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« Nouveau père », un phénomène subi ou choisi ?
L’on a tendance à réduire cette évolution des rôles sociaux à une crise de la masculinité. « Non, on assiste à un processus d’humanisation du masculin », soutient Christine Castelain Meunier. Les hommes s’impliquent dans des affaires plus intimes, comme l’éducation de leurs jeunes enfants : « Ils s’inscrivent dans une logique de compréhension, savoir ce que souhaite ou ce dont a besoin le tout-petit, quand lui donner à boire et à manger, bref tout ce qui relève de l’empathie », nous confie la sociologue. L’empathie, voilà une valeur généralement attribuée aux femmes et aux mères. Alors oui, les nouveaux pères se montrent plus humains et s’écartent doucement des normes de supériorité, de virilité, qui relèvent avant tout de constructions sociales. Les nouveaux pères sont-ils poussés à le devenir ?
Bien sûr, de nouvelles questions se posent pour eux dès lors que leur épouse commence à travailler – la féminisation du salariat, entre autres, est passée par là. Depuis 2002, les jeunes pères ont droit à un congé paternité indemnisé d’une durée maximale de onze jours – c’était jusque-là et depuis 1946 trois jours pour les pères à la naissance de leur enfant. Le congé maternité, lui, a été instauré en… 1909 ! Pour Christine Castelain Meunier, « ces nouveaux pères ont décidé de l’être, surtout chez les jeunes générations, ça fait partie de la conception de la vie. » Les nouveaux pères sont très présents au sein des professions intellectuelles.
Avant tout parce que les conditions sont réunies… « La fatigue physique qui résulte de métiers ultra-pénibles freine forcément la capacité d’un homme, ouvrier par exemple, à s’occuper de ses enfants en rentrant le soir à la maison », rappelle notre experte. Bien sûr, certains pères préfèrent résister à ces transformations, notamment au sein de familles traditionnelles.
Des obstacles subsistent
Et les femmes, comment vivent- elles ces évolutions ? « Certaines incriminent leur mari s’il ne partage pas les tâches éducatives et domestiques, mais, en même temps, elles peuvent avoir le sentiment de perdre leur place, celle qu’elles intériorisent via la puissance des stéréotypes de genre, si moi je ne fais pas ça, vais-je être considérée comme une mauvaise mère ? », illustre Christine Castelain Meunier. Alors parfois, certaines femmes diront de leur mari qu’il a mal fait… « là où le mari se sent moins légitime de remettre en question les actions éducatives opérées par les mères auprès de leurs enfants », remarque la spécialiste des rôles parentaux. L’instinct maternel a encore le dessus sur l’instinct paternel. Parfois, le père reste perçu comme une pièce rapportée quand il s’agit de s’occuper des enfants.
« Je me souviens d’une auxiliaire de puériculture qui s’adressait de la sorte à un papa venu chercher son petit : vous direz à votre femme que… », nous raconte Christine Castelain Meunier. Si ce mouvement des « nouveaux pères » est bien réel, il se confronte, encore aujourd’hui, à de multiples obstacles. Les mots en disent long sur les valeurs et les normes d’une société. Alors « aller à la maternité » ou à « l’école maternelle » ne favorise pas une culture égalitaire entre père et mère dans leurs relations avec nos bambins. L’École a évidemment un rôle à jouer, dès le plus jeune âge – les professeurs ne doivent pas reproduire, ils n’en ont pas toujours conscience, les stéréotypes de genre. Car alors, un traitement différencié entre filles et garçons entraînera des inégalités au lycée, dans l’enseignement supérieur, en entreprise et dans la… vie de parents.
Geoffrey Wetzel