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« L’angoisse de séparation est une cause relativement fréquente de comportement tyrannique chez l’enfant », explique Philippe Duverger.
Comme si la séparation déchirait le lien mère-enfant. Pour la mère, tout autant que pour l’enfant. « Nous sommes fusionnels mon fils et moi », « nous sommes fusionnelles ma fille et moi ». Ce sont des propos fièrement affichés et fréquents dans les consultations mère-enfant. La fusion parent-enfant est devenue une revendication identitaire, en tout cas une fierté.
Mais le souci, c’est que le moyen de cette fusion est l’angoisse. L’angoisse qui agit comme une colle. Pour assurer avec certitude une adhésivité sans solution de continuité, c’est-à-dire sans rupture, c’est « simple », il faut coller et coller encore. S’assurer que chacun des « partenaires » de la dyade fusionnelle (deux éléments qui se complètent) a bien son tube de colle, son tube d’angoisse. La colle de l’angoisse fonctionne comme une protection anti-« défusion », anti-séparation. Ainsi le lien devient tyrannique.
Le vrai métier des parents sera de se séparer de leur enfant. Mission difficile, voire impossible avec un enfant tyran…
Le travail thérapeutique consiste à accompagner les parents. Conscients de l’enjeu, ils organisent la séparation individuation de leur enfant. Que le parent puisse lâcher son enfant, c’est le préalable nécessaire à ce que l’enfant puisse lâcher son parent. Se séparer, ce n’est pas se perdre. C’est préparer le lien, c’est-à-dire la capacité à se retrouver.
La tyrannie de la dépendance
L’enfant d’âge scolaire est confronté comme ses parents aux exigences de la séparation nécessaire que constitue la mise à l’école. Les rentrées scolaires, en maternelle, sont souvent des épreuves inaugurales. Comme le décrit le professeur Duverger, « à défaut de permettre cette séparation, les parents entretiennent une relation fusionnelle et créent une dépendance dont il sera difficile de s’extirper. La tyrannie est une modalité de la dépendance. »
Instaurer un système de dépendance réciproque parent/enfant, c’est instaurer un lien tyrannique. Favoriser la rupture de la dépendance réciproque parent/enfant tyran, par des procédures de séparation-individuation, c’est se libérer de la tyrannie.
Accompagner la séparation individuation est l’un des rôles de l’école. Accueils en classe des parents des enfants, immersions partielles anticipées, accueils échelonnés font partie de l’arsenal classique d’accompagnement à la séparation réussie à l’école. Ces modalités adoucissent la séparation par l’école. L’école aide les enfants les plus sensibles aux risques de la séparation qui font les enfants tyrans. Les prises en charge sont assurées par des enseignants des Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), vrais acteurs du système éducatif, au sein de l’Éducation nationale. Les médiations groupales ou individuelles que les Rased dispensent sont performantes. Elles offrent à l’enfant d’élaborer sa progression vers l’autonomie. Enfant, parents, professeurs et maître spécialisé construisent les objectifs d’un projet. Que chacun signe.
Par Catherine Dunezat, psychologue clinicienne.
Au Sommaire du dossier
L’enfant Tyran : il est né le devil enfant…
1. Baby tyrannie, de zéro à 3 ans
2. La tyrannie à l’âge de la maternelle : les enfants tyrans de 3 à 6 ans.
3. L’enfant tyran à l’âge du primaire, les 6/12 ans.
4. La tyrannie infantile au risques de l’adolescence : les 12/15 ans.