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Depuis trois mois, son livre caracole en tête des ventes du site Amazon. Son titre, Vous n’aurez pas ma haine, résonne comme un cri de résistance. L’auteur est Antoine Leiris, le père d’un enfant qui a survécu à l’attaque du Bataclan le 13 novembre dernier.  Si l’enfant a échappé au pire, sa mère et sa grand-mère n’ont pas eu cette chance. Elles sont mortes le soir même. Malgré l’horreur, son message reste plein d’espoir. Mais comment expliquer aux enfants le nouveau monde plein d’insécurité dans lequel ils vivent ? Voici les conseils de Christine Dimmet, psychopraticienne, hypnothérapeute.

La peur ne permet pas d’éviter le danger

Le constat est cuisant : nos peurs ne nous protègent en rien des dangers du quotidien. Inutile aussi de recourir à la méthode Coué pour nous convaincre que tout ira bien et qu’il suffit d’aller de l’avant sans nous soucier des conséquences. Les leitmotivs et phrases toutes faites sont-ils fiables à l’heure de prémunir nos enfants sur notre société ?

Nous pouvons constater que l’angoisse prévaut actuellement sur le sentiment de sécurité. Des attentats à répétition sont perpétrés aux quatre coins du monde et impactent notre quotidien. Aucune règle établie n’existe pour éduquer l’enfant à s’intégrer au mieux à son environnement. Parler des traumatismes et des événements susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes est bénéfique pour les mettre à distance. D’un côté, il convient aux parents de les protéger. De l’autre, ils doivent atténuer l’impact des traumatismes vécus pour qu’il y ait le moins de répercussions sur leur développement.

Quelles recommandations pouvons-nous appliquer pour aborder la conversation sur ces sujets sensibles auxquels ils devront faire face ?

Ecouter plutôt que rassurer sur des choses qu’on ne peut prévoir. Il faut continuer de vivre normalement et ne pas s’angoisser. Des choses dramatiques peuvent arriver, se reproduire. Au sujet de l’attentat, il faut insister sur le caractère exceptionnel de l’événement. Il est préférable de ne pas édulcorer la vérité, la réalité des choses : l’idée n’est pas de le faire vivre dans un monde truqué. L’enfant s’en rendra compte et il perdra la confiance en vous.

Comment ne pas tomber dans la morosité ?

En développant son appétence pour la vie et en insistant sur les aspects positifs du monde dans lequel il vit. D’autre part, dans ce contexte instable, il est nécessaire d’avoir un soutien de la famille : parents, grands-parents, frères et soeurs… l’unité familiale est primordiale pour l’équilibre de l’enfant et son développement. Il faut vivre le plus naturellement possible, il faut expliquer les choses quand elles se passent mais rester dans la vigilance.

Doit-on taire les événements ou au contraire en parler ?

L’important est de ne surtout pas dramatiser ou théâtraliser l’événement qui a conduit au traumatisme. Il fut montrer ses sentiments, ses peurs et faire comprendre à son enfant que la souffrance est normale. Seul cette attitude peut l’aider à se reconstruire. Aider son enfant à accepter sa souffrance, à l’exprimer pour mieux la surmonter. On se doit d’être dans la juste mesure ne pas dramatiser et à l’inverse ne pas dédramatiser un fait de nature dramatique qui est horrible.

Comment aider l’enfant à exprimer ses émotions ?

Au moment de parler à son enfant, il faut le laisser prendre la parole et ne pas devancer ses questions. Il doit localiser l’événement qui a eu lieu dans un espace/temps concret. Il faut rester simple, clair mais éviter les raccourcis simplistes, la stigmatisation : parler le plus naturellement possible, le plus simplement possible, sans employer de vocabulaire compliqué.

Comment se faire comprendre ?

L’essentiel est d’adapter le vocabulaire à l’âge de l’enfant. La répétition de certains termes comme l’accentuation de certains mots jouent sur l’attention des tout petits. Les détails secondaires ou trop complexes sont à laisser de côté pour ne pas perdre l›enfant. Il faut aussi savoir attendre que l’enfant soit dans l’écoute : par moment, il y a des enfants qui vont juste poser la question, ils vont être dans l’écoute et à ce moment là, on prend le temps de lui expliquer. Il faut comprendre que certains enfants n’ont pas la maturité pour accepter la réponse et ils n’écouteront pas.

Doit-on forcer la discussion lorsqu’elle ne vient pas naturellement ?

Je recommande de ne pas être intrusif et de ne pas forcer la conversation. La question que les parents doivent poser à leurs enfants c’est : est-ce que tu veux qu’on en parle ? Avec enfant de 7 à 10 ans, on peut amener la conversation de la manière suivante : est-ce que tu attendu parler de tel événement ? Si ça réponse est oui, on aborde la conversation.

Comment faire pour le protéger des images violentes ?

Les images doivent rester pudiques. Il faut rester attentif aux images que l’on donne à voir à nos enfants, les journaux du midi à la mi-journée sont des journaux adaptés à toute la famille. Ils transmettent une information mais restent pudiques dans les images et ils ne montrent pas des images choc.

Quels conseils donnez-vous sur l’attitude des parents au quotidien ?

Gardez en tête que l’enfant est réceptif aux angoisses des parents. Il faut éviter les changements d’habitude. Rationaliser les événements traumatisants qui viennent de se produire, en ne minimisant pas l’emprise que cela peut avoir sur l’enfant. Attention aux discours contradictoires ou les commentaires qui complexifient la compréhension des événements. Politiser le discours, par exemple, est néfaste et brouille l’esprit de l’enfant en le polluant avec des problèmes d’adultes.

Lire la vie des héros à qui l’on voudrait ressembler

On le sait, un exemple peut parfois plus que des beaux discours pour encourager chacun à donner le meilleur de soi. Dans les récits post-attentats, on trouve bien entendu « le méchant ». L’auteur de l’acte barbare. Les victimes : ceux qui sont mort en toute innocence et puis ceux qui ont survécus mais qui continueront à vivre au prix de lourds efforts pour surmonter le traumatisme. Enfin, on trouve aussi les héros. Ces gens qui étaient prêts à mourir pour sauver les autres : il y a Franck le motard, mais aussi des dizaines d’inconnus qui se sont mis immédiatement à la disposition des secouristes pour sauver des vies. Lire l’actualité à travers ces témoignages poignants est un formidable combustible pour alimenter le moteur intérieur des plus jeunes et les encourager à donner le meilleur d’eux même lorsque les circonstances leur donneront l’occasion de le faire.

Marie Bernard

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