Temps de lecture estimé : 6 minutes
Elle vous a émus dans Les petits mouchoirs. Vous l’avez retrouvée avec plaisir dans Fais pas ci fais pas ça, la série qui cartonne sur France 2. À 40 ans passés, Valérie Bonneton enchaîne les tournages et les succès. Un Molière, une nomination aux César ont déjà récompensé ses talents d’actrice montante. Les propositions de rôles affluent, sans pour autant éclipser celui, principal, qu’elle tient auprès de Joseph, 11 ans, et Marguerite, 6 ans, nés de sa relation avec l’acteur François Cluzet. À La Closerie des Lilas, son QG situé à deux pas des écoles de ses enfants, elle nous parle de sa vie de mère de famille impliquée et revient sur son adolescence auprès de parents attentifs et aimants.
Qui s’occupe de vos enfants lorsque vous tournez ?
Je n’ai pas encore de solution idéale, il est très difficile de trouver la bonne personne.
N’avez-vous jamais confié vos enfants à une nounou ?
Non, j’ai toujours voulu m’en occuper le plus possible. Si j’avais embauché une personne à temps complet, elle aurait également été présente lorsque je ne travaille pas. Cela aurait été difficile à gérer.
Comment gérez-vous dès lors vos absences ?
Lorsque j’ai besoin d’aide, je peux toujours compter sur Sonia, ma voisine. Nous nous connaissons depuis dix ans. Une vraie seconde maman pour moi ! Elle a été très présente alors que je traversais des moments difficiles avec mes enfants. Nous sommes très proches. Elle aime énormément mes enfants et mes enfants l’adorent. C’est la rencontre féminine de ma vie !
Qu’avez-vous du mal à déléguer ?
Les devoirs !
C’est pourtant ce dont les parents se débarrasseraient volontiers…
J’aime bien faire les devoirs avec mes enfants, cela répond chez moi à un besoin de tout contrôler. Joseph, par exemple, a commencé l’année avec des notes plutôt moyennes. Je lui ai dit : « Désormais, je ne te lâche plus », et depuis ses notes ont remonté.
Vous l’avez félicité ?
Bien sûr ! Aujourd’hui, il m’a appelée à l’heure du déjeuner pour m’annoncer un 16 en technologies. Je lui ai envoyé des tonnes de smileys par texto.
Êtes-vous toujours patiente ?
Il m’arrive de m’énerver… Moins que Fabienne Lepic tout de même !
Que pensez-vous de la suppression des notes à l’école ?
Au CP, pourquoi pas… Être noté en sortant de maternelle me semble rude. L’idée de supprimer les notes me plaît, je trouve néanmoins qu’il est difficile de faire sans. Cela reste le seul moyen d’évaluer le travail. Louis Jouvet disait que la compétition est saine. Alors oui parfois c’est rude, mais c’est sain !
Quel type d’établissement fréquentent vos enfants ?
Ils sont inscrits dans le public, à côté de la maison. Je crois en l’élève. Mon père disait « Compte sur toi. Il n’y a pas de mauvais professeurs, il n’y a que des mauvais élèves. » Le privé ne reflète pas la vraie vie. J’ai été élevée comme ça ! J’ai appris à ne compter que sur moi.
Cela fait-il partie des valeurs que vous souhaitez leur transmettre à votre tour ?
Aujourd’hui nous sommes trop assistés, les enfants sont gâtés. Je souhaite offrir une belle enfance aux miens, tout en leur faisant prendre conscience des réalités de la vie. J’essaie de leur inculquer le sens de l’effort et la satisfaction que l’on en tire.
Vos enfants ont-ils des téléphones portables ?
Joseph en a un avec un petit forfait. Il n’en abuse pas trop.
Ont-ils le droit d’aller sur Internet ?
Bien sûr. J’ai installé un contrôle parental ! En revanche, je ne veux pas de jeux vidéo à la maison. Je crois qu’ils en ont chez leur père.
Cela ne vous ennuie pas qu’ils fassent chez leur père ce que vous leur interdisez de faire à la maison et de paraître ainsi plus sévère ?
Non, ils savent que c’est un équilibre. Parfois, ils me reprochent de n’être « pas sympa », mais dans le fond ils savent très bien que c’est de l’amour. Et puis je sais être flexible. Si Joseph est en train de finir un jeu, je décale sans problème l’heure des devoirs ou du coucher.
Votre fils a-t-il un compte Facebook ?
Non. Il ne m’en a jamais parlé et je n’aimerais pas qu’il en ait un. Je ne vois pas l’intérêt de parler avec ses amis de cette manière.
Que pensez-vous des vêtements que portent les jeunes filles d’aujourd’hui ?
Les ados que je croise dans mon quartier ne sont pas du tout indécentes. Elles sont très mignonnes au contraire. Le bon goût s’éduque dès la plus tendre enfance. Si on les autorise à porter du rose à paillettes et du maquillage à six ans, à quinze ans c’est la catastrophe !
Vos enfants sont-ils sensibles aux marques de vêtements ?
Ils s’en fichent. Je choisis leurs vêtements sans eux. Cet été, je les ai emmenés faire des courses pour la première fois pour être bien sûre des tailles. Ils étaient ravis.
Ado, suiviez-vous la mode ?
Mes parents n’avaient pas beaucoup d’argent. Ma mère ne travaillait pas. Nous avions très peu de vêtements, mais Maman aimait les belles choses. J’avais une robe très jolie que je trouvais trop classique. Je rêvais d’un jean !
Que pensez-vous des femmes qui ont choisi d’être mères au foyer ?
Rester à la maison près de ses enfants est une preuve d’amour. Je les admire beaucoup, elles ont du mérite parce que c’est très difficile. Elles n’ont aucune reconnaissance et c’est sûrement une frustration de ne pas travailler.
Vous n’avez jamais envisagé d’être mère au foyer ?
Certaines femmes s’épanouissent dans leur foyer. Moi, j’ai besoin de me réaliser en dehors de ma vie de famille. Je m’arrange toujours pour ne pas enchaîner les tournages afin de pouvoir me consacrer à mes enfants. Je suis présente à chaque rentrée des classes, c’est obligatoire !
Quels dangers redoutez-vous plus particulièrement pour vos enfants ?
Je crains les mauvaises rencontres. Je les mets en garde sans pour autant les affoler comme le faisait ma mère. Elle me recommandait de ne pas m’approcher des voitures lorsque l’on me demandait des renseignements !
Vous ne craignez pas qu’ils entrent en contact avec la drogue et l’alcool ?
J’en ai peur également, nous en avons déjà discuté. J’ai le sentiment que les parents proches de leurs enfants, qui parlent beaucoup avec eux, n’auront pas de problème avec la drogue ou l’alcool. Le problème est bien souvent lié à l’absence des parents.
Étiez-vous sage à l’adolescence ?
Pas tant que ça ! Je faisais le mur à l’internat. Mon fiancé venait me chercher avec une échelle, je passais par le toit. Un soir, l’intendante m’a surprise. Dix minutes plus tard, j’étais convoquée dans le bureau du directeur.
Avez-vous de bons souvenirs de la pension ?
D’excellents souvenirs ! L’ambiance était extraordinaire. J’avais beaucoup de copains. Nous travaillions tous ensemble. Les plus forts aidaient les plus faibles. Ce fut très bénéfique pour moi sur le plan scolaire.
Quelles étaient vos matières de prédilection ?
J’aimais bien les maths. Je voulais faire médecine, je suis passée en première S et puis j’ai eu très envie de faire du théâtre. Je me suis dirigée vers un bac A1, maths et philo.
Vous souvenez-vous de l’épreuve de philo ?
Ne m’en parlez pas ! Le sujet était : « Peut-on parler de faute de goût ? » J’ai eu 6. Je crois que j’étais hors sujet. Mon 18 en maths a rattrapé ma moyenne !
Êtes-vous une mère très protectrice ?
J’ai eu du mal à lâcher Joseph. J’ai tendance à freiner un peu. Je ne voulais pas qu’il traverse seul les grands boulevards, par exemple, alors que son père lui faisait déjà confiance. Je ne suis pas protectrice, mais je pense que certaines étapes doivent être respectées. On ne peut pas tout faire à n’importe quel âge.
Surveillez-vous ce qu’ils regardent à la télévision ?
Nous la regardons très peu. L’immeuble est rempli d’enfants. Ils jouent beaucoup les uns avec les autres, cela laisse peu de temps pour la télévision. Je ne veux pas qu’ils regardent n’importe quel film. Ils adorent « Fais pas ci fais pas ça » et me disent parfois que je ressemble à Fabienne Lepic !
La famille Lepic est-elle la famille idéale ?
Il n’y a pas de famille idéale. Nous sommes tous pareils, nous essayons de faire de notre mieux, mais nous faisons tous des erreurs. Ce qui compte avant tout, c’est de s’occuper des enfants. Je trouve dommage d’avoir des enfants et de ne pas s’en occuper. J’ai eu cette éducation, mes parents ne m’ont jamais confiée à une baby-sitter.
BIO EXPRESS
1970 : naissance à Somain (59)
1989 à 1996 : formation au Cours Florent puis au Conservatoire national d’art dramatique
1997 : rencontre avec François Cluzet
2001 : naissance de leur fils Joseph 2006 : naissance de leur fille Marguerite
2007 : Saison 1 de la série Fais pas ci fais pas ça
2008 : Molière de la comédienne dans un second rôle pour Le Dieu du carnage
2011 : nomination aux César comme meilleure actrice dans un second rôle pour Les petits mouchoirs
2012 : Saison 5 de Fais pas ci fais pas ça ; L’oncle Charles d’Étienne Chatillez
2013 : Des gens qui s’embrassent de Danièle Thompson ; Eyjafjallajökull d’Alexandre Coffre
Propos recueillis par Elisabeth Caillemer du Ferrage