La fin du sempiternel bras de fer entre parents et enfants ?

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Temps de lecture estimé : 5 minutes

Lutter contre la surconsommation, la jalousie et le manque d’empathie tout en inculquant des valeurs humanistes… Un vaste chantier qu’évoque Valérie Halfon dans son dernier livre : Tout le monde en a un, sauf moi ! Rencontre.

Acheter parce que « c’est les soldes », jouer à tout prix à un jeu parce que « c’est à la mode », manger mal dans les fast-food car « tout le monde le fait » ! La soif de consommation de nos enfants, tous toujours un peu plus accros à leur smartphone, va grandissant avec l’âge. Et souvent entend-on, parents, ce leitmotiv : « Tout le monde en a un, sauf moi ! »
Dit autrement, pour l’adolescent, s’intégrer au monde revient à acheter ce qui lui apparaît comme universel et partagé de tous. Le caprice et la jalousie peuvent ainsi rapidement devenir un mode de vie. Et donc un enfer à vivre pour les parents qui n’ont pas su légitimer le non plus tôt… Mais ce n’est trop tard !

Valérie Halfon nous propose un livre à la fois analytique et pragmatique qui décrypte les dernières tendances marketing pour mieux les dénoncer. L’objectif du livre est simple : vous donner les clés pour aider votre enfant à s’émanciper de la pression sociale et commerciale. Avec, comme idéal, de faire de vos enfants des « consom’acteurs » comme on aime à les appeler, c’est-à-dire des consommateurs avertis qui font des choix plus responsables et éthiques.

Valérie Halfon va même plus loin dans sa démarche. Non seulement elle souhaite apprendre aux parents à dire non, mais elle décide dans le même temps de modérer le sentiment de frustration chez l’enfant grâce à un recentrage vers « l’essentiel ». Vaste chantier. Très vaste.

De la gestion de budget à la surconsommation !

A l’origine, Valérie Halfon ne pensait pas publier un livre à vertu pédagogique. « Je suis conseillère en gestion de budget. Je donne des conférences sur le sujet et accompagne depuis plusieurs années des personnes désirant optimiser leurs finances personnelles et souhaitant aussi voir leur vie évoluer. Par rapport à cette activité, j’ai vite réalisé que les enfants étaient souvent en demande et que les parents se posaient vraiment des questions sur comment arbitrer dans le budget pour accorder des choses aux enfants », se remémore l’auteure de Tout le monde en a un sauf moi. De fil en aiguille, ses recherches l’amènent à approfondir l’angle marketing. « Le premier constat que j’ai tiré, c’est un ciblage de plus en plus précoce et de plus en plus fort de l’enfant grâce aux dernières innovations marketing. Avec ce livre, je voulais un peu plus équilibrer la donne et donner du recul aux parents pour qu’ils puissent mieux légitimer leurs décisions d’achat et ne pas sombrer dans la surconsommation », continue l’auteure.

Des techniques marketing décryptées avec clarté !

Parmi les techniques marketing très en vogue, Valérie Halfon identifie les placements ou présentation de produits réalisés par les influenceurs. Pour rappel, un influenceur est une personne dont la page figurant sur les réseaux sociaux fédère des milliers de personnes. Exemple avec YouTube, on considère qu’un profil est un influenceur à partir du seuil des 10 000 abonnés. Pour les marques, cela permet d’identifier des publics très spécifiques et de leur administrer des contenus marketing discrets relayés par des personnes de fait appréciées par ceux qui les regardent. Des personnes d’autant plus appréciées qu’il peut s’agir d’adolescents voire d’enfants !!!

« Dans ce contexte, les adolescents regardent leur écran jusqu’à cinq heures par jour. Qu’il s’agisse d’Instagram ou de YouTube, l’une de leurs activités principales revient à «liker» des vidéos et à scroller leur «timeline» pour se comparer aux autres et voir quelles sont les dernières tendances », décrit Valérie Halfon. Une des techniques préférées des services marketing pour inciter à l’achat est ainsi de proposer un placement de produit à l’influenceur. L’influenceur peut même aller jusqu’à produire une vidéo dédiée. Les plus connues sont les vidéos de type unboxing dans laquelle l’influenceur découvre un produit et le déballe de sa boite d’emballage (to unbox en anglais). Ces vidéos sont particulièrement monnaie courant dans la mode, la beauté, le high-tech et les jeux vidéo ! Vous l’aurez compris, le marketing digital en 2019 est moins violent et frontal que le marketing classique que nous avons connu alors enfants, mais ces techniques semblent plus insidieuses et parfois même néfastes.

Autre technique marketing que décrie l’auteure, celle de l’engagement des audiences sur les réseaux sociaux. « Les spots TV, il y en a toujours eu, des pubs saisonnières aussi comme celles aux périodes de Noël qui martèlent nos écrans. Sauf qu’aujourd’hui, le marketing emprunte d’autres canaux plus informels, ceux de l’engagement des consommateurs. Via une page Facebook, une marque peut lancer un jeu-concours et récompenser par exemple la meilleure photo ou vidéo réalisée par un consommateur ! Une manière de faire de la publicité gratuitement qui peut vite devenir virale. Nous sommes dans une ère marketing où l’on rentre dans l’inconscient des enfants pour déclencher un acte d’achat qui peut se dérouler plusieurs mois après », décortique l’auteure de Tout le monde en a un, sauf moi.

 La surconsommation véhicule également des messages dangereux pour leur

développement : vous avez le droit à tout, à n’être jamais frustré.

Un ouvrage analytique mais également très concret

Le livre de Valérie Halfon se décompose en cinq thèmes : alimentation, mode & beauté, loisirs, les écrans, et les enfants, valeurs et bonheur. Pour chaque thème, un état des lieux sur la consommation des enfants est dressé avec une analyse claire et ciselée des techniques marketing utilisées dans chacune des quatre premières parties. Une fois ces ficelles explicitées, l’auteure se penche dans chaque partie sur des pistes claires, efficaces et plutôt simples à mettre en œuvre. Tout au long du livre, elle met l’accent dans sur le devoir d’information et de pédagogie que vous devez dispensez à votre enfant. Vous n’aimez pas être un pigeon. Votre enfant non plus…

Chaque partie du livre comporte ainsi une analyse théorique, des études sur les modes de consommation de nos enfants et des conseils pratiques. Les propos de l’auteure évoquent des façons de désamorcer une situation de négociation tendue avec vos enfants voire distiller des conseils simples et avisés qui permettent d’observer des changements notoires. « Un conseil que je donne souvent est par exemple de questionner votre enfant sur sa notion du «tout le monde». Et concrètement de savoir combien cela fait. Cela lui permet de prendre du recul et d’identifier la vraie raison de cet achat. Et de finalement le questionner, dans un contexte serein, sur ses véritables motivations », illustre Valérie Halfon.
Autre exemple, sur le sujet du poids des influenceurs, Valérie Halfon reprend un témoignage d’une maman suite à la lecture du livre. Son fils, depuis le désabonnement des channels d’influenceurs, ne lui réclame plus rien… Une mesure simple au résultat probant !

Dans tous les cas, l’auteure explique que ces discussions sont l’occasion de faire passer des messages à ses enfants sur la façon dont ils sont manipulés. Et finalement, cela permet aux enfants d’apprendre à exprimer autrement leur individualité. « Car la surconsommation véhicule également des messages dangereux pour leur développement : vous avez le droit à tout, à n’être jamais frustré, vous êtes une star, une VIP. C’est facile de réussir sa vie, de consommer ce que l’on veut et rapidement. Imaginez qu’en Angleterre, devenir «YouTubber» arrive en tête des métiers plébiscités par les plus jeunes… »

La principale compétence des parents : savoir mettre une bonne ambiance ?

Comment aider notre enfant à développer l’individualité sans l’ostraciser auprès des autres ? « Ce type de question nous amène à nous questionner en tant que parents sur nos valeurs : sommes-nous les seuls à penser la même chose ? La concertation entre parents est essentielle : si vous voulez que votre enfant n’ait pas de smartphone à l’école primaire, mobilisez d’autres parents dans votre projet. Le deuxième conseil que je pourrais donner aux parents est celui de mettre une bonne ambiance à la maison. Kiffer en famille ne signifie pas faire quelque chose de sensationnel à chaque fois », renchérit Valérie Halfon. Un escape game, un parc d’attractions, un laser-game… si le sensationnel est la condition d’un bon moment cela va vite être l’escalade pour les parents qui ne sauront absolument plus comment combler leurs enfants. Vous l’aurez compris, la norme doit être le plaisir simple d’être ensemble et de créer du lien social, sans pour autant invectiver votre enfant lorsqu’il ne souhaite plus rester à table…

Geoffroy Framery

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