L’école est grande ouverte pour l’été 2020

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À la fois pédagogiques, ludiques et sociales, les Vacances apprenantes sont un socle pour repenser l’école de demain.

Un projet qui tenait à cœur au gouvernement. Dès le 5 juin, le Président de la République, Emmanuel Macron, a dévoilé les dessous du concept de Nation apprenante. Avec au premier chef les Vacances apprenantes, une sorte de TGV estival qui mêle pédagogie, culture et sport, et qui couvre l’ensemble du réseau scolaire français grâce à bon nombre d’écoles restées ouvertes.

Un dispositif destiné à un million d’enfants – pour un budget de 200 millions d’euros –, en vue de leur apporter un bagage à la fois pédagogique, mais aussi social. D’abord, rattraper le retard accumulé par nombre d’enfants durant la période de confinement. Puis stimuler les compétences psychosociales des enfants, les divertir, faire en sorte qu’ils repartent enrichis de cette expérience. D’une pierre deux coups.

Focus rapide sur les dispositifs de l’« École ouverte »

• Ouverture des sites habituels : les écoles, collèges et lycées professionnels sont ouverts afin de proposer aux enfants du renforcement scolaire le matin et des activités culturelles ou sportives l’après-midi. Plus de 400 000 élèves pourront en bénéficier sur tout le territoire, là où l’accès se limitait auparavant aux quartiers prioritaires de la ville.

Ouverture de l’École buissonnière: des milliers d’enfants profitent d’écoles ouvertes à la campagne ou en zone littorale. Un projet qui vise aussi la réconciliation avec la nature et la découverte du patrimoine local. Sans oublier le côté aventurier avec la possibilité de séjourner en mini-camps sous tente.

Ouverture de Colonies apprenantes: les collectivités territoriales s’engagent à ce que 250 000 enfants partent en Colonies de vacances apprenantes, afin de profiter d’activités ludiques et pédagogiques. Avec une participation de l’État à hauteur de 400 euros par jeune et par semaine.

Ouverture d’Accueils de loisirs apprenants : des loisirs spécifiquement conçus et un accueil privilégié à disposition. Avec le soutien de parcours pédagogique du Centre national d’enseignement à distance (Cned), qui propose de son côté trois plates-formes gratuites : ecole.cned.fr, college.cned.fr et lycee.cned.fr. Ces trois plates-formes offrent également un espace dédié aux animateur.rices avec des fiches et des conseils produits par les structures d’éducation populaire pour organiser et animer des séances ludo-éducatives autour de diverses thématiques : le développement durable, les sciences, les médias, la philosophie, les langues étrangères ou encore l’art et la culture… L’heure est venue de renforcer ou d’acquérir de nouvelles compétences. Là encore, une aide ponctuelle – d’environ 30 millions d’euros –, dirigée vers les collectivités territoriales facilite l’ouverture d’accueils de loisirs.

Bien sûr, d’autres projets connaissent un vif succès en cette saison estivale post-confinement. Ce ne sont pas les stages de réussite d’été qui diront le contraire. Depuis 2017, ils concernaient uniquement les élèves de CM2, mais, cette année, l’opération brasse bien plus large : du CP au CM2. Organisés en deux sessions, une en juillet, l’autre avant la rentrée (fin août), ces stages livrent aux enfants un enseignement différencié et adapté à leurs besoins propres, par groupe de 6 ou 7 élèves pour un enseignant. Exit les classes de 30 ! Un accompagnement quasi personnalisé donc. Bien entendu, ce dispositif existe sur la base du volontariat des familles et de la sollicitation des enseignant.es.

Une école restée ouverte pour une rentrée pas comme les autres

On se souviendra longtemps de cette rentrée 2020-2021. Même une école restée ouverte durant l’été peine à combler le défi de la continuité pédagogique pour beaucoup de nos bambins. L’École de la République, comme le précise la nouvelle circulaire de rentrée, parue le 10 juillet, contribuera à l’accomplissement des élèves par l’élévation du niveau général, leur bien-être et la justice sociale. Covid ou pas.

La crise sanitaire a mobilisé bien des énergies en sein de l’Éducation nationale. Avec en filigrane, la volonté de retenir le positif : « La France a eu l’un des plus faibles taux de décrocheur.euses en Europe », a rassuré le ministère de l’Éducation nationale dans la circulaire. Et le dispositif de prérentrée Vacances apprenantes a été très bien accueilli par les parents, perçu comme « l’un des déconfinements scolaires les plus volontaristes ». Une crise qui a aussi marqué les premiers pas de l’enseignement à distance, réalisé par les professeur.es durant plus de deux mois de confinement, et qui a conduit les élèves et les familles à développer d’autres qualités comme l’engagement, l’autonomie et l’usage des outils numériques.

Le numérique, justement. Au Canada, une entreprise de conseil pédagogique, très active, Eko6, l’expérimente. Son créateur, Sébastien Turbot, n’en fait pas l’alpha et l’oméga de l’éducation : « Ce sont des outils dont la place sera certes croissante, nous confirme-t-il, mais le numérique laissera encore un rôle capital aux enseignant.es ». Simplement, cette évolution « amène à repenser ce que doit être un.e professeur.e », pense Sébastien Turbot. Le numérique visera le savoir, les connaissances, pendant que l’enseignant.e accompagnera davantage l’élève dans son développement, comme pourrait le faire un.e « coach personnalisé.e ».

L’objectif prioritaire de la prochaine rentrée demeure clair : établir un cadre serein propice aux apprentissages et à la reprise de la vie collective. Résorber les écarts qui ont pu naître de cette crise sanitaire Sars-CoV-2, identifier les besoins propres à chacun.e et y répondre de manière personnalisée : réponse pédagogique, soutien social, accompagnement psychologique. Sommes-nous si loin de l’école Freinet ?

Les Vacances apprenantes, un concept d’hier pour l’avenir

Car l’École ouverte ne date pas de 2020. Outre la pédagogie de Célestin Freinet des années 1930, encore mise en œuvre, elle existait déjà, mais se destinait à des publics moins larges qu’aujourd’hui. Dans le primaire, seul le cycle trois, donc le CM2, y avait accès. En revanche, l’opération 2020 des Vacances apprenantes décidée par le gouvernement a été bien plus loin et pourrait donner des idées aux défenseurs d’une école différente, d’une école de demain. Le succès de ce dispositif traduit l’entrain d’un certain nombre d’enfants à apprendre en faisant abstraction du cadre traditionnel de l’école. Souvent source d’ennui ou d’angoisse, notre école – telle que nous la connaissons –, ne fait en aucun cas le lien entre apprentissage et plaisir ou entre travail et loisirs.

Dans ce sens, l’une des possibilités serait de réconcilier jeu et pédagogie au sein même de l’école de tous les jours. En avocat convaincu de ce cadre, Sébastien Turbot d’Eko6 affirme que nous « apprenons toutes et tous en jouant, c’est comme cela que l’on grandit, le jeu fait travailler la créativité ». D’ailleurs, c’est cette même créativité qui est tant demandée par les employeur.euses, condamné.es à « récupérer » des jeunes qui manquent de communication, d’imagination et de collaboration lors de leur entrée dans la vie active. L’école se doit de développer ces soft skills, comme tend à le réussir le système anglo-américain, pour que nos élèves-étudiant.es de demain s’adaptent à un monde où nous « exercerons une multitude de métiers » et où « nombre de métiers n’existent pas encore », a souligné Turbot, un des piliers du programme WISE (World Innovation Summit for Education). L’école de demain préparera à l’incertitude. « L’intelligence, ce n’est pas ce que l’on sait, mais ce que l’on fait quand on ne sait pas », ne cessait de répéter Jean Piaget, psychologue et biologiste suisse.

Il faut croire en ce changement profond de notre système éducatif.

Bien sûr, il ne s’agit pas de « repartir de zéro », a ironisé Sébastien Turbot. Mais nous sommes toutes et tous acteur.rices de l’amélioration de l’école. Le ministère, les professeurs et les médias. Mais aussi, et surtout, les parents et les enfants. Appréhender réellement les attentes de nos plus jeunes, qui offrent souvent une vision claire, réaliste et non utopique sur ce qu’ils.elles veulent. Même si ce changement ne se fera pas « sans critique », a estimé Turbot. Ce que nous avons testé de façon exceptionnelle durant l’été pourrait s’installer plus durablement. « Le nouveau chemin » éducatif peut s’appuyer sur ces fondations et bâtir une école apprenante.

Catherine Dunezat et Geoffrey Wetzel

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