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Au cœur du département réputé le plus chaud d’Ile-de-France,il est une troupe qui monte qui monte… Composé d’enfants du cru et dirigé par un pédagogue d’exception, le Créa nous invite dans ses coulisses.
Ce qui frappe d’abord, lorsque l’on assiste à la représentation de l’opéra. Les sales Mômes donné par le centre d’éveil artistique du Créa, c’est le degré d’excellence de cette joyeuse marmaille. Sans compter que dans ce spectacle écrit pour eux, on chante, on danse et on joue. Tout cela à la fois… et à la perfection! Une performance digne de professionnels. Et ce qui fait que l’on retourne une seconde fois à l’espace Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois, côté coulisses cette fois, c’est que l’on apprend au détour d’une conversation que les enfants entrent dans le chœur sans aucune audition. Il faut alors les voir travailler pour comprendre comment un tel exploit est possible. Voyage dans le poumon du «neuf-trois»…
La sélection par la motivation.
18 h 20. Les rangs de la salle de spectacle de l’espace Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois se remplissent. Petits et grands apparaissent de tous côtés. En quelques minutes, les rangs sont pris d’assaut par les sacs à dos remplis de de devoirs à faire, mais qu’importe… Le temps de la séance, c’est à dire deux heures, on oublie tout ! Les enfants enlèvent leurs baskets et se ruent en chaussettes sur « le plateau » ! « Nina, place le pupitre, s’il te plaît ! », «Nathan, tu peux faire l’appel ? »… Les collégiens s’exécutent. Le chef d’orchestre de cette troupe pas comme les autres, c’est Didier Grosjman, le fondateur du Créa. Ce fils d’ouvrier tombé dès son jeune âge dans la marmite des métiers du spectacle cherche avant tout à transmettre l’amour du beau. « Je souhaitais donner à n’importe quel enfant une ouverture à la pratique artistique de haut niveau. J’ai créé ce que j’aurais aimé avoir quand j’étais petit !». Le véritable pari de ce pédagogue hors normes, c’est l’absence de sélection à l’entrée. Audition, sélection… exit ces mots à l’heure de recruter les enfants du chœur. Voix, physique, milieu social : aucun de ces aspects n’entre en ligne de compte au moment de remplir les rangs chaque année. Ce qui fonctionne le mieux, c’est le bouche-à-oreille. « J’ai connu le créa par ma sœur», raconte Daniel, membre de la troupe depuis bientôt trois ans. La motivation en revanche est essentielle. Elle constitue à elle seule un barrage à l’entrée. A raison de trois séances de deux heures par semaine auxquelles s’ajoutent les stages et les représentations… faire partie du Créa n’est pas seulement une activité de plus. Cette exigence conditionne le succès des créations. « Il n’y a pas de sélection, mais il n’y a pas de concession non plus !», prévient Didier Grosjman
Les ateliers: Une école anti-complexes
Mardi soir, 19 h 30. Tous les enfants sont sur le plateau, assis en tailleur autour du maître. Ce dernier attaque la séance en mettant l’eau à la bouche avec le décor du prochain spectacle, transmet quelques informations pratiques sur le stage de vacances… puis passe à la séance de préparation. Détente : tous s’étirent, bâillent bruyamment, se relâchent… A mesure que les mouvements s’enchaînent, les soucis de l’école et de la famille s’éloignent. «Lâchez la mâchoire !» Puis on s’échauffe. Les exercices que tous semblent maîtriser à la perfection se font en rythme. « Écoutez bien, je ne répète pas les consignes !» Les mouvements sont expressifs, les enfants se risquent sans hésiter à des exercices qui feraient honte à d’autres…
52
c’est le nombre de créations d’opéra
du Créa depuis ses débuts en 1997.
Le droit à l’erreur
Dans les exercices, on se trompe et c’est l’occasion pour le prof de reprendre l’explication. Pas de réprimande. Jamais. Au contraire. «En France, on est noté pour la faute», constate Didier Grosjman. «Je préfère personnellement mettre en valeur la faute ! Ce n’est ni grave ni pénalisant de se tromper. Lorsque je sais que je me trompe et que je le dis, le problème est réglé».
Exit l’esprit de compétition
L’exercice d’échauffement est difficile pour le dernier venu de la troupe. Il ne connaît pas tous les mouvements par cœur. «Nathan, tu peux le prendre à part et lui montrer ?» Au Créa, les règles du jeu diffèrent de celles en vigueur dans la vie scolaire. Chaque enfant a un parrain ou une marraine qui le prend en charge dans les moments de difficulté. Ceux qui savent montrent à ceux qui ne savent pas. De quoi couper court à tout esprit de compétition. «On n’est pas là pour battre l’autre mais pour se construire grâce à l’autre », explique le chef. D’ailleurs, c’est ce que Cécile, élève de 3e et inscrite depuis 7 ans au Créa, a apprécié en découvrant la troupe. « A l’école, il n’y a pas cet esprit de groupe », constate-t-elle. « On s’y sent vite jugé, ce qui n’est jamais le cas ici ».
Une forme d’engagement
En 7 ans de Créa, Cécile ne se souvient pas avoir manqué une seule séance «même le jour où je me suis cassé la jambe, j’étais là !», insiste-t-elle. Pour mettre en place un spectacle, et atteindre un niveau professionnel, deux stages sont en outre nécessaires. Une semaine en février et quinze jours en août. «Être membre du Créa est une forme d’engagement», concède Didier Grosjman. «Ici, les jeunes apprennent à s’engager. Combien aujourd’hui ne savent plus s’engager», s’indigne cet ancien enseignant de l’Education nationale. Selon lui, les jeunes sont prêts à y consentir lorsqu’on leur propose un objectif qui est beau !
Un métier à clé !
Que deviennent les anciens du Créa ? Rares sont ceux qui choisissent la voie professionnelle du spectacle… Mais une chose est sûre : tous ont réussi leurs études ! En revanche, beaucoup travaillent dans des métiers axés sur la relation aux autres : ressources humaines, médecine, humanitaire, commerce… se réjouit Didier Grosjman. «J’aurai contribué à faire des gens qui sont ce qu’ils doivent être dans la vie… mais en mieux ! Le Créa est un lieu humaniste où l’on forme de chouettes individus !». On y apprend aussi les bases de la vie en groupe. Pas question sauter de l’estrade, on passe par les escaliers. Dans les stages, ramassage de téléphones portables à 20 heures… «Les enfants ont une liberté totale dans un cadre clairement défini !». Lorsqu’on demande à Cécile ce qu’elle aimerait voler au Créa et l’introduire au collège, la réponse est évidente : « ici, les gens se donnent pour nous…»
Article réalisé par Marie BERNARD