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Sérologique ou virologique, le dépistage en débat.
Tester oui, mais avec quels dispositifs et pour quelle efficacité ? Car si le dépistage précoce est quasi unanimement présenté comme une arme indispensable contre la propagation du virus, la fiabilité de certains tests reste, elle, en débat. À l’heure où le gouvernement lance une ambitieuse campagne de dépistage massif, il s’agit de prévenir pour guérir.
Certains pays en ont fait la base de leur stratégie dès les premières semaines de lutte contre la pandémie comme l’Allemagne ou la Corée du Sud (respectivement 160 000 tests par semaine et 20 000 tests par jour) : le recours au dépistage massif et organisé ne se sera multiplié en France qu’à la levée du confinement, le 11 mai. En cause, un manque de dispositifs de tests à disposition et le confinement de la population qui auront rendu difficiles les dépistages une fois le stade 3 atteint (épidémique). Le 16 mars, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, lançait un appel aux pays du monde : « Nous avons un message simple à tous les pays : testez, testez, testez tous les cas suspects de covid-19. »
Changement de stratégie… De quels tests parle-t-on ? Si la fiabilité des dépistages est discutée, c’est tout particulièrement le cas de celle des tests dits sérologiques. Lesquels déterminent par prise de sang si une personne a développé des anticorps contre la covid. Mais certains de ces tests aboutissent à un taux de 40 % de faux négatifs (lorsque la production d’anticorps, réelle, n’est pas détectée). Un temps érigés en pilier de la stratégie de déconfinement par le gouvernement, les tests sérologiques se révèlent aujourd’hui incertains. Ils devaient viser l’immunité de groupe (atteinte lorsqu’environ 70 % de la population contracte la maladie) en délivrant un « passeport d’immunité » à ceux dont le test serait positif, mais le « faible » taux de contamination complique la manœuvre (6 % de Français.es infecté.es selon une étude de l’institut Pasteur fin avril). Prudence est mère de sûreté, comme l’expliquait Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS), le 2 avril : « On ne sait pas encore de façon fiable quelle protection les anticorps confèrent aux gens qui ont contracté le virus […], ce qui nous a amenés à exclure un dépistage dans la population générale. »
Loin d’être inutile pour autant, les tests sérologiques ouvrent à des enquêtes épidémiologiques en analysant comment la population s’immunise ou non au virus. Ils sécurisent un site professionnel en faisant passer le test à l’ensemble des employés par exemple.
… place aux tests par prélèvement nasopharyngé Priorité est désormais donnée aux tests dits virologiques ou PCR (Polymerase Chain Reaction pour réaction en chaîne par polymérase). Si, durant le confinement, ces tests étaient réservés à cinq types de population précis (professionnels de santé symptomatiques, personnes âgées symptomatiques, personnes avec difficultés respiratoires sévères ou comorbidités, personnes hospitalisées et nouveaux foyers et territoire de contamination), ils sont désormais au cœur de la stratégie « protéger, tester, isoler », annoncée par Édouard Philippe pour le déconfinement. Et le gouvernement prévoit 700 000 tests du genre par semaine, loin des 4 000 tests quotidiens menés à bien pendant le confinement (selon la Direction générale de la santé). Pour faire simple, ils consistent en ces fameux prélèvements nasopharyngés par écouvillon.
La manœuvre : une sorte de grand « coton-tige » non invasif est inséré dans le nez du patient afin de prélever directement l’ARN du virus (en quelque sorte la carte d’identité génétique de la covid-19), et ainsi détecter de façon fiable la présence de la maladie en quelques heures.
Reste que, si le gouvernement met le paquet sur les tests virologiques pour favoriser le déconfinement, ses régions n’adoptent pas toutes la même dynamique. À l’instar de l’Île-de-France, qui a annoncé le 18 mai avoir commandé 150 000 tests sérologiques rapides qu’elle offrira aux professionnels de santé et qui va rendre disponibles cinq millions de tests du genre sur sa centrale d’achat.
Entre tests sérologiques et tests virologiques, le juste milieu sera sans doute à trouver dans la complémentarité. Selon le Dr Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes (SDB), « les tests sérologiques doivent compléter la stratégie de dépistage ». Logique, quand on sait que les tests virologiques ne disent pas si la personne a été contaminée par le passé, mais seulement si elle est infectée sur le moment. À la différence des tests sérologiques qui, eux, pour rappel, détectent la présence d’anticorps développés contre le virus. La boucle est bouclée.
Adam Belghiti Alaoui