Temps de lecture estimé : 3 minutes
« Ah, il n’y a pas de recette miracle, sinon on ferait un hit à chaque fois ! », sourit Benoît Forget, le chef du studio Space Cow d’Asmodée. Son équipe et lui ont récemment sorti « Super Miaou », un jeu de deck building nommé aux As d’Or 2024 de Cannes. Et même si pour Benoît, les prix « c’est bien mais ça ne veut pas tout dire », cette nomination prouve encore une fois l’excellente qualité des jeux que produit son studio. Dans les coulisses, comment pense-t-on les jeux de société ?
Le maître-mot chez Space Cow, c’est l’amusement. « Il faut garder dans l’idée que le jeu de société, c’est avant tout un divertissement », résume Benoît Forget. Et d’ajouter au sujet de l’aspect éducatif : « Ce n’est pas un outil pédagogique de prime abord. Je ne dis pas que ça ne l’est pas après. Mais avant tout, c’est un loisir ».
PAS DE RECETTE MIRACLE, MAIS QUELQUES GRANDS PRINCIPES
C’est là qu’interviennent les premiers obstacles, et notamment le principal : celui du règlement. « Pour n’importe quel type de jeu, que ce soit enfant ou adulte, il faut que la règle soit la plus courte et le plus clair possible », rappelle d’ailleurs notre expert.
Il prend l’exemple du Uno : « La transmission se fait souvent par voie orale, c’est pour ça qu’il y a autant de disparités de règles entre les joueurs. Mais ça, c’est le marqueur d’un très grand jeu. » En bref, plus les règles sont claires, illustratives et s’expliquent facilement, plus le jeu connaîtra le succès.
En passant par le jeu, les studios donnent des clés aux enfants pour leur apprentissage et leur vie future – Benoît Forget, chef du studio Space Cow d’Asmodée
Alors, pour un studio tel que Space Cow, spécialisé dans les jeux pour les enfants, il faut savoir redoubler d’inventivité. Concilier à la fois innovation et simplicité n’est pas une mince affaire. « Une gymnastique compliquée », concède même, avec humilité, Benoît Forget.
DES JEUX POUR ADULTES, ADAPTÉS AUX ENFANTS
Le studio Space Cow explore donc une mécanique intéressante : celle de l’adaptation. Ils le peuvent car, à partir de 6 ans, les enfants ont des capacités cognitives plus importantes. « Plus on avance en âge, plus on peut tenter », résume Benoît.
Selon Europe 1, chaque année, près de
1 200 nouveaux jeux de société arrivent
sur le marché
On peut alors envisager des jeux de cartes, d’enquête ou de stratégie. Et pourquoi pas aussi, reprendre ce qui marche si bien chez les adultes et d’en faire des versions adaptées aux enfants ? « On ne se ferme à rien ! », répond l’expert, avec tout l’enthousiasme que l’on pourrait imaginer d’un créateur de jeu. D’ailleurs, deux adaptations émanant d’Asmodée reprennent ce principe : Unlock Kids et Mysterium Kids, les deux versions enfants pour les jeux Unlock et Mysterium.
Le premier propose des escape games pour les petits de 6, 7 ou 8 ans. « L’adaptation s’est faite sur la contrainte, raconte Benoît. On a supprimé tout ce qui nécessitait l’utilisation d’une application. On a aussi raccourci le temps du jeu parce qu’on ne peut pas demander à un enfant de 6 ans de rester concentré pendant une heure sur une enquête. À l’inverse, on a accentué le côté aventure notamment pour la quatrième édition que l’on sort cette année, inspirée de l’univers de Tomm Moore et de ses films d’animation Le secret de Kells, Le chant de la mer et Le peuple loup ».
Le deuxième reprend le principe du Mysterium classique, soit un jeu de communication restreinte. « Il y a un fantôme qui doit transmettre des informations aux autres joueurs, lesquels cherchent un trésor. Mais il n’a pas le droit de parler. Dans la version adulte, il utilise l’image pour aiguiller tout le monde. Dans la version enfant, il utilise le son. La créativité des enfants avec ce mode de communication est vraiment surprenante », résume le chef du studio.
C’est sur ce dernier point qu’insiste notre expert : la créativité. « Avec nos jeux, on veut tirer les enfants vers le haut tout en restant le plus loin possible de l’exercice formel auquel ils se heurtent à l’école ». Oui, les jeux de société ont de véritables enjeux. Que ce soit de sociabilité, de développement, de découverte et d’expression. Mais pour être vraiment efficaces, ils doivent être avant tout amusants : « Sinon, c’est qu’on a raté quelque chose », conclut Benoît.
TANGUY PATOUX