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Au collège de la Côte Blanche à Lillebonne (76), les fédérations de parents d’élèves viennent de lancer un café qui réunit toute la  communauté éducative. Un moment convivial pour créer des liens et susciter le débat autour d’un thème. Une autre façon pour chaque parent de prendre place dans la vie du collège…

C’est un petit collège niché dans les collines boisées du Pays de Caux. Des bâtiments clairs et bien entretenus, des portraits ou des silhouettes d’élèves pour égayer les murs, et beaucoup de verdure. Il n’y a même pas quatre cents élèves dans cet établissement normand apparemment sans histoire. Et pourtant, Madame la principale, Corinne Queval, a des soucis : « La population scolaire est extrêmement hétérogène. Nous avons de très bons élèves et d’autres en grande difficulté, notamment sociale. Cette cohabitation ne donne rien de bon. La  mayonnaise ne prend pas. » Et d’ajouter en guise de conclusion : «Nous souffrons surtout de l’absence des familles à nos côtés.»

La naissance d’une bonne idée

Pour cette principale expérimentée et convaincue de son rôle social, les familles sont des partenaires indispensables. Corinne Queval profite donc d’un conseil d’administration pour inscrire cette préoccupation au cœur du projet d’établissement. « Nous devons renforcer la cohésion entre tous les membres de la communauté éducative et ouvrir nos portes aux familles par tous les moyens. » Des moyens qui restent à inventer. Les deux fédérations de parents d’élèves de la Côte Blanche s’associent donc pour y réfléchir. L’idée surgit. Pourquoi pas un café des parents ? La présentation du projet suscite immédiatement l’adhésion du conseil d’administration. « Nous avons tout de suite reçu un accueil très positif, se félicite Patricia Leininger, présidente de la FCPE. La principale et les professeurs ont même souhaité s’inviter au café ! »

Le temps de la maturation

Pas question d’organiser le café ailleurs qu’à la Côte Blanche : « Il y a des gens qui ne mettent jamais les pieds au collège », constate Patricia Sorel, l’une des organisatrices. « Il faut sentir l’ambiance de ce qui se passe ici. » Madame Queval propose l’amphithéâtre, mais les parents préfèrent une simple salle de classe. Un moyen de combler la distance qui sépare trop souvent l’établissement des familles. « Quand nos enfants sont en primaire, on se rencontre à la sortie de l’école, analyse Patricia Leininger. Au collège, c’est plus difficile, on ne sait pas vraiment ce qui se passe. » Et rien de tel qu’une atmosphère conviviale pour faciliter la communication. « On n’attire pas les papillons avec du vinaigre, s’amuse Patricia Sorel. Notre message ? On vous reçoit avec des boissons, des petits gâteaux. On va être bien et on va discuter. » Un moment de détente qui n’empêche pas de mener une réflexion approfondie autour d’un thème donné. « Nous voulions d’abord parler de la discipline au  collège, raconte Gilles Telal, le président de la Peep . Finalement, nous avons choisi l’autorité en général afin de ne pas rester cantonné au seul univers scolaire. » Un professeur de français, Laurent Caron, décide alors de  mettre les jeunes à contribution. Il distribue un même questionnaire à des élèves de sixième et troisième pour leur demander ce qu’ils pensent de l’autorité. De quoi nourrir les débats à venir…

Un premier rendez-vous réussi

Mardi 3 juin. Malgré une publicité tardive, les parents sont au rendez-vous. « On a vu les gens entrer, entrer… il n’y avait pas assez de chaises », se souvient Patricia Sorel. En tout, une quarantaine de participants : des  parents, des professeurs et quelques jeunes. « J’ai été agréablement surprise par le nombre de personnes qui se sont déplacées », confie Corinne Queval. Tour à tour, chaque organisateur se présente et donne le ton en livrant sa définition de l’autorité. Fort des questionnaires qu’il a recueillis auprès des élèves, Laurent Caron explique pourquoi l’autorité peut être synonyme d’humiliation pour des collégiens. Une démonstration un brin provocatrice qui stimule les réactions : « Les parents ont pris la parole instinctivement, se réjouit Gilles Telal. À la fin, nous avons eu du mal à clore le débat ! »

Le point de vue des professeurs

Il faut dire que les parents et les enseignants n’ont pas souvent l’occasion de se retrouver ainsi pour discuter à bâtons rompus. Pour une fois, les professeurs peuvent se dégager des situations particulières, ils viennent apporter un autre point de vue : « Ils ont une relation à l’adolescent différente, poursuit la principale Corinne Queval. Par exemple, ils le voient en groupe, ce qui est très important. » Une découverte pour les parents : « C’était génial d’entendre ce qu’ils avaient à dire, affirme Patricia Leininger, la présidente de la FCPE. Un prof qui travaille au collège depuis trente ans a donné son témoignage sur les évolutions qu’il observe chez les élèves au niveau de l’autorité. Ce n’était pas très positif, mais vraiment intéressant. On ne se rend pas compte des difficultés que peuvent rencontrer certains professeurs. » Des témoignages qui humanisent les enseignants quand certaines familles continuent de les considérer comme une caste un peu à part. « Je connais des parents qui osent à peine rencontrer le professeur principal, remarque Corinne Queval. Là, l’apport des professeurs va au-delà du simple professionnel. »

A quand le prochain collège café ?

À la fin de cette réunion conviviale, au moment des rangements, les débats se prolongent en confidences plus informelles. « On a vraiment évolué dans notre façon de voir les choses, affirme Patricia Leininger. Pour ma part, j’ai beaucoup appris des autres parents séparés ou divorcés. Nous avons les mêmes problèmes. » De son côté, Gilles Telal a pioché des idées pour ses sept enfants : « Bien sûr, ce n’est pas une thérapie de groupe, mais on se rend compte qu’on n’est pas seul. J’ai appris à discuter pour expliquer mon point de vue sans aller jusqu’au conflit. » Bilan positif donc pour cette première édition, mais les organisateurs pensent déjà aux prochaines rencontres. Dans l’idéal, il y aura un Collège Café par trimestre. Et le suivant abordera très probablement le thème de la communication et d’Internet.

Une vocation plus large qu’une simple réunion

« Je souhaite longue vie au Collège Café », s’exclame Corinne Queval, qui change d’établissement à la rentrée. Mais elle ajoute un petit bémol… « En fait, les parents qui sont venus sont déjà impliqués dans la vie du collège. Cela ne touche pas les familles les plus éloignées de l’établissement. » Le défi est de taille. Les organisateurs en ont bien conscience. « Le risque est que l’on retrouve toujours les mêmes, avoue Gilles Telal, président de la Peep. La prochaine fois, nous devrons mieux préparer et mieux communiquer. Certaines familles s’excluent d’elles-mêmes, il faut les faire venir au collège. » Il envisage même de travailler avec des associations de quartier pour toucher les parents là où ils se trouvent. Ce sont les enfants de ces familles qui posent le plus de problèmes – discipline, copies blanches, absentéisme… « Les gens ont tendance à penser que, lorsqu’on a un enfant dans une mauvaise classe, il faut le changer d’établissement, observe Patricia Sorel, une des organisatrices. Je crois pour ma part qu’il faut trouver des solutions sur place. » Et cette battante conclut : « Le collège ne peut rien pour ces enfants si les familles ne sont pas derrière. Il y a des parents démissionnaires, mais on n’obtiendra rien d’eux en les bousculant, il faut surtout s’entraider. »

Voilà tout l’esprit du Collège Café.

A vous de jouer : Organisez un Collège Café :

  • Former tout d’abord une solide équipe d’organisation !
  • Convaincre le principal de l’établissement de jouer le jeu.
  • Choisir pour le Collège Café un horaire compatible avec le rythme de travail des parents.
  • Communiquer en amont.
  • Opter toujours pour un thème de discussion fédérateur, qui permette à chacun de s’exprimer.
  • Convier l’ensemble de la communauté éducative.
  • Demander aux participants d’apporter des gâteaux.
  • Respecter les horaires.

Priscille de Lassus

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