L’amour expliqué aux enfants

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L’amour… Au fond, l’enfant n’a besoin d’« explication » que parce que les adultes ne savent guère en parler. Ni sur le plan émotionnel ni dans sa dimension physique-sexuelle. Alors l’école ? L’éducation sexuelle fait bel et bien partie des enseignements obligatoires : « L’éducation à la sexualité », circulaire n° 2018-111 du 12 septembre 2018. Brrr… Alors force nous est d’explorer l’amour expliqué aux enfants sous ses deux formes d’« éducation », la scolaire et la familiale. C’est un très beau sujet, sans masque, sans maladie, sans complexe.

L’éducation sexuelle à l’école fait partie des enseignements obligatoires.

Elle n’a été rendue obligatoire qu’en 1998 (un autre siècle !) par… Ségolène Royal, alors ministre de la Famille. Dès le primaire, tous les enfants de France sont censés, depuis 2001, bénéficier de trois séquences annuelles d’éducation sexuelle. Marlène Schiappa, Secrétaire d’État à l’égalité entre les hommes et les femmes, a infléchi l’intitulé en joignant la notion d’éducation à l’affectivité : ce sont donc bien « trois séances d’éducation à la vie sexuelle et affective » sur lesquelles repose, actuellement, le bien-être amoureux futur des enfants de France ! La plupart du temps, ces séances s’organisent sous forme de débats, au fil des questions posées par les enfants. Pourquoi si peu de temps consacré ? Pourquoi si peu de cadres, finalement ?

Alors qu’elle est obligatoire en Suède depuis 1955 ! Alors qu’en Suisse les cours s’adressent aux enfants dès 7 ans et se déroulent en présence des parents pour les premières séances.

LE CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

L’éducation sexuelle à l’école vise l’apprentissage d’un comportement responsable. De quoi s’agit-il ? D’abord, on identifie les dimensions de la sexualité : biologique, affective, culturelle, éthique, sociale, juridique. On met à disposition les ressources spécifiques d’information, d’aide et de soutien à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement scolaire. L’objectif est d’organiser une prévention, une réduction des risques : grossesses précoces non désirées, mariages forcés, infections sexuellement transmissibles (IST), VIH/sida, lutte contre les comportements homophobes, sexistes et contre les violences sexuelles, promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et prévention de violences et cyberviolences sexistes et sexuelles.

  • À l’école primaire, les temps consacrés à l’éducation à la sexualité incombent au professeur des écoles en charge de tous les enseignements au sein de la classe, à charge pour lui·elle de l’intégrer aux autres enseignements. Médecin et infirmières scolaires peuvent intervenir auprès de la classe.
  • Au collège et au lycée, au moins trois séances annuelles d’éducation. Elles relient et complètent les enseignements dispensés en cours (biologie par exemple mais aussi philosophie). Ces séances sont organisées par une équipe de personnels volontaires et formés (professeurs, conseillers principaux d’éducation, infirmiers, etc.), le cas échéant en lien avec des partenaires extérieurs qui disposent d’un agrément national ou académique. Elles entrent souvent dans le cadre des enseignements de sciences de la vie et de la Terre (SVT), dans celui des séances annuelles d’éducation à la sexualité, au gré des actions éducatives. Et puis l’école facilite l’accès des lycéens aux moyens de protection (tous les lycées sont équipés d’au moins un distributeur automatique de préservatifs).

La contraception d’urgence : un protocole détermine les modalités d’administration de la contraception d’urgence, non soumise à prescription obligatoire ni à autorisation parentale, et précise les dispositions à respecter, notamment, le respect de la confidentialité, la technique de conduite d’un entretien avec l’élève, l’accompagnement et le suivi de l’élève.

La prévention des violences sexuelles : il s’agit de repérer les enfants ou les adolescent·es victimes de violences sexuelles, notamment au cours des visites médicales et de dépistage. Tous les personnels de l’éducation nationale ont l’obligation de porter secours et de signaler la situation au procureur de la République. Les psychologues de l’EN sont en première ligne auprès des enseignants, qui, souvent sont les premiers à identifier les signes chez un enfant ou un adolescent. Au moins une séance annuelle d’information et de sensibilisation sur l’enfance maltraitée, notamment sur les violences intrafamiliales à caractère sexuel, est inscrite dans l’emploi du temps des écoliers, collégiens et lycéens.

La lutte contre la pédophilie et l’exposition des mineurs aux images pornographiques s’inscrit également dans la politique de protection. Les établissements scolaires installent un dispositif de filtrage afin de sélectionner ou de contrôler l’information mise à disposition des élèves. Ils sensibilisent les élèves aux usages d’Internet et à ses risques.

L’amour expliqué en famille : l’explication se vit au quotidien

L’amour se vit en premier lieu en famille (amour, amour maternel paternel et fraternel, amour des grands-parents, amour des animaux familiaux). C’est au cœur de la cellule familiale et au sein du couple parental que les enfants recueillent, en premier lieu, premiers indices implicites et premières informations explicites au sujet de l’amour, énigme universelle.

L’AMOUR À FLEUR DE PEAU

Le nouveau-né reçoit déjà de l’amour dès la… salle de naissance. Un premier bain d’amour. Bain multisensoriel.

L’amour maternel, dans le cocon de la grossesse, faisait déjà la part belle à l’interface tactile que constitue la peau. Expérience palpable, englobante, massante. Le toucher, en salle de naissance, prend le relais de l’utérus. Le toucher devient relationnel et non plus simple contenance. Le toucher, en lien avec les autres sens, mais en maître de cérémonie, mais avec, aussi, le goût du premier lait, avec l’ouïe et l’afflux des voix sans le filtre aquatique du liquide amniotique, le toucher, donc, commence à tracer la première ligne de vie, notamment amoureuse. C’est la première empreinte de la constitution psychique.

L’amour paternel et maternel, au fil délicat des premiers contacts, des premières caresses des premiers souffles sur la peau trace l’expression du premier attachement. « Ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau », écrit Paul Valéry. La technique du peau à peau : bébé est déposé sur le buste nu de sa maman (ou de son papa après une césarienne). Le contact favorise la cohérence cardiaque, régule la température corporelle, la glycémie se stabilise et l’accès au sommeil est favorisé. Et… vous avez déjà presque tout transmis… Alors chers parents ne soyez pas outre mesure inquiets des quelques thématiques restantes qui vont être abordées de manière consécutive : ce ne sont, en quelque, sorte que des questions subsidiaires !

UN FESTIVAL DE QUESTIONS

Oui c’est vrai… « Ils·elles » vont vouloir tout savoir sur la petite graine. Tout savoir sur la vie minuscule des spermatozoïdes, sur le ventre de la fée (maman). Par où il sort, finalement, le facétieux bébé, par le nombril peut-être ? Ou bien, peut-être, ne voudront-ils·elles pas entendre, parfois. Tout sera, c’est vrai, question de contexte et de moment. Le bon, si possible. Tout sera surprise. Même si le sujet est connu et commun, en contexte et situation familiale il surprend toujours. Car répondre aux existentielles questions suscitées par l’amour et la sexualité requiert le filtre créatif de celui qui justement fournit les réponses en contexte.

Ce seront des questions parfois techniques qui vous attendront.

Ce seront, aussi, des questions quasi philosophiques, sur le sentiment amoureux. Commençons côté philo.

LA NUDITÉ INQUIÈTE À L’ADOLESCENCE

Dans une société où la beauté et l’image règnent en maître, l’apparence est centrale à l’adolescence. La dictature du beau fait douter les jeunes gens, déjà fébriles sur le sujet de leurs autoperceptions et de leurs autoévaluations. Alors, quand il est question de séduire avec ce corps, parfois détesté à l’adolescence…

Freud, dans son essai L’inquiétante étrangeté (Das Unheimliche), publié en 1919, analyse la désorganisation subite des repères fiables de l’enfance, lorsque le jeune passe le gué de puberté. Tout ce qui arrive et qui devient en soi, est étranger à soi. Ainsi en va-t-il du corps et de l’amour. François Dolto décrivait la crise d’adolescence par le complexe du homard. Le homard aux prises avec le processus de sa mue se retrouve un temps dépourvu de la carapace qui le protégeait. Pour les adolescent·es, c’est un peu la même chose. Panique à bord et sur tous les fronts, acné comprise.

Concrètement, la chasse aux poils est ouverte. Dans les films, les sexes sont épilés. Dur moment de confrontation, difficile parfois pour l’ado d’accepter son nouveau corps, puis viendra le temps de l’acceptation raisonnable, au fil du temps. Et des expériences. On observera un repli sur soi et des jugements autodévalorisants. Que faire ? Valoriser l’adolescent·e avec tact et légèreté et… ne pas se dévaloriser soi-même, dans ses propos comme dans ses postures, en tant que personne et parent, ni physiquement ni intellectuellement. Si l’on rajoute pour les garçons la question de la forme et du calibre, le mur de la honte n’est parfois pas facile à franchir… Sans amour, sans l’amour de soi et sans l’amour de l’autre, c’est un véritable et périlleux challenge. À ne surtout pas forcer.

D’où l’idée de « renforcer » chez l’adolescent d’abord, l’amour de soi et l’accueil de l’autre dans les attitudes de la vie courante.

OSER L’AMOUR À L’ADOLESCENCE

Comment utiliser ce stress, cette peur du refus paralysant ? Un non, un refus, essuyés lors d’une proposition amoureuse, lors d’une offre d’amour, doivent être identifiés comme une expérience et non comme un rejet. On gère le stress en l’accueillant comme tel en soi, en le reconnaissant, en le nommant et en faisant la paix avec cette idée : oui, je suis stressé·e, et je vais utiliser ce stress de manière positive en le rendant moteur d’une attitude de franchise vers l’autre. Diriger son attention sur l’autre, c’est s’ouvrir à la relation. Et quitter l’enfermement sur soi, sur ses propres peurs et limites. Jetons-nous à l’eau si nous voulons nager…

À expliquer : l’autre n’ose peut-être pas ? Être vrai, c’est être en amour. Personne ne pourrait aimer un masque. Dévoiler notre visage est la seule voie possible vers l’amour. Aimer n’est pas séduire.

COMMENT SAIT-ON QUE L’ON EST AMOUREUX ?

Très simplement… on le sait. Notre désir est d’être auprès de l’autre. Nous pensons y pensons tout le temps. Nous sommes bien ensemble. Le visage, la voix, le regard de l’autre nous sont nécessaires et nous les recherchons, dans la réalité, comme en pensée.

L’idée de l’autre suffit à nous mettre des papillons dans le ventre et autres petits frissons d’espoir et de joie, et notre cœur bat très fort. L’amour attire réciproquement l’un vers l’autre. Et surtout on est heureux ensemble.

Les trois conditions de l’amour expliquées aux adolescents

1 L’amour émotion : c’est cœur qui bat la chamade, le coup de foudre. Ce que nous ressentons, c’est une émotion d’amour. En quelque sorte, un branle-bas de combat physiologique, des émotions fantastiques et fulgurantes… Mais quid du devenir de telles émotions ?

2 Le sentiment d’amour : le sentiment d’amour est le lien que deux personnes créent et inventent ensemble pour établir une relation durable, nourrie tout au long de la relation d’un flux entretenu d’émotions d’amour.

3 La relation d’amour : c’est la construction élaborée par le couple qui lui permet de rendre l’amour vivant au quotidien et dans la durée, développer une intimité amoureuse fiable et viable, une intelligence intime, un attachement sécurisant. Rien à voir avec l’avenir incertain d’une illusion fugace. Mais tout à voir avec un format de configuration. Configuration de la confiance et de la communication communes, de l’attention partagée à l’autre et à soi même, un mode de connexion éprouvée et approuvée par les deux protagonistes du couple. Toutes compétences nécessaires à la production d’émotions amoureuses et d’une sexualité clairement exprimée, dans un cercle vertueux qui va des émotions d’amour toujours présentes à la relation d’amour construite.

Tout parent qui souhaite échanger favorablement avec son adolescent·e le fera de manière plus aisée s’il dispose pour lui-même de ce schéma clair des trois conditions de l’amour.

L’adolescent sera souvent submergé par la première des conditions : l’émotion d’amour souvent accompagnée du ressenti (parfois persécutif) de la tension sexuelle. La surcharge émotionnelle et pulsionnelle (l’ado y pense tout le temps, les images trop sexualisées de l’amour surabondantes participent à la constitution d’une overdose souvent quotidienne). Les pensées émotionnelles et sexuellement chargées font monter l’excitation, ce qui est classique : le problème est peut-être qu’elles la maintiennent excessivement. Entre porno dépendance et masturbation excessive, les adolescents filles et garçons sont confronté·es aux difficultés d’intégration de la pulsion sexuelle. Le plaisir libéré de la compulsion, la consommation d’images libérée de l’addiction sont des objectifs parfois difficiles à atteindre.

Pour l’adolescent, disposer d’un parent bienveillant, présent et non intrusif s’avère une ressource et un réel recours face aux difficultés émergentes liées à la découverte de l’amour et de la sexualité. Pour préserver de manière rassurante le jeune de la culpabilisation face au plaisir autoérotique. Il constitue un premier abord incontournable de la connaissance de soi, du corps, des zones érogènes, ainsi que du plaisir à apprivoiser. Intimité et sensualité personnelles ne veulent pas dire honte et culpabilité. Apprivoiser et accepter, reconnaître sans dégoût ni jugement ses propres sensations, en pleine conscience, avec respect de soi-même et de ses sensations demandent sinon une autorisation, du moins une reconnaissance de cette pratique autoérotique comme universelle. Apporter cet éclairage extérieur sera protecteur contre la sensation de nécessité impérieuse et la tension sexuelle parfois quasi permanente, du moins très envahissante, qui semble devoir prendre le dessus sur tout. Aller pour l’adolescent à la rencontre de soi-même, sans pornographie obligatoire, en dénouant le nœud d’angoisse implicitement sous jacent n’est pas un chemin facile. Un parent bienveillant aidera l’adolescent débordé à organiser l’énergie pulsionnelle, par sa seule présence accordée à l’enfant, sur bien d’autres plans, et de manière globale. Sentir une présence psychique est un appui pour l’adolescent·e. Ce peut être également en termes d’accès aux informations, de manière générale, directement ou indirectement.

LES AUTRES QUESTIONNEMENTS PLUS « TECHNIQUES ».

Pour les jeunes adolescentes, les questionnements tourneront autour de la survenue et du rôle des règles, plus crûment : mais, que vient faire ce sang entre mes jambes ? Pourquoi ça fait mal (réactivité musculaire utérine à type de contraction) et pourquoi ça revient, et si non, pourquoi ? Suis-je enceinte ? Le cycle menstruel et la période d’ovulation, y a-t-il risque de tomber enceinte pendant les règles ? Ce n’est pas si facile de porter les superpouvoirs de la fécondité. Vivre son corps au féminin singulier, c’est éprouvant même si c’est super. Le cycle féminin entraîne des variations d’humeur biologiquement incontournables liées aux fluctuations hormonales (énervement, petite déprime, trop plein d’énergie, désir sexuel fleurissent tour à tour). Mais le cycle masculin, lui aussi, existe. Il se régule sur 24 heures avec un pic matinal et une décroissance tout au long de la journée… Souvent femme varie, mais pas seulement elle.

Les jeunes adolescents auront en premier lieu des questionnements autour de la performance et de la valorisation de leur potentiel sexuel. Sur la tension sexuelle et peut-être sur un certaine degré d’addiction (pornodépendance et désir compulsif) et sur la réassurance (confirmer la pertinence de ses atouts virils), sur la taille du pénis et sur ses variations morphologique d’un sujet à l’autre, en passant par la dictature de l’image chère à notre époque. Parfois sur l’orientation sexuelle. « Qu’est-ce qu’être gay ? », « Comment parler aux filles et comment les séduire ? », « Comment embrasser une fille ? », « Comment faire l’amour à une fille ? Est-ce que je saurais ? »

L’AMOUR ET LES PETITS

Les plus petits se poseront et vous poseront parfois à la cantonade mille questions auxquelles vous aurez à répondre, sur l’amour et sur les bébés. Mises bout à bout au fil des jours et des âges, les réponses que les parents fournissent constituent un socle de bases acquises au fil de l’enfance. Avec le sentiment de sécurité qui va avec. C’est sur ce socle que vous, parents, pourrez établir, le moment venu, une communication sécurisée et fructueuse autour de la thématique de la sexualité et de l’amour, avec votre enfant devenu adolescen

Le traditionnel « Comment on fait les bébés ? » reste une question phare. Ce qu’il faut savoir, pour y bien répondre, c’est que la question est, par essence, mal posée et qu’elle part d’hypothèses fausses. C’est pour cela d’ailleurs qu’elle reçoit tout un panel de réponses, souvent dissonantes et confuses de la part du milieu ambiant. Y compris le milieu fécond en hypothèses farfelues, parfois inquiétantes, que constitue la cour de récréation. Ce qu’il importe de voir c’est que la question, celle du sexuel en fait, est très partagée et très florissante. Les réponses aussi, on le voit bien cliniquement dans l’hétérogénéité des réponses qui lui sont faites.

Avec ou sans schéma de l’appareil reproducteur à l’appui, l’enfant se forgera, auprès de vous, une représentation graduelle de la réalité. Elle restera en concurrence avec d’autres représentations jusqu’à ce que l’esprit critique et la logique fassent le tri et rangent à leurs places des représentations archaïques de la chose.Une représentation composite, issue des éléments de réponse qui lui parviendront, de votre part comme de celles des autres. Et du tri que vous saurez opérer avec lui dans la FAQ de la reproduction. Votre enfant se constituera progressivement, et avec vous, un dossier « fabrique des bébés » qu’il classera selon les différentes versions qui lui auront été apportées. Les cigognes et les choux (et bien d’autres versions mythologiques de la reproduction, tant il y en a de par le monde) n’ont qu’à bien se tenir, pour ce qu’elles sont, des versions imaginaires destinées à la mise progressive à l’écart. Dit autrement, la mise à l’écart de ces versions inconscientes et ou imaginaires que l’enfant devra mener à terme ne sera que partielle. Les schémas pèseront le poids d’humanité qu’ils pourront. Les images inconscientes et symboliques de la conception tout comme celles de la naissance existent et pèsent le poids qu’elles doivent peser dans la constitution de l’humain.

L’enfant reçoit des informations et crée ses préconceptions : « d’où je viens, d’où je sors ? » Du ventre de ma mère… « Qui m’y a mis ? » C’est déjà supputer le rôle du père et…  le calcul d’un nouvel itinéraire pour résoudre l’énigme des origines.

Le « savoir », sur toute cette affaire essentielle, est dans les tuyaux, bien avant le langage… L’enfant sait déjà expertiser très finement, de manière sensitive, mais répétée, les rôles respectifs de chacun des protagonistes de sa venue au monde. Il·elle confronte tous les exemplaires de ses ressentis éprouvés jusqu’alors, maintenant, au filtre et moyen du langage. Et lorsque l’on se place, « parent que l’on est-naît » … avec son enfant, sur le plan du langage, pour donner réponse, il faut savoir qu’il s’agit en fait de transcoder et attester, par le langage, une vérité bien plus complexe que le moyen dont elle use (le langage).

En plus des traces et empreintes, sui generis, propres aux ressentis individuels de l’enfant (l’amour à fleur de peau), il·elle se confronte à l’imaginaire collectif, qui lui est venu aussi par traces, des échanges langagiers et épidermiques avec la culture universelle. Quel ample corpus mythologique que celui constitué, de manière contemporaine, au sein des sociétés occidentales. Il faut lui adjoindre celui, non moins ample, secrété par les sociétés amérindiennes (et bien d’autres), corpus collationné par Claude Lévy Strauss.

Tout un dispositif symbolique qui montre bien toutes les résistances que l’humain a à s’en tenir à une version instrumentale de la génétique, à s’en tenir au fil du réel.
La continuité observable entre les mythes amérindiens et la cosmogonie contemporaine, représentée grosso modo par la SF et ses contenus transversaux, montre bien que la question de la transmission de la vie, de la transmission génétique, la question de la race et la question du sang, ne sont jamais tranchées ni détachées de représentations imaginaires violentes.

La question du sacrifice de l’enfant (tradition christique, thématiques SF, alien compris, c’est-à-dire incompris, montrent, par un continuum inaltérablement identique à lui-même, l’ampleur des schémas de violence sous-jacents. La gestation contre autrui, le contenu des œufs implantés dans la poitrine d’un hôte victime et la mort de la « mère » seulement porteuse, montrent bien que le socle des représentations de la fertilité et de la transmission est, ô combien, infiltré de violence. Autant le savoir, quand on est, comme vous parents, au seuil de vouloir transmettre un savoir, sur l’amour et le sexuel, à vos enfants.

La récupération et l’appropriation médicale de la maternité n’est que très récente et ne suffit pas à filtrer l’imaginaire et les fantasmes violents qui lui sont liés, depuis la nuit parfois sombre des temps. Reconnaître l’existence de ces représentations comme partie de l’imaginaire collectif, toutes les sociétés confondues, aide à mesurer la charge émotionnelle de l’angoisse liée à la sexualité et à l’amour.

La vie et la mort sont présentes en salle de naissance et seul l’amour permet un entre deux vivable. Si l’on veut parler clair à son enfant, autant le savoir.

Les questions de votre enfant seront à la hauteur de tels enjeux, et, à cause des forces antagonistes de vie et de mort, la confusion règnera.

  • Savoir comment l’amour commence et comment il finit : « L’amour ça dure toujours ? » est une question fermée, dont l’enfant sait déjà la réponse. Il·elle veut vous entendre sonner le glas et en finir avec des illusions.
  • « C’est quoi un demi-frère ou une demi-sœur ? » Cette idée de couper les enfants en deux tout de même, c’est le jugement de Salomon qui s’invite à la maison, avec une représentation verbale, bien crue, qui parle haut et fort à l’inconscient et qui montre que, jusque dans la recomposition familiale tant désirée et si difficile à réaliser, il n’est pas simple, jusqu’à l’énoncé de l’identité familiale, de trancher dans le vif du sujet sans frôler et toucher du doigt des représentations primaires insupportablement violentes.
  • « Faut il se marier pour avoir des bébés et puis-je me marier avec papa ? » C’est la question de la horde primitive et de l’interdit de l’inceste qui se profilent gentiment à l’horizon de cette question naïve. L’enfant souhaite valider auprès de vous que vous portez bien les couleurs de l’interdit fondamental de l’inceste et que la loi s’insère bien et s’applique pour vous comme pour lui·elle. L’enfant recherche, de votre bouche, la confirmation que la loi organise bien la nature. L’enfant recherche la protection des interdits fondateurs et garants de la société comme de l’intégrité de chacun.
  • La question de la différence des sexes et de la reconnaissance de la différence est une question cruciale qui garantit l’enfant contre les méfaits destructeurs des mécanismes de déni sur la psyché. Votre réponse lui permet de se situer dans le confort de la reconnaissance de la réalité : il y a bien deux sexes, un sexe féminin et un sexe masculin, c’est une vérité éclairante, reposante, et qui libère. Le déni du sexe féminin (les filles n’ont pas de zizi) est la porte ouverte sur la folie, sur la perversion, sur l’incapacité à entrer dans l’altérité. C’est une question capitale qui attend une réponse capitale. Car elle donne accès au partage amoureux et à une sexualité épanouie.
  • Après, viendront les questions subsidiaires : « À quoi ressemble un sexe de fille et c’est comment un sexe de garçon ? » sont importantes, dans le respect de la réalité et des lois anatomiques, bien sûr, mais surtout pour renforcer et ancrer l’idée de la reconnaissance de la différence des sexes. Qui est un fait indéniable, soyons le plus clair possible, là-dessus auprès de l’enfant. Aussi vrai que certain ont les yeux bleus et certains ont les yeux verts, il n’existe aucun déni à ce propos. Même si la pudeur et l’intimité font du sexe une zone plus cachée et plus secrète, la perception même furtive de la différence des sexes est un « bien » commun qui doit être renforcé et soutenu par une verbalisation parentale claire et audible. La description anatomique schéma à l’appui si vous le jugez et quand vous le jugerez approprié par rapport au développement et à la compréhension de votre enfant sera utile. Décrire, nommer, connaître sont des étapes nécessaires pour ancrer cette réalité.
  • « Comment on fait les bébés ? » appelle de multiples réponses sur plusieurs plans, le plan physiologique et anatomique, le plan processuel, de l’acte à la naissance, le plan des émotions et celui des sentiments. Des perspectives dynamiques aussi : la course des spermatozoïdes vers les ovaires, la rencontre fabuleuse dans l’une des trompes (il ne faut pas se tromper de bifurcation), le retour du vainqueur pour la nidation au sein de l’utérus de l’ovule et de son héros, la formation de l’embryon, méritent un récit digne des plus belles épopées.

Vous pourrez trouver quelques supports à votre récit épique dans des albums tels que La vérité sur la petite graine » de Claire Ubac chez Syros qui se sert des stéréotypes revisités à l’aune de la science actuel pour rectifier certaines fausses croyances. Ce roman tendre et plein de drôlerie a aussi pour atout de redonner à l’ovule son rôle essentiel et pour montrer que les spermatozoïdes que l’on croyait si concurrentiels entre eux sont en fait unis dans la coopération. Humour garanti…

À lire aussi, avec vos enfants, chez Milan et dès 7ans L’amour et les bébé dans la collection Mes petites questions avec de très beaux schémas joyeux et un joli format qui les rendent bien lisibles sans en mettre trop plein la vue, un papier résistant et des pages à tourner et à retourner par les petites mains. Qui voudront voir et revoir les réponses aux questions qui se posent telles que : « Pourquoi mon zizi grandit quand je joue avec ? », « Pourquoi les amoureux s’embrassent sur la bouche ? », « Moi aussi je vais avoir des poils sous les bras ? », « Comment on fait l’amour ? », « Homosexuel ça veut dire quoi ? », « Comment le bébé grandit ? », « Quand est ce que le bébé est prêt à naître ? » etc.  Chaque double page est un mini dossier pouvant servir de socle à un moment de réflexion commune et de découverte partagée entre parents et enfants.

Pour les ados, je me permets de recommander très vivement chez Pocket d’Isabelle Filliozat et Margot Fried Filliozat, Amour, sexe… les réponses aux questions de ados, à partir de 13 ans, pas avant, en raison de la juste portée de certaines illustrations pour un public adolescent, mais pas forcément accessible, émotionnellement, pour de très jeunes enfants.

La question de la contraception sera abordée forcément en classe, mais les questions et les inquiétudes personnelles ne seront pas pour autant réglées. Informer sur la contraception reste un rôle et une responsabilité de parents. Pour que les premières amours ne finissent pas très mal. Pour qu’une IVG ou une IST ne soient pas des premiers souvenirs catastrophiques d’une première relation non préparée. Même si la pilule du lendemain existe… éviter la contrainte fâcheuse d’y recourir est préférable à tout point de vue, elle doit rester un recours d’urgence, à éviter comme tout type d’urgence autant que de possible. Il revient aux parents, en matière d’amour et de sexualité de gérer les risques encourus par leurs enfants de manière anticipée afin à les prévenir du désastre de la désinformation et de la déresponsabilisation. Idéalement avant la période pubertaire, et en continuité après celle-ci. Il est recommandé, notamment, d’avoir un RV gynécologique prévu pour la jeune fille. De manière à anticiper l’information de manière claire, professionnelle et médicale. En appui avec le dispositif familial et pour le compléter d’un regard extérieur et objectif. Et qui fait prendre la mesure des choses à l’adolescente ainsi plus fortement responsabilisée

Catherine Dunezat, psychologue clinicienne

Les numéros et sites à conserver à portée de main

Interruption volontaire de grossesse : IVG.gouv.fr, https://solidarites-sante.gouv.fr/

Internet sans crainte : www.internetsanscrainte.fr

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