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En décrétant la tolérance zéro contre le racisme, Christophe Castaner ne résout rien. Il le sait et nous aussi.
Nous avons un ministre de l’Intérieur ! Nous avions failli l’oublier. Christophe Castaner, seul face aux journalistes, doit à un flic raciste américain et meurtrier de sortir du bois. Lui que l’on n’entendait pas, comme si l’encadrement policier du confinement ne le concernait pas, se retrouve au cœur d’une actualité abominable, tenu de réformer à la marge des interventions policières qui aboutissent à mort d’homme. Bien pire : à mort d’homme noir, comme ce fut le cas pour Cédric Chouviat en janvier 2020, ce livreur interpellé pour une petite collection d’infractions.
Plaqué au sol pour s’être opposé aux forces de l’ordre, et alors qu’il montre des signes d’épuisement, il meurt 48 heures plus tard l’intervention par hypoxie. Que le malheureux livreur ait, ou non, provoqué les policiers, il ne devait pas mourir, ne serait-ce qu’au nom de la proportionnalité de la riposte : aucune insulte, aucun geste ne doit aboutir à la mort.
La tolérance zéro contre le racisme au sein des forces de l’ordre décrété par le ministre rejoint forcément l’arsenal des paroles fortes qui ne se traduisent pas par des mesures réelles, des solutions concrètes. Le racisme relève par essence de la tolérance zéro, faut-il le décréter ? Que l’étranglement soit désormais interdit semble relever du simple bon sens. Or les syndicats de police invités à commenter la mesure hurlent qu’il s’agit de la seule méthode possible pour maîtriser un individu qui ne se laisse pas faire. À l’évidence, personne n’apprendra aux policiers et aux gendarmes ces techniques d’art martial apparemment si efficaces au cinéma ! Christophe Castaner a échappé curieusement à la crise sanitaire, il n’échappera pas à la crise de la suspicion qui frappe, à échelle mondiale, depuis le décès de George Floyd, les interventions policières abusives. Tenu de défendre la police – un syndicaliste d’Alliance le lui a rappelé aussitôt –, contraint de dénoncer les attitudes racistes dans une institution sans doute en sa grande majorité composée d’hommes et de femmes incapables de tuer pour une simple infraction, le ministre de l’Intérieur reste en France un sacrifié de la République : soit il incarne une autorité qui, tel 007, a le droit de tuer, soit il est le garant de la vie de citoyens vulnérables que leur couleur ou leur rébellion exposent à une mort inacceptable. À vrai dire, un ministre de l’Intérieur ne devrait pas s’exposer à pareil déchirement : il n’est pas le protecteur d’une police criminelle. Il est le garant de la sécurité et de la lutte contre toute délinquance. Y compris la délinquance policière, d’autant plus insupportable qu’elle se montre, grâce au Ciel, tout à fait minoritaire.
Olivier Magnan, rédacteur en chef