Temps de lecture estimé : 3 minutes
Je ne veux pas jouer les oiseaux de mauvais augure. Mais enfin, pourquoi ne voit-on pas que le 2e acte de la pandémie va se jouer sur le continent sans défense ?
Le généralissime Macron toujours en guerre – il l’a répété tant et plus – a adopté hier 25 mars le ton voulu, grave et compassé, avec cette pointe d’hésitation et de recours au texte écrit qui dérobotise la fonction. Mais il a fallu attendre quelques minutes, après les remerciements adressés à tous les soldat/es du front – et pour une fois ont été mentionné/es les enseignants/es, qui sont eux/elles aussi en guerre, on l’oublie souvent –, après les appels à la solidarité et autres assurances que le gouvernement « fait tout pour… » (faut-il en douter ?), pour entendre les mesures nouvelles. Futures, bien sûr, puisque le redressement du pays et, au passage, ses manquements, ne figureront à l’ordre du jour qu’après le déconfinement, entrevu, mais on le savait depuis le début, vers la fin du mois d’avril, sauf rechute du malade.
Une prime pour les soignants et les fonctionnaires mobilisés
L’appel façon Abbé Pierre du 25 mars lancé par Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP (quelque peu pris à partie dans mon éditorial ce jour-là) a bel et bien été entendu. Le chef de l’État a promis « des heures supplémentaires majorées et une prime exceptionnelle » pour « l’ensemble des personnels soignants et des fonctionnaires mobilisés ». « Tous les services de l’État sont mobilisés : nos policiers, nos gendarmes, nos douaniers, tous nos fonctionnaires. Nos enseignants aussi, à qui je veux dire merci ». Bien sûr, aucun montant n’a été avancé. Ce sont quelques dizaines ou centaines de millions d’euros qui ne pèseront pas les plus lourds dans les dizaines de milliards du coût du redressement.
Un « plan massif d’investissement » pour l’hôpital
Mais c’est en annonçant la mise en place d’un « plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières » pour l’hôpital, toujours après l’armistice, que le président semble en avoir fini, contraint et forcé, avec le démantèlement systématique du service public de santé appliqué avec constance par tous les gouvernements depuis trois décennies. Enfin ! Vous verrez que nous en viendrons, si ces promesses sont actées, à bénir l’holocauste qui aura dessillé les yeux de tous les gouvernants qui ont confondu santé publique et luxe trop coûteux.
Quand l’Afrique périra, le monde comprendra
Mais avant de rebondir positivement sur la pandémie, encore faut-il ne pas occulter l’immense danger qui menace tous les Africain/es. Car le continent où la pandémie a commencé quelques semaines après le reste du monde en raison des flux de voyageurs mineurs va devenir un nouvel épicentre pour l’heure centré sur l’Afrique du Sud. Nul doute que le planisphère de l’université John Hopkins va montrer dans les prochains jours l’embrasement de la Covid-19 un peu partout sur le continent, à commencer par l’Afrique sub-saharienne. Or si nos démocraties libérales manquent elles-mêmes de masques, de réactifs et de respirateurs, que dire des nations africaines absolument démunies de tout, quand le confinement même y sera impossible en raison de l’absence d’une distribution alimentaire aseptisée dans des supermarchés inexistants ? C’est là que le monde va payer cher sa paupérisation du continent, orchestrée depuis des siècles : si l’Afrique est décimée, drame humain insupportable sur lequel les informateurs restent discrets, elle renverra au centuple vers les nations qui en ont tiré des richesses la deuxième vague de pandémie. Je veux croire, en optimiste raisonnable, que cette perspective abominable reste circonscrite, notamment si un vaccin efficace finit par émerger (à partager d’urgence avec les Africain/es). Sans trop d’illusion.
Olivier Magnan
rédacteur en chef