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Les pénuries alimentaires se dessinent sur la planète par pur égoïsme. Se nourrir n’est définitivement pas affaire de marchés. La « paix » revenue, il faudra s’en souvenir…
Les réflexes égoïstes, accapareurs, cumulatifs, dits de panique des individus en période de crise – pâtes, sucre, papier toilette, pommes de terre, comme ce couple d’abrutis de l’Yonne qui a acheté 30 tonnes de tubercules dont une partie s’est retrouvée sur la chaussée… – se manifestent aussi à échelle d’États. On appelle ça le repli. Qui n’est pas la réponse à une démondialisation intelligente. Le dernier numéro de Courrier international s’est lancé dans le tour du monde de ces réflexes nationalistes qui sont en train de créer des pénuries un peu partout. « Le repli plutôt que la coopération internationale, voilà le problème, éditorialise ma consœur Claire Cassard, directrice de cette rédaction. Quand la peur et le chacun pour soi gouvernent, le monde n’y gagne en général pas grand-chose. » C’est un euphémisme.
Tous les journaux du monde constatent à longueur d’articles que l’Asie, « par les réflexes protectionnistes de gouvernements paniqués, pourrait provoquer une crise alimentaire semblable à celle de 2007-2008 ». Dans ce monde perturbé, les grandes puissances aux pieds d’argile n’ont rien à envier aux pays en émergence qui n’assurent pas leur autosuffisance : l’Amérique de Trump, naguère Picsouville, aligne 16 millions de chômeurs en trois semaines, alors qu’ils/elles ne sont en rien secouru/es. Du coup, des files d’attente de plusieurs kilomètres s’établissent devant des banques alimentaires en rupture de stocks. Jusqu’à la Suisse importatrice nette de ses denrées qui s’aperçoit que « comme la santé et l’énergie, l’agriculture contribue à la sécurité individuelle et collective ». Le monde a faim en raison à la fois de la mondialisation purement affairiste et des égoïsmes purement nationalistes.
Ni l’une ni les autres ne doivent prévaloir quand cette planète coronavirusée aura chassé cette pandémie en se préparant à la suivante. C’est un monde rééquilibré par l’altruisme et l’autosuffisance qui devra émerger de cette gadoue. Vous rendez-vous compte : devenir vertueux par nécessité. Un bon sujet de philo au bac s’il existe encore : l’homme ne devient-il bon que dans la mesure où ses défauts l’étouffent ?
Olivier Magnan, rédacteur en chef