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Crise sanitaire, crise politique, crash économique…
À l’heure où la pandémie fait des ravages dans un pays plus que jamais divisé et marqué par la politique controversée d’un président qui persiste à minimiser la gravité de la situation, le Brésil accumule les tuiles. En passe, selon l’OMS, de devenir le principal foyer mondial de la covid-19 et à l’aube d’un crash économique sans précédent, le pays de la samba ne danse plus.
Les chiffres en temps réel consultables sur la carte interactive de suivi de la pandémie de la Johns Hopkins University ne trompent pas : plus de 772 000 cas confirmés pour près de 40 000 morts. Le jeudi 11 juin, 1 274 Brésilien.nes sont mort.es de la covid-19 en 24 heures. Malgré l’obstination invraisemblable de Jair Bolsonaro, qui persiste à qualifier la pandémie meurtrière de « petite grippe », son pays est le plus meurtri d’Amérique Latine. Et l’un des plus touchés dans le monde. Une situation d’autant plus alarmante au regard des controverses actuelles autour de la diffusion des données sur les morts et les cas de contamination par le gouvernement brésilien. Le lundi 8 juin, le quotidien Folha de Sao Paulo accusait même le président d’un « coup d’État statistique » visant à étouffer les données de la covid-19, pendant que les autorités régionales de santé s’estimaient outrées par « une tentative autoritaire, inhumaine et contraire à l’éthique de rendre invisibles les morts du coronavirus ». Beaucoup de spécialistes considèrent ainsi comme largement sous-évalué le décompte du nombre de contaminations et de morts, dans un pays qui compte 210 millions d’habitant.es. Conséquence directe du raz-de-marée covid-19 et des mesures de restrictions : l’économie nationale du géant sud-américain patine.
Crash économique à venir
Le Brésil se prépare à un contrecoup économique terrible. Si le ministère de l’Économie prévoit un recul du PIB de 4,7 % en 2020, nombre d’instituts d’études et d’économistes sont plus dramatiques et tablent plutôt sur un plongeon de 6 % à 10 % de la richesse nationale. Une chute sans précédent pour le Brésil. Et les effets se font déjà sentir. Selon la Fondation Getulio Vargas (FGV), 40 % des entreprises du commerce, de l’industrie, des services et de la construction auraient déjà licencié une partie ou la totalité de leur personnel. Dans le même temps, un ménage sur deux a été touché par le chômage ou une baisse de salaire. Les premiers à payer le prix fort sont les Brésilien.nes les plus pauvres, déjà très impacté.es par la récession de 2016-2017.
Parce qu’il continue à nier la gravité de l’épidémie et son impact direct sur l’économie, Bolsonaro n’aura fait que s’opposer fermement aux mesures de confinement décidées par les maires et les gouverneurs, au nom de la santé économique du pays. Sans oublier son déni pour les gestes barrières, lui qui préfère les bains de foule au milieu de ses partisans aux règles de distanciation physique. Dans une telle cacophonie, le respect des mesures de confinement et de distanciation n’aura jamais été favorisé…
Malgré tout, alors que les services hospitaliers sont toujours débordés, la vie économique brésilienne entame son déconfinement. Notamment dans l’État de Sao Paulo, épicentre de l’épidémie au Brésil et poumon économique du pays (un tiers du PIB), où commerces et activités non essentielles étaient fermées depuis mi-mars. Depuis le 10 juin, les boutiques ont rouvert dans la plus grande ville brésilienne, pour seulement quatre heures par jour pour l’instant. Idem à Rio de Janeiro, deuxième ville la plus peuplée et principal pôle touristique où les centres commerciaux ont rouvert ce jeudi 11 juin. Pour rappel, à Sao Paulo, ville de 12 millions d’habitants, l’occupation des lits de réanimation est actuellement de 67 %, et l’État de Sao Paulo a recensé mercredi 340 morts liés à la covid-19 à lui seul, un triste record…
Adam Belghiti Alaoui