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Chaque jour nos communes sont protégées par des femmes et des hommes qui défendent et portent les valeurs du service public, s’appliquent à soutenir les plus fragiles et font preuve d’altruisme. Parenthèse vous fait découvrir une association qui les soutient depuis plus de 90 ans.
L’année 2018 a été particulièrement meurtrière pour les sapeurs-pompiers. Seize d’entre eux ont en effet perdu la vie. Le début de l’année 2019 a également été marqué par des événements dramatiques. Le 9 janvier, Bernard, sapeur 1ère classe volontaire au Syndicat intercommunal à vocation multiple Nord, est décédé des suites de ses blessures lors de l’intervention menée par les sapeurs-pompiers calédoniens sur un important feu de végétation déclaré sur la commune de Koumac. Il était en couple et père de deux enfants âgés de 13 et 19 ans. Le 12 janvier, deux autres soldats du feu ont péri dans une violente explosion alors qu’ils intervenaient pour une fuite de gaz dans un immeuble d’habitation rue de Trévise, dans le IXe arrondissement de Paris. Nathanaël, sapeur 1ère classe à la BSPP, affecté au centre de secours Château-d’Eau, à Paris (75) et SPV affecté au centre de secours de Brienon-sur-Armançon (89), a laissé derrière lui une compagne et un enfant de 4 ans. La famille de Simon, caporal-chef à la BSPP, affecté au centre de secours Château-d’Eau, à Paris (75) et SPV affecté au centre de secours de Chambéry (73), est également en deuil. Le 27 janvier à La Réunion, Jessy Eve, sergent professionnel au corps départemental de La Réunion (Sdis 974), affecté au centre d’incendie et de secours de Saint-André, est décédé suite à un sur-accident survenu alors qu’il intervenait sur un accident de la circulation et mettait en place le balisage de sécurité et de protection. Ses trois enfants âgés de 9, 17 et 19 ans sont restés orphelins. Suite à ces événements tragiques, les Français ont su montrer leur solidarité envers les sapeurs-pompiers, notamment lors des cérémonies d’hommages. Quant aux familles des défunts, elles n’ont pas été abandonnées dans leur chagrin. Elles ont été et restent soutenues par L’Œuvre des pupilles orphelins et fonds d’entraide des sapeurs-pompiers de France (ODP).
Cette association a vu le jour le 27 mars 1926 grâce au Commandant Guesnet qui avait souhaité à l’époque créer des fonds pour venir en aide aux familles des pompiers tués pendant la guerre. « L’ODP soutenait également des sapeurs-pompiers qui avaient été gravement blessés au combat (ont perdu des bras et/ou des jambes) », précise Christian Letellier, secrétaire général de l’ODP et président de l’Union départementale des sapeurs-pompiers de la Sarthe. Deux ans plus tard, le 28 janvier 1928, l’association a été reconnue d’utilité publique et placée sous le haut patronage de monsieur le président de la République. Depuis, sa mission a été élargie. L’ODP prend en charge les enfants dont le parent est décédé en ou hors service. En 2000, l’association a pris la décision d’apporter son soutien non seulement aux enfants de sapeurs-pompiers décédés mais aussi aux sapeurs-pompiers et à leur famille dans le besoin. Au titre du fonds d’entraide, l’ODP intervient aussi pour soutenir les sapeurs-pompiers qui ont été victimes d’un accident ou qui sont handicapés.
Une deuxième famille
Outre un soutien financier – dont les fonds viennent à 25,58 % des contributions des sapeurs-pompiers, à 63,42 % des dons du grand public (legs inclus) et 11 % des subventions et autres financements – l’ODP apporte un accompagnement psychologique et moral aux familles des sapeurs-pompiers. En effet, au moment du décès d’un des parents, l’association propose des rencontres avec un psychothérapeute et organise des réunions de parents et de pupilles (c’est ainsi que l’ODP a surnommé les enfants orphelins d’un parent sapeur-pompier). « Nous avons des psychologues bénévoles qui œuvrent à nos côtés et sont à l’écoute des mamans, des papas et des enfants orphelins », indique Christian Letellier. Les pupilles sont soutenues tout au long de leur scolarité et jusqu’à l’entrée dans la vie active. L’ODP leur accorde des allocations trimestrielles de scolarité (plus de 1 600 sont attribuées chaque année), des primes de vacances (431), d’étrennes (987) et de rentrée scolaire (984). 520 enfants et 131 familles partent en séjours-vacances. L’association donne aussi un coup de pouce aux jeunes désirant obtenir un permis de conduire ou un Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur de centre de vacances et de loisirs (Bafa), ou un soutien pour les amener à démarrer avec sérénité leur vie active. Beaucoup d’autres aides sont offertes tout au long de l’année. Ces enfants bénéficient également d’un soutien, en cas de besoin, pour construire une vie d’adulte, le jour de leur mariage ou celui de la naissance d’un premier enfant. Actuellement, 1 324 orphelins (soit 832 familles) sont pris en charge par l’ODP.
L’association a pensé à tout. A chaque étape de leur vie, les pupilles peuvent compter sur la grande famille des sapeurs-pompiers. En 2018, l’ODP a par exemple acquis un appartement pour organiser des collocations entre les jeunes pupilles qui viennent faire leurs études à Paris et où le coût de la location d’un bien immobilier peut être exorbitant et difficile à gérer pour les familles monoparentales. Le bien est proposé à tarif préférentiel. « En 2019, nous allons aussi essayer d’élargir certaines prestations et pérenniser celles qui existent », annonce Christian Letellier.
Une vraie école de vie
L’ODP soutient les pupilles jusqu’à leurs 24 ans mais ces enfants restent « des pupilles à vie ». Ils savent qu’à tout moment, ils peuvent compter sur l’ODP. « Ils restent nos enfants. Notre maison et nos bras leur sont ouverts », précise Christian Letellier. Comme dans chaque grande famille, ils gardent contact et partagent les belles nouvelles telles que leur mariage ou la naissance de leurs enfants. Beaucoup parmi eux deviennent d’ailleurs à leur tour sapeur-pompier, même s’ils savent combien cette profession peut être dangereuse.
Quand un sapeur-pompier part en intervention, il sait que le risque zéro n’existe pas mais il doit d’abord penser à la vie des autres avant la sienne. « On ne pense pas au fait qu’on pourrait ne pas revenir. Cela nous déconcentrerait. En revanche, on sait que si un malheur devait arriver, on a derrière nous un réseau formidable, qui sera capable de nous venir en aide. Et si nous devions périr, notre famille ne restera pas toute seule », explique Christian Letellier. Même en cas de catastrophe naturelle, l’ODP soutient les sapeurs-pompiers. Par exemple, fin 2018, dans le cadre du Guichet national de l’action sociale, le réseau national des sapeurs-pompiers de France s’est fortement mobilisé pour accompagner les collègues de l’Aude et de la Haute-Corse, personnellement impactés par les inondations, et leur a accordé des aides financières.
Grâce à l’ODP, les valeurs que partagent les sapeurs-pompiers sont davantage mises en avant. Solidarité, altruisme, discipline… Être sapeur-pompier, c’est plus qu’un métier, c’est une vraie école de vie. « Tous les jours, nous vivons une expérience formidable », conclut Christian Letellier, en invitant les jeunes à rejoindre la grande famille des sapeurs-pompiers.
Par Anna Ashkova