Les français·es font moins de bébé. Et pourquoi donc ?

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Biberons, grenouillères ou poussettes, au placard ! Non, les Français·es font moins d’enfants. Et ce n’est pas le dernier bilan démographique publié par l’Insee qui dira le contraire : en 2020, seulement 740 000 bébés ont vu le jour, soit 13 000 de moins par rapport à 2019. Voilà six années consécutives que le nombre de naissances se replie. La crise covid-19 a bon dos, le malaise se révèle bien plus profond. Un âge « à la maternité », comme le veut l’expression, qui ne cesse de s’élever, une politique familiale qui interroge, des femmes qui aspirent à une carrière professionnelle pas toujours compatible avec une vie de famille et l’éducation des enfants. Bref, le désir de bambins n’a sans doute pas reculé, mais le passage à l’acte, lui, si. Alors, c’est grave, sage-femme  

Zoom sur l’indicateur conjoncturel de fécondité. Comprenez le nombre moyen d’enfants par femme. Eh bien il baisse, encore et encore : l’Insee établit ce chiffre à 1,84 enfant par femme en 2020, il était de 1,86 un an plus tôt. Autour de 2 entre les années 2010 et 2014. Des bas, la natalité française en a déjà connu : « En 1995, l’indicateur conjoncturel de fécondité plafonnait à 1,73 enfant par femme », chiffre Éva Beaujouan, enseignante-chercheuse à l’université de Vienne (Autriche) et rattachée au Wittgenstein Centre. Mais à quoi peut-on rattacher la tendance baissière de ces dernières années ?

Des causes multiples

Pour Gérard-François Dumont, professeur à la Sorbonne et président de la revue Population et Avenir, depuis la Seconde Guerre mondiale, « chaque hausse ou baisse de la natalité coïncide avec des politiques familiales favorables ou défavorables » […] « l’une des causes de la baisse récente de la natalité tient au rabotage de la politique familiale. » C’est le cas par exemple de la chute du taux de fécondité en 2015 et 2016, expliquée notamment selon notre expert par la révision de 2014 du fonctionnement des allocations familiales, reliées à des conditions de ressources. Des politiques extra-familiales aussi, « la suppression de la taxe d’habitation, par exemple, profite aux plus aisé·es et aux petits ménages, puisque les familles bénéficiaient d’un abattement », résume Gérard-François Dumont.

L’âge de maternité ne cesse – aussi – de croître. En 2020 par exemple, l’âge moyen des mères atteignait presque 31 ans, c’était environ deux ans de moins en 2000. « Dans les années 1980 notamment, un moment où les femmes ont commencé à allonger considérablement la durée de leurs études, l’âge à la maternité s’est élevé », remarque la chercheuse en démographie Éva Beaujouan. Un constat partagé par Gérard-François Dumont : « Depuis 40 ans, les femmes ont eu accès aux études supérieures. » Et c’est cet allongement des études qui pousse les femmes à avoir des enfants de plus en plus tard. Entre autres. Car la volonté de carrière de plus en plus présente chez les femmes joue un rôle majeur sur le report – voire le renoncement – à devenir mères. Encore aujourd’hui, beaucoup de femmes se confrontent à cet arbitrage vie professionnelle ou vie privée… « et malheureusement cet arbitrage est un piège pour les femmes, car la fertilité, et donc la capacité biologique à avoir des enfants, diminue et n’est plus la même à 40 ans », souligne le président de la revue Population et Avenir.

Sans oublier l’émergence des moyens de contraception. Aujourd’hui, « mettre au monde un enfant s’inscrit dans un projet de longue durée », estime Gérard-François Dumont, accueillir un enfant suppose une stabilité, « un emploi, un logement, toutes les conditions doivent être réunies pour faire un enfant », surenchérit Éva Beaujouan. Ce qui a tendance à retarder l’arrivée d’une éventuelle progéniture. Et même si un enfant est mis au monde plus tardivement, les chances pour une même femme d’en avoir deux ou trois s’amenuisent. Ce qui fait mécaniquement diminuer l’indicateur conjoncturel de fécondité.

Des différences selon les milieux, la France ne s’en sort pas si mal

Baisse de la natalité certes, mais cette réduction des naissances ne touche pas les milieux sociaux de la même façon. En réalité, « ce sont les femmes les plus éduquées – sous-entendu plus diplômées – qui n’ont le plus souvent aucun enfant » […] « en général, les familles les plus nombreuses sont celles qui témoignent des niveaux de diplômes les plus bas », analyse la docteure en démographie. Les familles les plus modestes représentent – en moyenne – les familles les plus nombreuses.

Faut-il s’inquiéter de cette baisse de la natalité ? « Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console », disait Talleyrand. Eh bien, si l’on compare la France aux autres pays européens, notre pays fait figure de premier de la classe avec un indicateur conjoncturel de fécondité bien supérieur à des pays comme l’Espagne ou l’Italie. Des pays plus traditionnels où « les enfants hors mariages » sont plus facilement pointés du doigt. Alors en France, reste à savoir si cette baisse de la natalité résulte simplement de facteurs extérieurs qui retardent la mise au monde d’un enfant ou si les nouvelles générations ont décidé de s’affranchir de la pression sociale que peut représenter la possibilité assumée de ne pas avoir d’enfant ?

Geoffrey Wetzel

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