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Papa et maman ont divorcé et la vie a changé. Pour vous-même et pour votre enfant, et comme dans environ 130 000 divorces par an en France, soit 1,8 mariage pour 1 divorce. Chaque année, 10 couples mariés sur 1 000 divorcent (1 %). Près de 45 % des mariages finissent par un divorce. Plus de 1,6 million d’enfants vivent aujourd’hui dans des familles recomposées. Plus de 600 000 personnes cohabitent avec les enfants de leur nouveau conjoint. Près de 8 % des familles françaises sont des familles recomposées (source : Jurifiable). Et maintenant ?
La séparation est actée, les domiciles sont séparés, les coffres à jouets à moitié vides se sont réparti les peluches au petit bonheur la malchance, les valises restent grandes ouvertes chez papa comme chez maman pour accueillir, any time, any way tout un inventaire à la Prévert, celui des objets du stand by Mum au stand by Dad : les petits vêtements minutieusement choisis par princes et princesses aux royaumes maintenant doubles sinon jumeaux, les chaussons, les tétines et les doudous qui transitent avec les enfants d’un bord à l’autre de leurs deux résidences… et leurs deux vies.
L’orage est passé.
Tout le monde est aux abris. Abris séparés…
Le traumatisme est inévitable chez le jeune enfant
Mais, au fait, que s’est-il donc passé ? Et que va-t-il se passer maintenant que les jeux sont faits ou défaits ?
Même s’il existe en fait peu d’études sur les conséquences du divorce sur les enfants. Qu’il s’agisse des expertises légales parfois demandées par le juge aux affaires familiales dans le cadre de divorces particulièrement douloureux et conflictuels, ou sur le simple plan de la prise en charge psychothérapeutique, la pratique clinique montre que le divorce constitue bien un traumatisme que l’enfant devra surmonter.
La séparation produit toujours des conséquences douloureuses et certains enfants présentent une réelle et parfois durable souffrance affective, contre laquelle il n’existe aucune prévention : seule une extrême vigilance aux signes et une grande disponibilité des parents va réellement ajuster l’étayage par l’adulte et le relais éventuel vers une consultation pédiatrique ou psychologique. Il faudra se garder de la tentation de se déculpabiliser par un recours aux propos lénifiants sur le nombre croissant de divorces et donc d’enfants exposés. Banaliser le divorce serait une erreur.
Au contraire, il convient de regarder le divorce en face et pour ce qu’il est : une épreuve à surmonter pour les enfants. Même s’il est vrai que la société est en mutation, même s’il est vrai que la famille est remise en question et même si, sociologiquement parlant, le divorce épidémique se confond avec « La Fin de l’amour » comme le démontre l’auteure Eva Illouz (Seuil, février 2020). Une enquête sur un désarroi contemporain : on divorce comme on respire au moindre coup de vent mauvais, le couple et sa durée ne sont plus un format de l’amour. L’amour disparaît des écrans radars. Mais cet évanouissement laisse votre enfant dans la tourmente des questions et des ressentis probablement proches d’un travail de deuil.
Les questions qui font mal : sont-elles trop stressantes pour éviter le recours à un tiers ?
Voici quelques-unes des questions que se posent généralement les enfants lorsqu’ils sont confrontés au divorce de leurs parents, même s’ils ne les formulent pas en ces termes d’adultes.
- C’est de ma faute !
- Qui va me garder ?
- J’ai peur d’être abandonné·e comme papa a abandonné maman ou le contraire.
- J’ai honte de ne pas avoir pu réussir à garder réunis mes deux parents ensemble, je dois être trop nul·.
- Papa et maman vont-ils se remarier si je suis très sage et que je travaille bien ou si je tombe malade ?
- Je suis en colère contre mes parents qui ont rompu l’enchantement de l’enfance.
- Le beau-père ou la belle-mère vont me prendre ce qui reste de l’amour de mon parent.
- Le bébé qui va naître de ce nouveau couple aura tout ce que j’ai perdu : il sera le centre du monde.
Tout un cortège de pensées désagréables passent par la tête de l’enfant, inévitablement, lorsque le couple qui lui a donné la vie vole en éclat. Tous les enfants ne consultent pas pour les mêmes pensées et ne ressentent pas le même malaise avec la même intensité ni dans la même temporalité, mais la peur, la culpabilité, la colère et la confusion seront de toute façon au rendez vous, forcément convoquées par la séparation. Parfois, il est compréhensible qu’il ou elle ait besoin de vous ou d’un professionnel de l’enfance pour démonter et comprendre certains mécanismes psychologiques auxquels il ou elle n’a jamais jusqu’alors été confronté·e. Il vous appartient d’en juger l’indication. Et de la mettre en œuvre. En clair de consulter ou pas.
Les répercussions scolaires : le vrai du faux et les préconisations pour s’en sortir « notes hautes »
L’éventualité de la survenue d’échec scolaire (même si cette survenue n’est pas, fort heureusement, systématique) est une conséquence souvent évoquée, souvent redoutée dans le cadre de la séparation parentale.
Toutefois, la survenue de l’échec scolaire est fréquente comme dans toute situation conflictuelle, et la séparation en est forcément une, sur le plan psychique. Votre enfant, pourra éprouver, effectivement, des difficultés à se concentrer sur ses objectifs scolaires. Et pourrait même désinvestir sa propre réussite, dans les suites de la séparation.
Les causes en sont multiples. Avant la séparation, le travail à la maison a pu souffrir d’un contexte répété de querelle de couple et rendre, ainsi, plus confuse pour l’enfant, son orientation sereine vers le travail scolaire. Le stress généré et l’anxiété ressentie ont drainé, malgré vos attentions probables – mais vous étiez vous-même débordés – une partie plus ou moins importante des ressources psychiques de votre enfant.
Le stress et anxiété, s’ils se lient au travail scolaire, à domicile, comme en classe, risquent d’agir comme un conditionnement opérant qu’il faudra alors combattre. En premier lieu par une réelle et constante attention portée, par vous et par votre ex-conjoint, absolument attentive et continue, à tout ce qui concerne la sphère scolaire.
Il est bien souvent difficile et délicat de déterminer si le divorce est cause de difficultés d’apprentissage scolaire ou bien si des circonstances antérieures au divorce en sont plutôt la cause. Le divorce est alors souvent le révélateur d’un contexte antérieur déjà défavorable à la réussite scolaire. C’est pourquoi une vigilance est de mise, à court comme à long terme, c’est-à-dire au moment et à distance de la séparation immédiate.
Vous devez vous montrer attentif·ves à toutes les manifestations possibles d’une déconvenue scolaire annoncée par les statistiques : en 2002, une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) affirmait que les enfants de couples divorcés risquaient davantage l’échec scolaire.
Le contrôle parental sur le scolaire doit nécessairement s’intensifier en cas de séparation.
Anticiper l’échec
Il vous faut aller résolument au-devant des professeurs, y compris, bien sûr, dans le cadre des propositions institutionnelles telles que les réunions d’information parents/professeurs, les restitutions commentées des évaluations nationales, mais il vous faudra aussi, de votre seule initiative, susciter des rendez-vous individuels au moindre doute afin de partager vos alertes, vos questionnements et vos propositions de solutions adaptées, par exemple avec le professeur principal ou avec l’enseignante de votre enfant si celui-ci, plus jeune, fréquente l’école primaire. L’Éducation nationale met également à votre disposition dans le premier degré des enseignants spécialisés dans la prise en charge des enfants en difficulté, des psychologues de l’éducation, des infirmières et des médecins scolaires que les enseignants de vos enfants pourront vous proposer de rencontrer.
Suivre le travail à la maison de manière très régulière et systématique est une nécessité plus encore qu’avant les troubles familiaux liés au divorce. Vous intéresser à la vie scolaire de votre enfant de manière globale et pas seulement en termes de résultats, c’est la règle que vous devez vous imposer. Soyez alerté·e par tout signe de désinvestissement scolaire. Car l’effondrement des résultats connaît souvent des débuts insidieux, à bas bruit. Surtout après le vacarme de la séparation. Tout cela peut passer inaperçu.
Catherine Dunezat, psychologue clinicienne