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Manque d’activité physique, marketing agressif auprès des plus jeunes, stress… plus que jamais l’obésité frappe nos enfants et menace leur santé. Au point qu’un enfant français sur six est en surpoids ou obèse. La malbouffe, le fléau du xxie siècle ?
« Un poids en soi ne veut rien dire s’il n’est pas rapporté à l’évolution globale de la courbe […] Les enfants sont sujets à un rebond physiologique vers l’âge de 5-6 ans et sont donc plus ronds avant de voir leur poids se stabiliser parce qu’ils grandissent, gare à ne pas s’alarmer trop vite », pointe Anne- Françoise Pauchet-Traversat, cheffe de projet au service des recommandations professionnelles à la Haute Autorité de Santé (HAS). En revanche, si la courbe du poids de l’enfant se maintient en dehors des couloirs attendus… essentiel alors, pour les parents, de réagir.
LA SÉDENTARITÉ, FIDÈLE ALLIÉE DE L’OBÉSITÉ
Nombre de facteurs expliquent l’obésité de nos enfants. Parmi eux, sans surprise : le manque d’activité physique. L’enjeu étant de motiver les plus jeunes à bouger, se dépenser. Cela peut commencer par des petits défis, comme inciter son enfant à aller à l’école en trottinette ou à vélo. En réalité ce ne sont pas les écrans le problème mais l’usage que l’on en fait. « On a tendance à toujours incriminer l’écran, mais il existe tant d’activités physiques qui peuvent se faire derrière un écran », nuance Anne-Françoise Pauchet- Traversat. La pandémie a d’ailleurs témoigné de cette possibilité de se défouler en intérieur à l’heure où sortir devait obéir à des procédures bien strictes.
L’obésité a tendance à augmenter ces dernières années au sein des adolescentes, en raison justement de cette sédentarité. « L’accès au sport reste aujourd’hui plus difficile pour les filles que pour les garçons, notamment l’accès à la pratique en club. Les filles sont aussi plus présentes sur les réseaux sociaux », observe notre cheffe de projet à la Haute Autorité de Santé.
LE STRESS, FACTEUR AGGRAVANT
Une situation de stress pousse
l’enfant à se réfugier vers une
alimentation moins saine – Anne-
Françoise Pauchet-Traversat
L’anxiété et le stress favorisent une alimentation malsaine. « Il est indispensable de s’interroger sur les circonstances dans lesquelles l’enfant mange le plus […] Est-ce qu’il grignote plus d’aliments gras ou sucrés lorsqu’il rentre de l’école et qu’il se retrouve seul sans ses parents ? Une situation de stress pousse l’enfant à se réfugier vers une alimentation moins saine », explique Anne-Françoise Pauchet-Traversat.
Parfois, les fléaux se cumulent. Le terrible harcèlement auquel tant d’enfants et adolescents font face dans les cours de récréation et – désormais – aussi à travers les réseaux sociaux, ce qui ne leur laisse plus aucun moment de répit, nourrit stress et anxiété… et donc éventuellement un comportement qui favorisera l’obésité. « De la négligence, des abus, voire de la maltraitance a aussi tendance à favoriser les comportements alimentaires inadéquats », souligne la spécialiste de l’obésité.
Les jeunes ? des cibles faciles pour
les industries agroalimentaires
LUTTER CONTRE LE MARKETING AGRESSIF
Nos bambins et ados représentent des cibles faciles pour les industries agroalimentaires. Des emballages attrayants pour les enfants, des campagnes de publicité ludiques ou qui reprennent les références des jeunes… et ce uniquement dans le but de leur faire consommer de la malbouffe. Début septembre 2023, l’association de défense des consommateurs Foodwatch tirait la sonnette d’alarme. « Les enfants sont matraqués à coups de campagnes publicitaires et marketing orchestrés par l’industrie agroalimentaire et la grande distribution pour vendre toujours plus », dénonce Foodwatch, qui a passé au crible plus de 200 boissons et aliments qui ciblent les enfants et les adolescents dans leur marketing. Selon l’association : la quasi- majorité des produits ne satisfont pas aux critères nutritionnels fixés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) !
Quelques exemples de publicités mises en cause : l’Oasis Tropical, boisson excessivement sucrée, qui met en scène Jul, un rappeur marseillais très suivi par les adolescents. Ou encore Monster Munch, dont la campagne marketing recourt à l’univers du gaming, là encore plébiscité par les enfants. Des stratégies qui, hélas, ont des conséquences sur la santé des enfants.
Face à tous ces alliés de l’obésité, les parents se doivent de protéger leurs enfants – ce qui nécessite souvent la remise en question des propres habitudes alimentaires, voire de vie, des parents eux mêmes. Une mauvaise qualité du sommeil a un impact sur le développement de l’obésité. Pour les parents, essentiel de ne pas stigmatiser : préparer des repas à part pour un enfant en surpoids, c’est lui faire ressentir qu’il n’est pas normal… rien de bon pour tempérer le stress ! Bref, l’enjeu est de taille, car si rien n’est entrepris pour corriger le tir plus jeune… un « enfant obèse deviendra un adulte obèse », conclut Anne-Françoise Pauchet-Traversat – avec toutes les difficultés (diabète, regard extérieur, discrimination) qui vont avec. GEOFFREY WETZEL
DIX MESSAGES DE LA HAS POUR AMÉLIORER LES PRATIQUES :
– Mesurer l’IMC tout au long de l’enfance et de l’adolescence pour dépister et diagnostiquer précocement un surpoids ou une obésité
– Prescrire des examens biologiques de manière ciblée
– S’appuyer sur une évaluation multidimensionnelle dès le diagnostic et l’annonce d’un surpoids ou d’une obésité
– Graduer et moduler les soins et l’accompagnement selon la complexité de la situation
– Proposer des soins et un accompagnement dès le diagnostic d’un surpoids ou d’une obésité (activité physique, rééquilibrage et variété de l’alimentation, diminution des comportements sédentaires, qualité du sommeil et des rythmes de vie)
– Perdre du poids n’est pas un objectif prioritaire sauf en cas de complications
– Compléter si besoin par un séjour en soins de suite et de réadaptation dans les situations complexes
– Assurer la continuité du parcours : préparer la transition vers l’âge adulte dès le début de l’adolescence
– Accompagner l’enfant/l’adolescent(e) en situation de handicap et ses parents : points communs et spécificités
– Favoriser l’engagement des associations d’usagers