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Si le rôle des parents est avant tout d’éduquer leurs enfants, cet accompagnement peut se faire, même à l’adolescence, dans la bienveillance et la fermeté. Entre la tentation d’abandonner face à des ados récalcitrants ou au contraire de maintenir sur eux une pression de plus en plus forte, un chemin alternatif est possible. Découvrez la « discipline positive » et comment cette méthode peut vous aider à motiver vos ados.

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Même s’il ne vous le dira jamais et jouera au dur avec vous, votre ado a besoin de se sentir en confiance, reconnu et apprécié pour avancer. Non seulement dans ce qu’il fait mais d’autant plus pour la personne qu’il est. Et ceci est vrai pour tous les âges et toutes les personnalités : l’individu fait mieux lorsqu’il se sent bien. Et ce principe se révèle d’autant plus vrai pour les adolescents. Dans leur dernier ouvrage La Discipline Positive pour les adolescents (Ed. du Toucan), les Américaines Jane Nelsen et Lynn Lott, respectivement docteur en éducation et thérapeute familiale, toutes deux mères de famille nombreuse, l’affirment : « Chez les adolescents, qui endossent bien souvent à longueur de journée critiques, commentaires et reproches sur leur manque d’investissement, l’encouragement est un levier extrêmement puissant d’accomplissement ». Au-delà de l’impulsion nécessaire pour qu’il se lance dans l’action, soutenir son enfant est également le carburant pour lui permettre de persévérer dans l’effort. « L’encouragement tend à insuffler du courage, de la force, pour inciter à agir. » Et l’on ne rappellera jamais assez à quel point une parole positive de ses parents est primordiale pour un jeune.

Encourager n’est pas complimenter

Le compliment « stimule un réflexe externe, celui de l’opinion d’autrui  » qui n’est pas un processus positif pour l’adolescent. Et les parents risquent surtout fort de se retrouver, très rapidement, à cours d’argument constructif. Rien de pire pour l’adolescent qui peut alors perdre confiance en lui et dans le jugement de ses parents. Complimenter peut être utile dans l’enfance, mais il convient d’aborder les choses différemment à l’adolescence. Les deux spécialistes sont catégoriques, cette manière de faire « ne favorise pas chez le jeune le développement d’un système de motivation plus personnel, nécessaire au cours du processus d’individualisation. » Les adultes doivent au contraire encourager leurs ados, ce qui stimule alors un référentiel interne. La plupart des adolescents traversent des moments difficiles et doivent faire face à leurs erreurs. « C’est alors un outil efficace », soulignent les deux auteurs.

Encouragements

Motiver l’adolescent, c’est avant tout l’encourager… ce qui n’a rien à voir avec l’amener à faire ce que l’adulte souhaite !

Maintenez le dialogue

L’encouragement passe par des temps de communication qui peuvent être réguliers et planifiés. L’adolescence est souvent synonyme de rupture de dialogue. L’idéal est de mettre en place ces temps de rencontres et d’échanges périodiques avant la phase critique. Ainsi, au même titre que le brossage des dents et les dîners familiaux, ils deviendront des réflexes pour les ados. L’important est que tout le monde soit respectueux les uns des autres et maintienne le lien.

« Chaque temps d’échange commence par un tour de table au cours duquel chacun des membres de la famille partage et reçoit un encouragement ou une “appréciation positive”. » Qu’entend-on par « appréciation positive » ? Ce terme recouvre des acceptions multiples : actions, comportements, échanges, observations ou ressentis, etc. Dans ces moments-là, rien ne vaut le concret. « Lorsqu’on arrive à l’adolescence, rappellent Jane Nelsen et Lynn Lott, ce moment de partage est parfois le seul moment de la vie de famille auquel les jeunes ont envie d’être présents. Le quotidien peut nous fournir beaucoup d’occasions de rappeler à nos adolescents combien ils sont importants à nos yeux, de leur dire ce qui les rend uniques, ou de leur rappeler ce qui nous a tellement touchés quand ils étaient petits ! »

Responsabilisez votre ado

Un des leviers de la motivation est la contribution réciproque, plus connue sous l’appellation du « donnant-donnant ». Cette logique a pour mérite de placer l’enfant dans une position où il se sent respecté et responsabilisé. Le parent, en tant qu’adulte, prend l’initiative de la proposition et l’adolescent est alors libre de répondre par la positive ou la négative. Vous pouvez proposer à votre ado d’aller le chercher lui et ses amis à la fin d’un concert s’il trouve un autre adulte pour les y conduire. Ou alors vous pouvez proposer à votre fille de lui payer la moitié de la robe qu’elle souhaite acquérir. L’autre partie sera financée par ses propres économies. Votre ado se sentira ainsi soutenu sans être infantilisé. « Cet outil entre dans une logique d’équité des contributions de chacun et fait partie d’un mode de communication responsabilisant, expliquent les auteurs. Le jeune, encore égocentré, apprend non seulement à se saisir de sa part de responsabilité mais aussi à donner et recevoir. »

L’humour est votre allié

L’affrontement direct est délicat et souvent stérile à l’adolescence. Pour désarmer un ado, rien ne vaut le second degré. Lui-même le manie si bien. « L’humour a souvent plus d’impact que de longs discours ou des injonctions répétées, soulignent les auteurs. Les parents peuvent y avoir recours pour susciter la coopération tout en apportant un peu de légèreté dans les interactions quotidiennes. » Sans les infantiliser ou trop en faire, un peu d’humour permet de désamorcer les conflits et de faire passer des messages sans en donner l’impression. Les paris, s’ils sont drôles et surprenants, peuvent également être un bon moyen de motiver ses ados et de les pousser à s’investir. Soyez imaginatifs ! Pariez avec eux qu’ils ne réussiront pas à ranger leur chambre ou nettoyer la salle de bain avant le match ou le film du soir. S’ils réussissent, annoncez-leur que vous serez de corvée de pop-corn ou que vous jouerez les pom-pom girls à la mi-temps. Attention cependant à ne pas tomber dans le chantage ou la récompense. Dans ce cas, « ils ne seraient plus respectueux de l’enfant et risqueraient alors de déplacer le plaisir de contribuer vers le plaisir de gagner de l’argent, préviennent les deux spécialistes. Le risque serait aussi que les adolescents finissent par percevoir cela comme une sorte de défiance envers eux, comme si on leur disait : “La seule raison qui fait que tu contribues à la bonne marche de la maison est l’appât du gain.” ». L’univers du jeu convient aux adolescents qui seront prêts à relever tous les défis de la terre, s’il y a une possibilité de rire à l’arrivée.

Humour

L’usage de l’humour sous différentes formes comme les paris, les échanges, les contributions réciproques est un outil de motivation à ne pas négliger.

Votre rôle est primordial

L’implication des parents dans la motivation de leurs enfants est un ingrédient indispensable. « Aiguiller le jeune sur le chemin des compétences à acquérir, lui apprendre à s’organiser par lui-même, à donner du sens à ses apprentissages est un levier de motivation efficace », rappellent les thérapeutes. Il ne faut pas tomber dans la solution de facilité qui serait de faire à la place de votre ado… même si c’est très tentant et rassurant pour tout le monde. Intéressez-vous à ce qu’il fait et votre enfant progressera dans de nombreux domaines, se sentant accompagné et en sécurité. Place à l’autonomie ! Rappelons qu’il est très motivant pour un enfant de partager ses connaissances nouvellement apprises avec ses parents. Leur implication peut se révéler dans l’aide à la mise en place de méthode de travail, de gestion du temps, de techniques sportives ou artistiques, etc.

Trouvez des solutions ensemble

Passer des accords avec les adolescents peut être éducatif. Tout dépend de la manière dont ceux-ci sont conclus. Ils sont souvent la résultante d’une recherche de solutions qui doit être menée conjointement par les parents et les adolescents. « Lorsque survient un incident isolé ou récurrent sans qu’un accord n’ait été préalablement mis en place, la recherche de solutions sera également utile pour partir de l’incident et passer un accord pour l’avenir », avancent les deux Américaines. Vous n’êtes pas obligés de toujours abonder dans le sens de votre ado, mais ne le prenez pas au dépourvu. S’il économise depuis plusieurs semaines ou mois, pour s’offrir le jeu vidéo ou le scooter de ses rêves, rien de plus démotivant que de se voir opposer un veto la veille de son acquisition. Trouvez ensemble des solutions pour que cet achat qui lui tient à cœur ne devienne pas une source de frustration dont les conséquences négatives retomberaient sur toute la famille. Mais tout n’est pas gagné à ce stade et les parents ne doivent pas baisser la garde. Jane Nelsen et Lynn Lott préviennent : « Les accords demandent un vrai suivi de la part des parents ».

Écoute

Entendre et valider les émotions et/ou le point de vue de l’adolescent avant de partager sa propre perspective, et trouver un accord qui convienne à chacun.

Suivez la mise en place des accords

« Pour prendre tout son sens pédagogique, l’accord doit être assorti d’un suivi efficace qui aide les adolescents à respecter leurs engagements, rappellent-elles. Ces deux outils indissociables s’avèrent être une excellente alternative aux méthodes aussi bien punitives que permissives. » Il est en effet envisageable et même prévisible que votre ado tente de contourner l’accord en question ou de le transgresser. à vous de le mettre devant ses engagements et responsabilités, avec bienveillance et fermeté, pour lui permettre de les tenir. Cet apprentissage ne pourra que lui être utile pour l’avenir.

Suivi

Lorsqu’on passe un accord avec son ado, le suivi est un complément indissociable de l’accord.

S’il s’avérait que votre ado ne respecte pas ses engagements, la tentation serait alors grande de lui imposer une conséquence logique, à la mesure de son écart. Ce qui s’apparenterait fortement à une punition (plus ou moins) déguisée. Le sentiment d’être ainsi contrôlé serait alors plus néfaste qu’autre chose. L’idéal est que vous, parents, preniez une fois encore les devants pour une résolution pacifiée et constructive des conflits. Il s’agit d’investir le lien éducatif sans mépris et d’enseigner à votre ado la coopération et la responsabilité que vous attendez de lui. Cette manière de faire convient tout aussi bien pour la gestion du temps passé devant les écrans que l’implication de l’enfant dans la vie quotidienne familiale. « Avec la participation active du parent, le suivi des accords aide l’adolescent à cheminer vers l’autonomie et la réalisation de soi. » Pour préparer au mieux cette discussion, réfléchissez en amont avec votre enfant à ce qui peut l’aider à tenir son engagement et, si besoin, quelles sont les étapes intermédiaires pour qu’il y parvienne.

Attention aux pièges

Contrairement à ce que beaucoup, parents comme enfants, semblent parfois penser, les adolescents ne sont pas des adultes. Par conséquent, ils n’ont pas le même raisonnement que vous. Tenter de calquer sur eux votre propre raisonnement serait stérile. Ils ne comprennent pas que vous-mêmes ne compreniez pas qu’ils soient encore sur leur ordinateur la veille d’un examen important. Soyez précis dans les termes du contrat : « un peu de Facebook » n’est pas la même chose que « trente minutes à partir de 18 h seulement ». En cas de non-respect de votre accord, tenez-vous-en au problème en question et ne débordez pas sur les autres points d’achoppement, aussi tentant cela soit-il. Malgré les provocations de votre ado, maintenez envers lui bienveillance et fermeté. Ne revenez pas sur les décisions prises ensemble. Même après une dure journée ou une bonne note, si cela n’était pas prévu, il n’y a aucune raison de prolonger l’heure maximale autorisée devant la télé.

Implication

Le suivi des accords est initié par le parent. Il doit être présent pour que les limites fixées Soient respectées.

Temporisez

Ne vous inquiétez pas, tenir ses engagements vis-à-vis de ses enfants n’est pas inné. Cette compétence s’acquiert avec le temps et dans la patience. « Nous sommes dans l’encouragement chaque fois que nous aidons nos ados à développer leur sens de la responsabilité, assurent les deux mères de famille nombreuse. Si nous changeons nos comportements, ils changeront les leurs. » Quels que soient les arguments, tous plus légitimes les uns que les autres bien entendu, campez sur vos positions. Essayez de comprendre les raisons qui poussent votre ado à ne pas s’investir comme ce qui était convenu. Il peut s’agir d’une peur de mal faire, d’un mauvais horaire, etc. Discutez-en avec lui et prenez le temps de répondre à ses questions. Parfois, les objectifs n’étaient peut-être tout simplement pas réalistes, et ni l’ado ni ses parents ne s’en étaient rendu compte. C’est un grand soulagement pour les plus jeunes de réaliser que leurs éducateurs reconnaissent que la faute est partagée. C’est une « façon pour ses parents de lui insuffler l’envie de faire mieux, d’apprendre de ses erreurs, et de devenir plus responsable. »

Nombre de parents réagissent spontanément par la colère. Mettre son enfant en face de ses responsabilités en utilisant la menace ou la punition est en effet ancré dans nos habitudes culturelles, « même si on sait que ce n’est pas efficace à long terme et que cela ne motive pas l’ado à mieux faire », redisent les auteurs. Se dire que la prochaine se passera mieux, reconnaître ses propres manquements et faire confiance à son ado n’est pas synonyme de démission. Le non-respect de l’accord peut être source d’apprentissage non seulement pour l’adolescent mais également pour ses parents.

Concision

Dans le suivi des accords, l’adolescent entend mieux si les mots sont limités.

L’importance de tenir vos engagements

Si vous-mêmes, parents, êtes trop laxistes et ne respectez pas les termes des l’accord passé avec votre enfant, le message envoyé est négatif. Même si, sur le moment, il sera content de passer dix minutes de plus devant la télé, son inconscient enregistrera surtout qu’il n’a pas besoin de respecter lui-même ses engagements comme ses parents eux-mêmes ne le font pas. Il peut également penser que la parole de l’adulte n’a pas de valeur ou qu’il pourra toujours s’en tirer à bon compte puisque son éducateur ne le met pas en face de ses responsabilité en faisant le suivi. « Passer un accord et faire le suivi, tempèrent les deux auteurs, ne veut pas signifier établir un contrat écrit. » Les parents qui y ont déjà eu recourt peuvent en témoigner, il est rarement respecté et son suivi s’avère plus compliqué. « La réalité est aussi que les adolescents seraient souvent prêts à signer n’importe quoi pour ne plus avoir leurs parents sur le dos, regrettent les deux spécialistes. à cet âge-là et pour participer à ce qui développe l’autonomie du jeune, le contrat écrit n’a de sens que si sa finalité est uniquement de garder une trace. Or bien souvent, le contrat écrit s’accompagne d’une sanction ou d’une punition s’il n’est pas tenu. »

Il n’est pas inutile de le rappeler, les adolescents ont des priorités souvent bien différentes de celles de leurs parents. « Lorsqu’on s’en souvient, notre regard sur leurs résistances se fait plus empathique, font remarquer les deux mères de famille. On les regarde alors comme des ados touchants, des êtres en devenir, plutôt que comme des personnes irresponsables et irrespectueuses envers nous. »

Article réalisé par Mathilde Rambaud

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