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Les-jolis-cahiers-de-vacances-merci-papa-merci-maman… Ce « marronnier » de l’été, mine d’or des éditeurs spécialisés, fleurit dès la fin juin, alors que l’année n’est pas même terminée. Les rayons des hypers croulent sous les promesses de la réussite estivale… Sont-ils indispensables, utiles, nuisibles ? Voici nos devoirs de vacances. Valentin Gaure
Ils sont tellement ludiques, ces cahiers, que ce sont parfois les plus petits qui les réclament! Le plus souvent, tout de même, la décision revient aux parents qui les glissent dans le chariot en un geste réflexe souvent au petit bonheur la chance. « Allez hop, ça ne peut pas faire de mal! » Quoi qu’il arrive, les éditeurs scolaires empochent le jackpot. Et puis viennent les vacances et leur belle foultitude d’activités, qui ne laissent guère de temps à des bambins pour lesquels, soudain, le cahier de vacances, tel le martinet d’autrefois, s’invite sur la table du petit-déjeuner comme une menace latente. Il existe deux « écoles » à l’égard des devoirs de vacances qui rappellent que ces vacances ne sont qu’une parenthèse du temps scolaire.
Celle des parents dirigistes qui veillent à ce que leur progéniture remplisse bien « au moins une page par jour » pour ne pas « perdre le rythme ». Étrange expression d’ailleurs: à quoi peuvent bien servir des vacances, sinon à perdre ledit rythme? Et puis il y a les autres… Dans certains foyers, à peine acheté, le cahier de vacances se retrouve déjà savamment relégué aux placards. Les jours passent et la procrastination demeure. On verra ça plus tard! Il y a le temps! Attitude farniente de la cigale qui se termine bien souvent autour de la deuxième quinzaine d’août: « Au fait, tu as fait un peu de ton cahier de vacances? Zut, il faut aussi s’occuper des fournitures, la rentrée, c’est la semaine prochaine! »
Et si ces cahiers ne servaient…à rien ?
Remuons un peu les attendus. Et si cet étrange cahier au camaïeu pastel, qui emprunte souvent le jaune et le bleu du littoral, n’était au fond qu’un accessoire superflu, dont on pourrait se passer allégrement? Tout dépend en réalité de l’enfant. Il y a ceux (celles le plus souvent d’ailleurs) qui ont l’intelligence scolaire. Ils et elles aiment bûcher, réviser, annoter, collectionner, griffonner… Le genre d’enfants qui, pendant les vacances, regrettent un peu l’école. Il s’en compte davantage qu’on ne veut bien le dire. Cette classe-là, assurément, appréciera sans doute les cahiers de vacances et vous les réclameront d’office. Pour le reste, c’est une autre limonade! Certains enfants rompent avec les contraires scolaires. Pour eux et elles, l’été semble propice à tenter autre chose que les longues plages… de travail sur table.
Les vacances après tout, constituent un temps de rupture, propice à l’école buissonnière. S’il faut évidemment maintenir l’enfant en éveil, ne pas le laisser sombrer sous le diktat des écrans plats et incurvés, le cahier de vacances n’est pas toujours la solution idoine.
Et si on tentait autre chose ?
Exemple: la lecture. Ne vaut-il pas mieux mettre entre les mains de cet enfant un grand roman? La lecture du Petit Prince (Saint-Exupéry), de La Promesse de l’Aube (Romain Gary) ou des Travailleurs de la Mer (Victor Hugo) – selon les âges et les goûts – vaut bien tous les cahiers de vacances du monde. Ambitieux programme? Tout est question d’apprentissage et de fougue. Tout est affaire de pédagogie. Raconter Les Travailleurs de la Mer, en lire des passages, poser des questions au·à la jeune lecteur·rice, montrer des bateaux de pêche semblables à la Durande vaut le sacrifice d’une paire d’heures sur le sable de cette même mer. Et puis foin de la lecture. Si votre enfant aime aléatoirement la musique ou le dessin, c’est aussi le moment de le laisser se consacrer à une discipline, qui, le reste de l’année, ne s’exerce qu’à bas bruit, entre les cours.
Profiter aussi des vacances pour faire tout ce que le reste de l’année ne permet guère, face aux séquences rigides de l’agenda scolaire. Musées, balades en cité ou dans les campagnes, visite des villes limitrophes, activités nouvelles en lien avec les mairies (souvent inventives en la matière)… Ceux qui partent loin seront bien inspirés de ne pas omettre la case « culture » de leur séjour.
Bref, le cahier de vacances, s’il est utile sans être indispensable, ne doit pas servir au fond « d’arbre qui cache la forêt ». Ou bien, pour être plus direct, il ne doit pas jouer l’excuse pour se dire que l’été n’a pas été vain sur le plan des apprentissages. Complément certes intéressant, il ne peut pas s’arroger le monopole. Après deux années en pointillé, l’enfant n’a qu’un besoin: s’ouvrir aux autres, s’ouvrir au monde. Et retrouver le goût de l’inattendu. Surprenez-le et vous avec. Le vrai ludique est là. Tournez la page