L’enfant Tyran : il est né le devil enfant…

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L’actualité littéraire et clinique livre un trésor de conseils aux parents d’enfants tyrans. Qui commande ici ?, paru fin 2018, chez Anne Carrière, sous les expertises croisées de deux pédopsychiatres, Marcel Rufo et Philippe Duverger, regorge de pistes pour parents victimisés. Mais il en existe d’autres…

Cet enfant merveilleux dont vous avez rêvé, vous l’aimez plus que tout. C’est un bel enfant. C’est bien. Mais c’est bel et bien un enfant tyran. Il vous crie dessus, il tempête au moindre désir inassouvi, se roule par terre si vous ne vous exécutez pas à l’instant. Il exige, sous l’impérieuse dictée du plaisir immédiat. Il insulte, il frappe, mord, bouscule. Griffe son petit frère, nargue la maîtresse, tire la langue au docteur. Et il vous crache au visage pour vous faire bonne mesure. Il organise toute la vie de la famille autour de ses méchantes humeurs. Il fait régner la terreur au sein de la famille. Vous ne vous sentez plus maître chez vous ni parent au sein de votre foyer.
La hiérarchie familiale n’est plus respectée.
Au secours ! Mon enfant est un tyran! La scène se passe aux urgences pédiatriques… Une jeune mère, adorable, mais en extrême détresse, ne sait plus comment se relier à son enfant, tout aussi adorable qu’elle, mais tout autant en détresse. Les pleurs de l’enfant sont intarissables, inconsolables. C’est ce que décrit le professeur Philippe Duverger, pédopsychiatre, chef du service de pédopsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CHU d’Angers.

Lorsque l’enfant tyran paraît, le cercle de famille se détruit à grands cris

Voici les clés de cette brève scène : je suis tyrannisée par mon enfant ! Comme si l’enfer s’était malencontreusement coincé entre deux anges : une jeune maman et son enfant de 16 mois.
Pour avoir exercé en pédiatrie et vécu ces moments infernaux, je sais qu’il faut prendre très au sérieux ces appels au secours, ces cris de détresse, de fureur parfois, avant que le réel ne s’en prenne aux vivants. Il faut que les mots viennent avant les maux. Car rode toujours le risque de la violence, le spectre du SBS, syndrome du bébé secoué, enjeu majeur dans ce type de problématique (lire encadré). Car oui, les « bébés tyrans » existent aussi.
Que faire pour sortir de cet infernal chaos de menaces, d’attaques dominatrices pour un pouvoir que l’enfant, malgré sa faiblesse naturelle, cherche à imposer, fallacieusement, telle une impossible loi du plus fort ? Comment aider l’enfant tyran à déposer les armes ?
C’est ce à quoi s’attèlent Rufo et Duverger dans Qui commande ici ? (Marcel Rufo est pédopsychiatre. Il a fondé la maison de Solenn à Paris, dédiée à l’anorexie. Il a créé l’Espace méditerranéen de l’adolescence à Marseille.)
Pour éclairer le comportement tyrannique infantile, force nous est d’évoquer un rapide détour par l’adulte.

Une immaturité psychique et fonctionnelle

« Si ce n’est toi c’est donc ton père… » Nous connaissons tous l’exemple d’un tyran domestique. Souvent une figure paternelle outrancière, explosive, irascible, intolérante à la frustration, dominatrice a priori, qui impose implacablement sa soupe à la grimace au menu d’un quotidien familial dégradé. Toute la famille se nourrit de cette amère potion. Sous ses « dehors » si fortement marqués, le tyran domestique est, « en dedans », une personnalité si immature qu’elle n’est en rien protégée par l’efficacité d’un surmoi suffisant.
C’est l’immaturité psychique, ici un surmoi inefficace, qui explique pourquoi le tyran domestique échappe aux règles de conduites inhérentes à son rôle familial. Même si les gros chiens ne font pas de petits chats, même si le Pater Familias ne fait pas l’enfant tyran, même si la tyrannie ne se joue pas systématiquement de père en fils, le trait commun entre les deux générations reste génétiquement semblable : c’est l’immaturité psychique. Mais au fait, l’immaturité n’est-elle pas le propre de l’enfance, tyrannique ou non ?
Oui, il existe une forme de paradoxe, disent certains pédiatres, à parler d’« enfant tyran ». Ils/elles préfèrent parler d’« enfant roi ». Ce n’est pas à l’enfant que revient la responsabilité de la mise en tension tyrannique de l’ensemble de la famille. Il est l’héritier familial de la toute-puissance infantile. Héritier tant pour son compte propre que pour celui du système familial. Les adultes de tutelle de l’enfant, qui se sont exonérés de l’immaturité au prix d’un travail psychique de renoncement, accepteraient et induiraient les attitudes tyranniques de l’enfant.
L’enfant se retrouverait, désigné par procuration, à pourvoir tout le système familial en bénéfices secondaires par l’exercice de sa toute-puissance, par un retour du refoulé et un déni de la dépendance aux règles. Cher payé, direz-vous ! Toute-puissance : la clinique apprend qu’elle garde longtemps sa séduction délétère. Malheur à l’enfant qui la porte pour le compte de l’un de ses parents. Finalement, l’enfant tyran devient la victime…
La toute puissance et l’immaturité psychique infantiles expliquent la problématique de l’enfant tyran. Elles ne sont éclairantes que dans une perspective développementale. La distorsion remarquée du rapport à l’âge de l’enfant sera la résultante d’un développement perturbé. « L’homme est un enfant qui a mis une vie à se restreindre, à se limiter, à s’éprouver, à se voir limité, à s’accepter limité », a écrit Henri Michaux, dans Les grandes épreuves de l’esprit. Rufo et Duverger le confirment.

Par Catherine Dunezat, psychologue clinicienne.

Au Sommaire du dossier

L’enfant Tyran : il est né le devil enfant…

1. Baby tyrannie, de zéro à 3 ans

2. La tyrannie à l’âge de la maternelle : les enfants tyrans de 3 à 6 ans.

3. L’enfant tyran à l’âge du primaire, les 6/12 ans.

4. La tyrannie infantile au risques de l’adolescence : les 12/15 ans.

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