Temps de lecture estimé : 4 minutes
Dans le sillage des mangas ont débarqué la mode « kawai », les cosplays, la J-pop (comprenez de la pop japonaise) et autres animés. Doit-on craindre l’abrutissement d’une génération surexposée à ces produits de consommation ?
Les lectures obligées de la cour d’école
La lecture des mangas est un passage obligé, quand on sait qu’un album de BD vendu sur trois est un manga. Ils touchent surtout les ados. D’après une étude du ministère de la culture de 2012, ils sont 59% des lecteurs de bandes dessinées de 11-14 ans à avoir lu au moins un manga au cours des 12 derniers mois, contre 14% des 40/49 ans. Attention, garçons et filles ne lisent surtout pas le même genre de mangas ! L’édition du manga est très diversifiée, du plus commercial au plus élaboré, et cible différents types de lecteurs. Petite classification pour s’y retrouver.
Le shonen (« jeune garçon » en japonais), le manga, d’aventure, pour les 8/16ans En tête de toutes les ventes BD confondues, Naruto est l’archétype du shonen. Chaque nouveau tome de cette série se vend à plus de 250 000 exemplaires à sa sortie, soit un tome de Naruto acheté toutes les 18 secondes ! Après neuf ans de publication, et 54 tomes parus, le phénomène ne s’essouffle pas, et se décline sous de nombreuses formes : dessin animé, album papier, figurines, cartes à collectionner.
L’histoire : Naruto raconte l’histoire d’un jeune orphelin, Naruto Uzumaki, qui suit un entraînement pour devenir « maître hokage », la plus haute classe de l’ordre ninja. Garçon hyperactif au caractère facétieux, il va passer des épreuves pour obtenir son diplôme, et devra résoudre le mystère qui entoure sa naissance. La série raconte ses aventures, avec ses amis Horuna et Uchiwa, apprentis ninja eux aussi.
Notre avis : De l’humour, de l’action, un jeune héros un peu énervant. Pas de grande qualité littéraire, mais la lecture reste innocente. Dans le même genre : Bleach, One Piece, GTO, Yu Gi Oh !
Le shojo (« jeune fille » en japonais), manga sentimental. L’exemple type est Fruits Basket. Achevée en 2007 après cinq ans de parution et 23 tomes, la série est une référence chez les adolescentes.
L’histoire : Tohru Honda, lycéenne de 15 ans qui vit seule depuis la mort de sa mère, découvre que ses voisins ont un terrible secret : les douze membres de la famille sont victimes de la malédiction des signes du zodiaque chinois. Chaque fois qu’une personne du sexe opposé les touche, ils se transforment en animal. Les circonstances vont amener Tohru à aller vivre chez eux, et à se lier d’amitié avec les deux garçons de sa famille, qui fréquentent le même lycée qu’elle…
Notre avis : La malédiction sert de prétexte à une fable sur la différence. Très sentimentale, la série aborde aussi avec humour les difficultés de l’adolescence. Là encore, une lecture somme toute innofensive.
Dans le même style : Love Hina, Nana, Card Captor Sakura, Sailor Moon.
Le seinen (manga d’auteur à destination des grands ados/jeunes adultes)
Avec des thématiques plus sociales et des intrigues plus développées, ils peuvent décrire un univers sombre, qui ressemble au nôtre.
L’histoire : Vos ados connaissent sûrement déjà Monster, gros succès de librairie racontant l’histoire d’un chirurgien qui traque un adolescent tueur en série dans l’Allemagne du temps de la réunification.
Notre avis : Une histoire sombre, assez violente, où la psychologie des personnages est mise en valeur. À ne pas mettre entre les mains des plus jeunes.
Dans le même style : Akira, 20th Century Boy, L’habitant de l’infini, Ghost in the Shell
Mais pourquoi aiment-ils tellement ça ?
Les lecteurs français sont, après les Japonais, les premiers lecteurs de mangas dans le monde, preuve que la nouvelle génération se retrouve plus dans la bande dessinée japonaise, et ses émules coréens et chinois que dans la BD franco-belge traditionelle. Les raisons de ce penchant sont doubles. Identification, d’une part ; divertissement de l’autre.
Identification tout d’abord. Les codes du manga sont adaptés à leurs goûts et leurs attentes, avec des héros dont l’âge oscille entre 14 et 17 ans. De nombreux mangas ont pour cadre la famille ou le lycée. Même dans un univers fantastique, les situations ou les dialogues ramènent le lecteur à la vie quotidienne. Par exemple, le magicien aura des devoirs à faire, le pirate des corvées, etc. Les héros sont souvent des personnages d’orphelins courageux, parfois dotés de pouvoirs magiques, qui essayent de s’en sortir.
Divertissement ensuite. Les mangas sont faciles à lire, avec une place importante laissée aux images, des tomes courts qui sont dévorés en un quart d’heure, du suspense en attendant le tome suivant. Mais plus que tout, les mangas amusent beaucoup les ados. Quelques ressorts comiques efficaces sur les jeunes reviennent de façon récurrente : des antihéros dans des situations improbables, des relations garçons filles maladroites. Dans Love Hina, le héros, un adolescent faible et naïf qui possède une pension de famille, passe son temps à surprendre les héroïnes quand elles sortent des bains, et se fait systématiquement frapper par ces demoiselles.
Attention aux dérives !
Le coût.
Les éditeurs de manga bombardent de produits dérivés les adolescents. Sachant que les séries comptent parfois jusqu’à 50 tomes, avec des fourchettes de prix allant de 5 à 15 euros chacun, le budget des ados explose vite ! Heureusement, ils ont leurs tactiques. Echange entre copains, visionnages des séries télé, manga-cafés où l’on peut accéder à une bibliothèque.
L’effet de mode autour des mangas est savamment entretenu par l’industrie du secteur. Acheter les albums ne suffit pas. Il leur faut tous les produits dérivés : posters, cartables, trousses, porte-clefs, …
Entre deux mangas, votre ado a ainsi la possibilité d’acheter le jeu vidéo (aujourd’hui, plus de 300 jeux sont tirés de mangas), le CD du groupe qui a interprété la musique du générique, le DVD, etc.
La « Japamania ».
J-pop, J-rock, Visual Kei, tous ces noms ne vous disent rien ? Pourtant vos ados écoutent peut-être ces groupes japonais au look gothique très excentrique. D’ailleurs, vous l’aurez peut-être remarqué, certains ados, surtout les filles, cultivent un look un peu spécial, qu’ils appellent « kawai » ou « gothic-lolita » : couleur de cheveux surprenante, maquillage sombre, robes bouffantes, dentelles, vêtements rouges ou noirs, accessoires étranges comme des serre-têtes à oreilles de chat… Un look excessif souvent en hommage à leur héros/héroïne préféré(e).
Une grande mode sur internet, encore une fois chez les filles, consiste à écrire des « fanfictions » pour les partager sur des blogs spécialement consacrés aux mangas. Reprenant des personnages de mangas qu’elles connaissent, elles écrivent leurs propres histoires. Les garçons préfèreront jouer en ligne à des RPG (role-playing game), des jeux-vidéos dans lesquels il faut interpréter un personnage.
Une preuve de créativité ?
Article réalisé par Cecile Pollart