Accueillir un enfant chez soi

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Seconde famille et seconde chance

Quelles sont les possibilités pour accueillir un enfant ou un adolescent chez soi et faire preuve de citoyenneté, d’altruisme ou de solidarité ? Parenthèse vous propose plusieurs options, sans prétendre à l’exhaustivité.

Cultiver un esprit solidaire

Hors des sirènes politiques actuelles et de l’image orientée par nombre de médias, le monde associatif se démène pour accueillir des personnes en situation précaire, par solidarité et par humanisme, et pour la dignité de chacun. Un collectif de bénévoles s’est formé à Aspres-sur-Buëch dans les Hautes-Alpes, par exemple, et accompagne 12 jeunes demandeurs d’asile autant dans leurs démarches que dans leur vie quotidienne. L’association veut s’inscrire comme elle l’écrit « dans la tradition française de fraternité et d’hospitalité, notamment à Aspres-sur-Buëch, qui fut un temps une terre d’accueil pour les réfugiés espagnols, et invite toute personne à venir à la rencontre de ces migrants quittant des pays en ruine, en proie à de l’extrême violence, dans l’espoir de dissiper les peurs et les réticences ». Cet exemple est loin d’être une exception. Il en va de même pour le Cimade situé à Sète, pour le Gamo à Orbe ou encore d’autres associations situées dans la vallée du Grésivaudan, en Isère… Bastien et Myriam sont un couple de quinquagénaires résidant non loin des Alpes dont les enfants sont respectivement en classes de troisième et de terminale. Une association avait fait appel à eux une première fois début 2017 pour accueillir un adolescent d’origine africaine, depuis lors ils multiplient les accueils : « Nous nous sommes convaincus de nous confronter concrètement au quotidien des migrants en proposant notre aide. Depuis nous avons accueilli plusieurs adolescents et des adultes pour des périodes variables. Chaque adolescent est à prendre au cas par cas. Certains s’isolent, ne mangent pas, ne dorment pas. D’autres s’adaptent facilement. Nous essayons de leur donner un but, parfois il s’agit d’une formation, parfois d’un engagement dans une association locale mais ce n’est pas évident car les incertitudes sont nombreuses : ceux qui arrivent après 16 ans ne sont pas sûrs d’être régularisés et le risque de retour au pays couve durant leur séjour. L’intégration peut aussi poser problème en termes de racisme ordinaire pour ces jeunes qui ont cultivé généralement une vision fantasmée du pays. Parfois les différences culturelles sont frappantes et des petits riens du quotidien doivent vite faire l’objet de discussions pédagogiques et d’empathie pour réussir à construire un début de relation. » Toutefois, le jeu humanitaire en vaut la chandelle, si ce n’est pour, a minima, se désaliéner de nos préjugés et de ceux véhiculés par la presse. Marie, 31 ans a ainsi hébergé plusieurs adolescentes et jeunes adultes à Paris, sur des périodes courtes, pour leur permettre de réaliser leurs démarches administratives. « Au-delà de la rencontre humaine riche, l’idée était de sortir de mon nombrilisme, de ne penser qu’à mes proches et ma famille en termes de solidarité. Je voulais être plus altruiste par des actions concrètes », explique la jeune femme. Pascal qui vit également en région parisienne, se remémore aujourd’hui son adolescence passée avec une « migrante » : « Elle avait fui la guerre et n’avait plus de famille. Elle avait vécu l’horreur en Afrique et est arrivée chez nous adolescente. J’ai grandi avec elle presque pendant dix ans. Aujourd’hui, même si les séquelles ne disparaissent jamais définitivement, elle s’est reconstruite. Je la considère comme ma sœur de cœur avec qui j’ai grandi. »

Devenir famille d’accueil via l’ASE

Hospitalisation longue des parents, sécurité des enfants, manque de ressources du foyer… D’autres dispositifs permettent d’accueillir un enfant ou un adolescent pour pallier ces problèmes. L’accueil provisoire d’un adolescent via les dispositifs mis en place par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) fait partie du champ des possibles. Deux profils sont alors concernés. Soit il s’agit de mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel modulable selon leurs besoins. Soit il s’agit d’enfants ou d’adolescents rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement spécialisé. Cet accueil provisoire peut se justifier par la nécessité d’éloigner temporairement l’enfant de son cadre familial, ou peut être dû à une absence temporaire pour toute raison (hospitalisation des parents, etc.). Toutefois il faut prendre conscience qu’accueillir un adolescent via le dispositif de l’ASE confère toujours des droits aux parents pendant la période d’accueil provisoire.

L’échange multiculturel : l’accueil d’étudiants étrangers

Micheline Trilles, responsable accueil de Poitou-Charente à l’AFS Vivre sans frontières, bénévole depuis 2002 et famille d’accueil, introduit : « La première démarche est de consulter notre site qui renvoie les visiteurs vers nos bénévoles locaux. Ensuite une prise de contact est effectuée. Nous rencontrons généralement les parents à deux pour partager leur souhait d’accueillir et savoir si la famille partage les valeurs d’AFS, de paix et d’interculturel. Nous questionnons également les parents sur le profil du jeune souhaité et nous prenons le temps de dissiper toutes les interrogations notamment en termes de responsabilité civile, d’assurance maladie ou encore de scolarité. Nous proposons ensuite des candidats. » Les jeunes viennent du monde entier et son âgés entre 15 et 18 ans. D’autres organismes proposent également d’accueillir un jeune, tels ceux spécialisés dans les séjours linguistiques. Les périodes d’accueil varient d’un mois à une année scolaire. Pour AFS, les programmes sont plus ou moins longs. « Notre programme phare est celui qui dure toute l’année scolaire. Il existe aussi le programme d’une durée d’un semestre de septembre à fin janvier. De même avec le programme trimestre. Il y a aussi les programmes deux mois qui concernent les jeunes de l’hémisphère sud alors en vacances à ce moment de l’année, pendant les mois de décembre et janvier », détaille Micheline Trilles.

Quelles conditions remplir pour devenir famille d’accueil ? « C’est avant tout une question d’envie, celle de réaliser le rêve d’un jeune, celle de connaître quelqu’un de différent, de vouloir ouvrir sa porte. La France est très demandée. Notre association a accueilli 438 jeunes pour l’année 2018, et les profils sont nombreux. Il peut s’agir de retraités, de parents actifs voire de familles monoparentales ou recomposées », précise la bénévole de l’AFS.

Sachez également que la pratique de l’anglais est un atout mais elle n’est pas obligatoire pour devenir une famille d’accueil car l’étudiant qui vient séjourner en France souhaite l’immersion et pratique notre belle langue. « Tout dépend du jeune et de ses efforts pour progresser. Généralement, un jeune parle correctement le français au moment de Noël lorsqu’il arrive en septembre. La langue n’est pas une barrière car ils sont en immersion totale et apprennent vite. Certains jeunes sont également inscrits en terminale et à ce titre passent le baccalauréat. Et nous sommes fiers de constater des réussites avec mention », continue Micheline Trilles.

Vous l’aurez compris. Cette dernière option est peut-être la plus « simple » et la moins engageante à condition de s’ouvrir à l’altérité et transmettre des valeurs de paix et de tolérance. Mais les galères existent : « Certains jeunes ne fonctionnent pas comme le font les enfants du reste du foyer. J’ai en mémoire l’expérience d’un jeune Américain qui vivait avec deux mamans. Il avait 18 ans, il était très indépendant et il s’est retrouvé avec une famille avec un père autoritaire. Il ne l’a pas accepté. Il a dû changer de famille. Cela s’est bien terminé car il s’est épanoui dans une autre famille, mais il faut avoir en tête que des résistances existent et que le bien-être de l’étudiant doit prévaloir, termine la bénévole qui est également grand-mère AFS. Nous suivons toujours les étudiants après leur expérience en France. Et nous sommes heureux de participer aux grands moments de leur vie d’adulte. Il arrive que nous soyons invités à des mariages d’anciens jeunes AFS. Et cela marche dans les deux sens. Mon fils est parti avec AFS quand il avait 17 ans en Australie. Nous sommes restés en contact avec sa famille d’accueil. Dix ans après il y est retourné. Et 20 ans après également pour présenter ses enfants. Cela a permis à mes petits enfants d’aller chez leur grand-mère AFS. »

Geoffroy Framery

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