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Selon le ministère de la Culture, 8 % des Français tiennent un journal intime. Et il s’agit en général de jeunes de 12-17 ans en recherche d’identité, qui ne souhaitent qu’une chose : se confier sans être jugé. Dans ce journal, les jeunes écrivent leurs réflexions, leurs actions mais également leurs ressentiments par rapport au monde qui les entoure. Un objet que l’on voit de plus en plus communément. On y révèle ses secrets les plus profonds sans avoir peur d’être jugé par les autres. On voit mal un journal intime avoir des points négatifs, car il permet d’être complètement nous-mêmes, de laisser libre notre subconscient et de voyager à travers notre esprit. Le journal intime, 2 en 1, nous permet d’avoir un style d’écriture bien à nous. Un journal intime est comme son nom l’indique, personnel. Nous avons rencontré Béatrice Copper-Royer, psychologue spécialisée dans la clinique de l’enfant et de l’adolescent et co-fondatrice de l’association « e-enfance », et Clara Antony éducatrice spécialisée, qui nous expliquent les bienfaits du journal intime.

Le journal intime est une propriété qui peut commencer dès l’adolescence voire la préadolescence (12 ans). Notamment chez les filles qui sont plus sujettes que les garçons : « La différence est que les jeunes filles sont plus dans l’analyse des émotions, tandis que les garçons sont généralement plus dans l’action », nous explique Béatrice Copper-Royer. Le journal intime a été très féminin depuis toujours et cela n’a pas vraiment changé au cours des décennies. Le journal est tout de même étendu pour tous types d’adolescents. Tout le monde peut en écrire un et pas seulement ceux qui ont un problème particulier racontant leur mal-être. « L’adolescence est une période de transition relationnelle et affective et quel que soit le comportement qu’il a, cela reste bénéfique », nous dit Clara Antony.

À l’adolescence, nous voulons conserver un espace dans lequel le journal intime est l’objet le plus approprié. Il s’agit d’un espace particulier et personnel, un lien entre soi et l’extérieur. Les adolescents s’adressent à un interlocuteur imaginaire auquel ils confient tous leurs secrets sans avoir peur d’être démasqués. Ils parlent à eux-mêmes et cherchent leur nouvelle identité en racontant leurs pensées et leurs émotions. « L’adolescent souhaite avant tout s’éloigner des figures parentales en cherchant de la distance. Tout ce qui est écrit dans le journal ne peut être dit à l’adulte », nous explique l’éducatrice spécialisée. Une recherche de distance qui va lui permettre de se chercher lui-même, chercher une nouvelle identité.

Béatrice Copper-Royer nous raconte : « Le but du journal intime est de mettre en mots des émotions et développer une capacité à penser. Les adolescents réagissent beaucoup dans l’impulsivité et il est donc bénéfique de prendre le temps de mettre en mots des pensées et des émotions. Il s’agit d’une démarche qui a tout son sens. » Clara Antony ajoute que « l’écriture a une fonction « cadrante » qui est un moyen parmi tant d’autres d’expliquer ses émotions sans que l’adolescent ne se sente jugé. Certains adolescents voient l’écriture comme quelque chose de scolaire et préfèrent mettre de côté cette tendance. Nous devons alors leur faire comprendre que l’écriture peut également être ludique ». Il n’y a pas de réelle bonne façon d’écrire son journal intime, l’adolescent doit voir son journal comme quelque chose de personnel et lui seul doit savoir comment il doit être. Il n’y a pas de modèle type. Peu importe le style d’écriture, la tenue du journal ou l’orthographe… L’important c’est qu’il exprime ses émotions, qu’il écrive ce qu’il pense, de marquer quelque chose.

L’intimité de son journal dépend de lui. « En fonction de l’endroit où il est caché et comment il est caché, est déterminée la volonté de visibilité de l’adolescent, s’il prend la précaution de garder tout ce qu’il dit pour lui ou non. Certains adolescents laissent leur journal visible, sans connaître la notion d’intimité, précise Béatrice Copper-Royer. Il faut donc leur rappeler la notion d’intimité, notamment avec l’émergence grandissante des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Snapchat, dans lesquels les adolescents ne cessent de poster des photos, des moments de leur vie. Les adolescents d’aujourd’hui s’exhibent de plus en plus. C’est une façon de se reconnaître et d’être reconnu dans sa propre identité. » En effet, les adolescents perdent de vue que mettre une photo sur un réseau social aujourd’hui n’est pas destiné à rester dans l’intimité et qu’ils se montrent trop malgré eux. L’apparition des blogs sur Internet depuis une dizaine d’années a de plus en plus remplacé les journaux écrits. « Il s’agit d’une autre forme d’écriture mais qui n’agit pas différemment au niveau du mécanisme de pensée. Certaines filles cependant préfèrent rester sur le système écrit papier car elles apprécient le travail de calligraphie. » Sauf que le blog est visible de tous. L’écriture des passages de vie qu’on retrouve sur Facebook aujourd’hui était auparavant sur papier. Ils sont lus par les autres. Néanmoins, la différence avec les blogs sur Internet c’est que « les adolescents (filles notamment) travaillent beaucoup sur les sujets qui les touchent et les intéressent. Le travail de l’écriture est donc approfondi et permet une réflexion sur un sujet précis en prenant le temps de mettre des mots sur les choses », affirme la psychologue.

L’écriture papier peut être une « gymnastique intellectuelle ». S’il sort du système « imagé », l’adolescent doit être en capacité d’écrire. Ça lui donne la capacité de réfléchir et d’être seul avec lui-même pendant un moment.

Un journal écrit ne peut être lu, il s’agit d’un viol de l’intimité en quelque sorte. Si le parent tombe sur le journal intime de son adolescent, il ne doit pas le lire. Si les parents détectent un changement de comportement chez leur enfant qui refuse de se confier, plusieurs choix s’offrent à eux. L’éducatrice spécialisée raconte : « Il faut éviter à tout prix la curiosité malsaine qui pourrait éventuellement nuire aux relations de confiance que vous entretenez avec l’enfant. Mais d’un point de vue juridique, le mieux est de voir son enfant et de lui demander, et s’il ne le souhaite pas, vous devez prendre sur vous et impérativement avouer à l’adolescent que vous avez lu dans son journal en lui expliquant que vous étiez inquiet pour lui. C’est le devoir des parents d’aller vérifier ce qui ne va pas, surtout s’ils détectent un changement de comportement, un renfermement sur soi, un isolement, etc. Il vaut mieux éviter un drame et prendre ses responsabilités. »

La tenue d’un journal intime n’a pas vraiment d’âge. Même si son écriture est plus fréquente chez les adolescents de 12-17 ans, il est possible de voir des adultes continuer d’en écrire pour conserver cette technique. On peut commencer à la préadolescence, lorsque l’enfant ne sait pas encore très bien qui il est, et qu’il cherche à se connaître. « Il est à la recherche de son jardin secret qui va s’imposer, nous dit Béatrice Copper-Royer, mais il n’y pas de limite d’âge, si les personnes éprouvent le besoin d’écrire, elles doivent le faire. » Clara Antony ajoute même que « la tenue d’un journal intime est conseillé notamment pour les personnes âgées qui ont subi des traumatismes profonds. Le journal intime dans ce cas-là n’est plus dans l’ordre de l’écriture, mais de la transmission d’émotions et d’histoire. Il s’agit d’une distance avec les émotions vécues et qu’elles mettent sur papier ».

Il s’agit donc d’un travail qui peut être thérapeutique pour tout le monde même si cela n’est pas suffisant pour guérir d’un trouble. Les personnes âgées peuvent écrire leurs mémoires. « Les adolescents mettent en mots et manient leurs pensées », pour la psychologue spécialiste des adolescents. Clara Antony nous informe que « de nombreux ateliers d’écritures se développent dans toutes les villes et que l’écriture est un bon moyen de s’évader, mais développe également la patience, la transmission de pensées, etc. Les ateliers émergent beaucoup dans les hôpitaux psychiatriques par exemple, ce qui prouve bien que l’écriture peut être un atelier thérapeutique ».

On demande également à certains patients de psychologues d’écrire leurs rêves car facilement oubliables mais également leurs phobies. Ce qui demande donc une certaine concentration, un ressenti des actions et fait appel également à la mémoire : « C’est un bon appui pour déclencher une discussion », nous dit la psychologue.

Ce qu’il faut savoir, c’est que l’écriture ne se contrôle pas, et elle est totalement optionnelle dans le sens où l’écriture d’un journal intime n’est pas obligatoire. Certains adultes sont plus à l’aise avec l’écriture et veulent transmettre un écrit. Mais plus l’écriture est fréquente plus il y a de facilités. L’écriture et la transmission des ressentis peuvent être accompagnés par des spécialistes comme des psychologues et des thérapeutes. Le développement de la pensée et la réflexion viennent avec l’écriture.

Julia D’autriche

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