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En filigrane d’élections municipales tardives et désertées, le signal appuyé du vote EELV pourrait cacher une volonté populaire en devenir beaucoup plus marquée en faveur d’une véritable politique enfin environnementale.
Indifférence, insatisfaction, désintérêt, peur, tout va passer dans l’explication de cette abstention record (5 points d’aggravation par rapport au 1er tour déjà en berne) aux élections municipales françaises.
Autant de maires qui, comme les bacheliers d’office, risquent de passer pour des élus par négligence. On dira sur tous les tons que les électeurs.trices auront eu « peur » de se déplacer. C’est hautement improbable. Nous voilà en France en bout d’épidémie, alors que les gens ressortent, habitués dans les commerces à ces gestes barrières, blasés et d’autant plus rassurés que, cette fois, contrairement au 1er tour, alors que le confinement serait décrété trois jours plus tard, les précautions et les protections garantissent à 100 % que l’on ne sera pas contaminé en votant. On a même vu toute l’équipe du Premier ministre Édouard Philippe vainqueur au Havre, épaule contre épaule, s’applaudir sans le moindre masque…
Non, sur les quelque 4 600 élections qui visent un siège ou deux vacants dans de petites communes et une liste dans les villes de plus de 1 000 habitant.es, le seul suspens qui fascina les commentateurs toucha 107 communes de plus de 50 000 habitants (71,8 %). Parmi lesquelles Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Rouen, Besançon, Grenoble, Annecy, Lille, Tour, Toulouse et d’autres présentaient un candidat écologiste Europe Écologie les Verts en puissance de mairie.
Hors Lille, qui échappe à EELV de 200 voix devant la socialiste Aubry (qui se dit avec opportunité favorable à la transition écologique) ou Rouen que le socialiste emporte mais en alliance avec les écologistes, et Toulouse, au dernier moment revenue aux Républicains, ces grandes cités élisent bel et bien un.e maire « vert ».
Les électeur.trices qui se sont déplacé.es ont nettement montré que, cette fois, ils.elles veulent que la France des grandes cités entre enfin dans une véritable écologie d’avenir.
On dira bien sûr que la faiblesse du quota de votants est de nature à relativiser cet engagement vert. On aurait tort.
Même porté par un corps électoral affaibli, ce vote est quand même le signe patent qu’une nouvelle donne à l’œuvre ancre dans l’opinion française – même tronquée – un besoin d’écologie, la prise de conscience que la covid dévastatrice – 500 000 morts dans le monde, et la courbe grimpe – n’a pas surgi par hasard : la consommation d’animaux exotiques, les élevages monstrueux qui nous valent la fièvre porcine ou aviaire, la mondialisation et les trafics, le carnage de la biodiversité, apparaissent désormais comme les vraies causes de ces pandémies dont on nous promet désormais les retours inéluctables.
Mieux : en plaçant un maire écolo à la tête de grandes villes en France, les fidèles du vote municipal emmènent sans doute dans leur sillage la muette réprobation d’une grande partie des non-votants qui, faute de s’exprimer, n’en pensent pas moins : je ne vote pas, mais si je votais, ce serait écolo. Combien de fois n’entend-on pas autour de soi cette ritournelle de l’abstentionniste paresseux ?
Le vote écologiste est le message d’un peuple à ses dirigeants que toutes les municipalités élues devraient entendre aussi : les temps ne sont plus aux extensions des villes et des zones commerciales, mais aux économies d’énergie et au recyclage. Sources de business, de croissance et de prospérité, rappelons-le bien.
Olivier Magnan