Blue Whale Challenge, un nouveau phénomène de la Toile qui pousse les ados jusqu’au suicide

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Depuis quelques semaines, un jeu sinistre qui consiste à entrer dans une spirale de 50 défis dont le dernier est le suicide, est arrivé en France. La communauté éducative est en alerte.

C’est un phénomène du Web qui inquiète de plus en plus les autorités françaises. Le Blue Whale Challenge (le challenge de la baleine bleue) tire son nom d’un mythe, selon lequel les baleines qui s’échouent sur les plages seraient suicidaires. Malgré un joli nom et une légende mystérieuse, il s’agit d’un « jeu » morbide né sur le réseau social russe VK (équivalent de Facebook). Constitué d’une cinquantaine de défis à relever en 50 jours, il pousse des jeunes de 12-15 ans au suicide. Contrairement à la Russie où il y a eu 15 morts et beaucoup de tentatives de suicide, il n’y a eu aucune mort liée à ce « jeu » en France. Cependant, à ce jour, le corps sanitaire et éducatif constate une multiplication préoccupante du nombre de jeunes qui se disent concernés.

L’emprise machiavélique des « tuteurs »

« Ce « jeu » touche principalement les adolescents fragiles qui pensent à mettre fin à leurs jours. Ils sont notamment intéressés par le côté scénarisé du Blue Whale Challenge. Il leur permet aussi de se décharger de la prise de décision car tous les défis sont dictés par une personne qui se fait appeler «tuteur» ou «parrain». Celle-ci va nouer un lien avec le participant et lui imposer des défis allant crescendo : du « Lève-toi à 4h20 du mat » et « regarde des vidéos effrayantes [musiques tristes, rituels, NDLR] » au « assis-toi sur le bord d’un toit avec les jambes dans le vide », « scarifie «whale» sur ta main » ou « rends-toi sur une grue » », explique Justine Atlan, directrice de l’association E-Enfance, qui lutte contre les cyberviolences faites aux enfants.

« D’autres vont jouer à ce «jeu» pour attirer l’attention de leur entourage sur leur mal-être ou encore pour sentir des émotions fortes », souligne-t-elle. Le seul hic, le « tuteur » qui veille à la bonne exécution de tous les défis imposés ne veut pas lâcher sa proie une fois que celle-ci a compris que sa vie est en danger. « Nous avons eu des appels sur notre numéro vert de la part des adolescents qui voulaient arrêter de jouer mais ils ne savaient pas comment. Le «parrain», qui avait leurs mail et numéro de téléphone, les faisait chanter en disant qu’il allait les retrouver, faire du mal à leurs proches, tuer leur chien, etc. », raconte Justine Atlan. Elle indique cependant que les adolescents n’ont pas à avoir peur car « il n’y a jamais eu de mise à exécution de menaces ». Les « parrains » veulent juste garder leur victime en otage et sous leur emprise.

Les autorités s’inquiètent

Face à ce fléau, les autorités ont réagi. La Gendarmerie nationale a publié un communiqué sur son site officiel. « Aucun défi ne mérite de risquer sa vie ! Jeux dangereux : en parler c’est déjà lutter », écrivent les forces de l’ordre, rappelant que « la provocation au suicide est punie par la loi de cinq ans de prison et 75000 euros d’amende ». De plus, un système a été mis en place pour que certains mots-clés ayant un lien avec ce « jeu  » redirigent la personne vers une association anti-suicide. Il est également conseillé de communiquer toutes les données du « parrain » à la police afin qu’elle puisse l’arrêter.

De son côté, le ministère de l’Education a appelé « tous les membres de la communauté éducative » à « adopter la plus grande vigilance face » au Blue Whale Challenge. « Ces jeux dangereux qui se viralisent sur les réseaux sociaux peuvent être l’occasion d’une réflexion au cours des actions éducatives menées en CESC (Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté) notamment pour l’usage du Net responsable », écrit le Ministère sur la plateforme Eduscol. Un numéro vert a également été mis en place (0800 200 000). Il permet de témoigner du harcèlement sur Internet, de façon gratuite et confidentielle.

Vigilance et conseils

Certes, le fait que les autorités françaises se soucient du bien-être des enfants est une chose rassurante pour les parents. Toutefois, ils doivent aussi rester vigilants. Les enfants qui ont découvert ce « jeu » absurde par le biais des médias peuvent aussi se poser des questions. Justine Atlan conseille donc de demander aux enfants ce qu’ils en pensent. « Observez la façon dont ils vous parlent de ce «jeu». Vous saurez ainsi s’ils l’ont déjà essayé. Il est aussi possible d’aller voir ensemble ce que disent les médias, psychologues et associations pour que l’enfant ne soit pas tenté de tester quelques défis », préconise Justine Atlan.

Si les propos de votre progéniture ne vous ont pas convaincu, il faut s’assurer qu’il va bien. « Un enfant qui va mal a tendance à s’isoler, se renfermer, être discret. Mais cela n’arrive pas d’un coup », rassure Thomas Rohmer, président de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Onep). Un changement de comportement et des activités inhabituelles comme des réveils nocturnes doivent aussi alerter les parents. En ce qui concerne les signes visibles, le dessin d’une baleine doit mettre autant la puce à l’oreille que des scarifications sur le corps. Il ne faut pas négliger la veille des réseaux sociaux. Si vous voyez des messages accompagnés des hashtags associés comme #baleinebleue, #baleinedemer, #bluewhale, prévenez tout de suite les autorités via le site Pharos, portail officiel des contenus illicites de l’Internet.

Si par malheur votre enfant a été pris dans cette spirale dangereuse, « confisquez son téléphone portable et son ordinateur », recommande Justine Atlan. « Parlez-lui, dites-lui que vous voyez maintenant qu’il va mal, que vous allez l’aider. Faites-lui comprendre qu’il compte pour vous. Puis, amenez-le d’urgence voir un psychologue. Il serait une erreur de croire qu’il s’agit juste d’un chagrin d’enfant. Il est important que vous soyez aux côtés de votre enfant. Il faut recréer des liens avec lui, notamment par le biais d’activités communes, et montrer qu’il compte pour vous », conseille Justine Atlan.

Anna Ashkova

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