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Maux de dos, état anxieux, manque de concentration
Les préjugés sont tenaces. Le yoga ? Une activité pour « mamies », lâchent certaines jeunes. Pour déconstruire les stéréotypes, il faut y goûter. Les résultats se révèlent parfois surprenants. Caroline Paradis est chargée de cours de la formation professorale Diva Yoga et enseigne dans un centre de détention pour adolescents. Avec elle, on entre dans la passion…
Enseigner le yoga avec un adolescent relève-t-il d’une approche spécifique ?
Il faut capter leur intérêt dès le début du cours, car les adolescent·es sont rempli·es de préjugés. Si l’enseignant·e commence selon sa méthode traditionnelle, il ou elle risque de les « perdre ». Le début du cours doit se montrer plus actif, je vais chercher de l’interaction. Pour les embarquer, je leur raconte une petite histoire, par exemple.
Quels sont les préjugés des jeunes à l’encontre du yoga ?
« C’est un sport de mamie », « ce n’est pas un sport », « c’est un sport de fille »… Je travaille personnellement avec des élèves qui vivent de grandes difficultés. Et là, un autre obstacle apparaît. Certaines postures les dérangent, car elles leur rappellent des traumatismes.
Mais sinon, vous confirmez les bienfaits du yoga chez les adolescent·es ?
Ils et elles trouvent un intérêt à la pratique lorsqu’ils·elles souffrent d’un inconfort précis, comme des maux de dos, des problèmes de sommeil ou un état anxieux. Le yoga apprend à mieux gérer ses émotions, à mieux se concentrer à l’école, à reprendre confiance en soi. Il vous connecte au moment présent, aide à ne pas se projeter dans l’anxiété du futur. Puis ce que l’on met en place sur le tapis se révèle transférable dans la vie de tous les jours.
Les jeunes qui pratiquent des activités sportives ressentent parfois des tensions musculaires, voire articulaires. La pratique des étirements associée à la respiration apporte de la détente et renforce la récupération musculaire. Le yoga parvient même les aider à se montrer meilleur·es dans ce qu’ils ou elles font.
Plus globalement, j’ai le sentiment que chacun d’entre nous oublie de se concentrer sur ces ressources intérieures. Pour mes élèves qui connaissent une histoire difficile, c’est important de prendre un moment pour se recentrer, pour respirer.
Vous parliez des élèves en difficulté qui ont connu des traumatismes. Comment se déroule la pratique ?
Lorsque le bagage émotionnel est important, il est primordial de revenir vers soi. La personne qui enseigne doit créer un environnement sécurisant pour que les élèves se sentent protégé·es. Je fais preuve de patience et parfois aussi d’humour.
Quels conseils donneriez-vous à des parents qui souhaitent que leur adolescent essaie le yoga ? Et comment les convaincre ?
Allez-y ensemble ! Parce que si c’est bon pour l’un, c’est sûrement bon pour l’autre. La pratique va créer du lien parent-enfant. Si la première séance n’était pas concluante, gardez à l’esprit qu’il existe plusieurs types de yoga, il ne faut pas abandonner dès le départ. Ce n’était peut-être pas le·la bon·ne professeur·e, ou le bon type de yoga. Il faut oser expérimenter avec quelqu’un d’autre, trouver une personne de confiance, de qui l’adolescent·e veut recevoir.
Les jeunes ont besoin d’apprendre à respirer. Il faut faire appel à leur ouverture d’esprit. Qu’ils osent dépasser leurs préjugés et prennent le temps de se faire leur propre idée… Des fois que ! L’objectif est donc de les amener à faire du yoga au moins une fois, peut-être avec une motivation extérieure type récompense. Puis croiser les doigts pour qu’ils vivent un bienfait et qu’ils finissent par vouloir le faire pour eux-mêmes.
Des profils d’adolescent·es auxquel·les le yoga n’est pas recommandé, voire interdit ?
Je pense que tout le monde peut faire du yoga. C’est une façon d’aller à la découverte de soi-même. Même en cas de handicap. On adapte la pratique à la limitation. Ce n’est pas à l’adolescent·e de s’adapter.
Propos recueillis par Marie Sanchis