouvrir l’individu au bonheur. Par son anticipation du développement du hatha yoga (un yoga synonyme de pratique d’asanas et pranayamas multiples), Patañjali propose un progrès graduel dans l’accomplissement de ces pratiques dont les variantes ménagent une meilleure accessibilité en fonction des tempéraments et des conditions physiques.

Comprendre d’où vient le hatha yoga

Pour faciliter le cheminement vers le bonheur, Patañjali a dessiné un processus en huit étapes : 1, yama, 2, niyama, 3, asana, 4, pranayama, 5, pratyahara, 6, dharana, 7, dhyana et, 8, samadh. À travers ce modèle, l’on commence avec yama pour assurer un socle moral aux pratiques approfondies à venir, l’on progresse vers niyama, les pratiques d’autopurification et de connaissance de soi-même, avant de tenter d’accomplir l’asana. L’on dit que se lancer dans l’asana avant le yama et le niyama conduira à des dysfonctionnements mentaux futurs tout en annihilant le bénéfice de la pratique asana. À l’époque de Patañjali – il composa aux alentours de l’an 200 –, l’asana consistait en la pratique de l’assise (littéralement, « s’asseoir, prendre son assise »), et les seuls éléments qu’ajouta Patañjali à cette définition furent les qualités asana essentielles de sthira (constance) et sukham (confort, bien-être) […]
Quelques centaines d’années plus tard, apparaît la première manifestation d’un yoga physique qui implique plusieurs asanas et autres pratiques, et qui prendra l’appellation de hatha yoga. Dans les premiers écrits consacrés au hatha yoga, notamment le Hatha Yoga Pradipika de Swami Swatmarama daté du xive siècle (Muktibodhananda, 1993) et le Siva Samhita (Mallinson, 2004), sont décrites quatre étapes d’évolution du yoga censées servir à l’apprentissage de toutes les pratiques yogiques (le Siva Samhita limite spécifiquement ces étapes à la pratique du pranayama). L’ensemble de ces quatre étapes se désigne par le vocable bhava, évocateur d’une évolution spontanée au cours de laquelle le bienfait de l’expérience du corps-souffle-mental s’approfondit dans l’affinement. Ce sont ces quatre étapes qui nous dictent le partage traditionnel entre débutant, intermédiaire, avancé et avancé++.

1 – Arambha avastha – débutant :

C’est l’étape au cours de laquelle l’on commence à prendre conscience de son propre corps, où l’exploration des asanas, sur le plan de l’anatomie générale, enseigne les attitudes de base et les actions au cœur des asanas. b.k.s. Iyengar (2009) évoque cette étape comme un « grattage superficiel ». L’objectif : ressentir l’unité de chaque asana, travailler la constance, l’égalité et le confort tout en tâchant de comprendre comment élargir la respiration et l’affiner.

2 – Ghata avastha – l’étape du récipient ou du bassin :

L’on commence à explorer plus avant la façon dont les qualités de l’esprit sont affectées par des modifications corporelles. La pratique évolue vers une prise de conscience plus subtile de la respiration, de la perception auditive et de la sensation générale, une façon d’affiner le récipient/bassin qui contient le « corpsesprit ». L’on commence, par un mouvement plus intérieur, à mettre en œuvre des pratiques de rétention respiratoire, à réaliser graduellement des pranayamas plus complexes en allongeant son engagement dans une maîtrise du flux respiratoire, moyen de développer des ressentis toujours plus affinés.

3 – Parichaya avastha – étape d’intensification :

Après avoir parfait le temple du corps par le jeu des asanas de stades débutant et intermédiaire, et l’instrument de la respiration à travers les pranayamas, l’on atteint alors l’étape de la connivence intime avec l’esprit. En se figeant dans les pratiques asana et pranayama, l’on devient en mesure d’explorer l’incarnation de la conscience, d’acquérir la perception affinée de chaque cellule de son être et par là même progresser dans le ressenti de l’intégration totale du « corpsesprit ».

4 – Nispattia avastha – étape de l’achèvement :

Une fois le corps-mental-souffle affiné en une qualité continue d’être pur, tout ce que l’on va faire et ressentir dans la vie s’assimile à une méditation dynamique où la distinction même entre le corps et la conscience s’évanouit au moment où l’on entre en état de bonheur.

Olivier Magnan
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