Joie et colère, des stress réparateurs

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L’ENFANT, SES ÉMOTIONS

Depuis les années 1960, les neuroscientifiques, à partir des théories de leur pair Paul MacLean, se sont persuadés qu’il existe un cerveau « triunique » où entre la composante du cerveau reptilien, primitif, dénué de toute émotion. On a récemment remis en cause cette vision des « trois cerveaux » apparus avec l’évolution (www.franceculture.fr/emissions/superfail/le-cerveau-reptilien-nexiste-pas). Peu importe. Car le bébé arrive au monde pourvu de son bagage émotionnel. Et c’est cette « valise » essentielle dont je déballe le contenu.

Comme la théorie de McLean est encore très présente dans les consciences, et qu’elle n’est pas dénuée de toute réalité, en voici le rappel pour cerner le centre des émotions.
Le cerveau instinctif, dit cerveau reptilien, est opérationnel dès la naissance. Et, objectivement, bien avant, in utero, le cerveau reptilien est déjà fonctionnel et mature. Ce qu’il délivre ? Des réponses. Instinctives, automatiques, autoprotectrices et autoconservatrices. C’est lui, le cerveau instinctif, qui convoque et engage nos muscles, notre respiration, ordonne la mobilisation générale des organes vitaux, décrète en cas de danger l’urgence absolue et court-circuite les deux autres cerveaux. C’est un cerveau automatique, c’est lui qui enclenche le bouton rouge, au signal de la peur et du péril. Aucune véritable prise sur lui, on l’aura compris. Qu’il soit reptilien ou non, un tel centre « instinctif » doit bien fonctionner quelque part.

Le cerveau le plus émotionnel, c’est le deuxième cerveau, apparu en complément du cerveau reptilien, au cours de la phylogenèse, c’est-à-dire l’évolution de notre espèce. Ce second cerveau est dit limbique. C’est lui, le cerveau des émotions, mais aussi de la mémoire et de la méthodologie des apprentissages. Même si ce cerveau que l’on pourrait qualifier d’émotionnel fonctionne, déjà, de manière massive et compétente dès la naissance, il lui est nécessaire de se perfectionner, durant la petite enfance, environ pendant cinq ans, pour parvenir à maturité. Avec un soutien précieux, aux décours de ces phases de perfectionnement, soutien obtenu auprès des cerveaux experts disponibles dans son environnement, ceux de papa, maman, papy, mamie, nounou, maîtresse, au fur et à mesure des échanges émotionnels, bien sûr ! On peut déjà parler de coéducation émotionnelle.

Le cerveau cartésien, c’est le troisième cerveau, que vous connaissez bien, aussi, sous le nom de « néocortex ». C’est une structure cérébrale de degré supérieur qui continue de s’élaborer, tout au long de la vie, au fil des expériences cognitives. Le néocortex est toujours en phase autocréative. En termes de réseaux et d’interconnexions neuronales spécialisées, toujours en interactions développementales. Avec la neurobiochimie qui va bien. Le cortex préfrontal, au fur et à mesure de sa maturation développementale chez l’enfant, sera en capacité de réguler les émotions. Pour le dire avec des mots d’enfants « le cerveau du haut » le néocortex, celui qui « pense » et prend les bonnes décisions, aidera la partie basse du cerveau (cerveau limbique) à expérimenter tes émotions. Nous recommandons la lecture du petit album paru aux Arènes, Le cerveau dans la main, 12 leçons illustrées, le cerveau de votre enfant, le comprendre, comprendre comment il fonctionne pour aider vos enfants à gérer leurs émotions. On doit cet ouvrage au docteur Daniel J. Siegel, préfacé par Isabelle Filliozat.

La comète « nouveau-né », venue de l’espace intersidéral, fait son entrée dans notre atmosphère affective et sociale… avec toutes ses compétences innées d’intersubjectivité primaires : les émotions sont déjà là. Suréquipé !

L’émotion, un signal d’adaptation à une situation

Les tout-petits possèdent de grandes compétences émotionnelles dès la naissance. Dès lors, le bain d’amour et de joie relationnelle constitue l’essentiel du meilleur contexte émotionnel à fournir à nos petits bébés !

La joie fait partie des émotions primaires. La joie est certainement la plus humaine des émotions parce que la plus partagée et la plus fréquente de façon précoce. Les six émotions primaires, on pourrait dire basiques, joie, tristesse, dégoût, peur, colère, surprise, sont des émotions que l’on pourrait qualifier de réflexes affectifs autonomes : elles ne demandent pas l’appréhension des états mentaux d’autrui. À la différence des émotions morales, telles que l’empathie, la gratitude, la fierté, la honte, la culpabilité et l’embarras, émotions qui requièrent la représentation de l’état mental d’une autre personne. Ces émotions morales qui, du reste, ne se développent que plus tardivement, autour des deux ans, et qui sont beaucoup plus complexes cognitivement que les émotions primaires. Elles exigent que le socle cognitif acquis par le bébé entre six mois et dix-huit mois ait déjà permis une capacité de conscience du soi stabilisé et une conscience émergente. Et pour cause, il existe des règles et des normes particulières composant le fonctionnement social approprié. En d’autres termes, il faut que « moi » et « l’autre » existions de manière compatible.

Les émotions sont, aussi, des messages transmis par le cerveau, qui nous informent sur notre degré d’adaptation : cette situation présente me convient ou ne me convient pas ? Éprouver, percevoir, nommer, labelliser nos émotions nous aide à adopter un nouveau comportement et éventuellement à modifier une situation. Les émotions, font, normalement, et si bon usage en est fait, partie de notre système adaptatif. On parle souvent de gestion des émotions… Peut être. En tout cas, la vraie question est : quel usage en faire ?

Le développement des émotions primaires évolue tout au cours de la toute petite enfance dans un cadre contenant, celui qu’offrent les parents et les éducateurs. Lesquel·les, en miroir, appréhendent, nomment et accueillent les protoémotions, puis les émotions des enfants. Les adultes sont confronté·es aux réactions émotionnelles (davantage qu’aux émotions des enfants). Les émotions sont l’expression de la vie en soi… Il se passe bien quelque chose dans notre cerveau chaque fois que nous devons nous adapter à une situation, à un moment de vie. Il ne faut pas oublier que la démarche adaptative première est le stress. Le stress en tant que mise en route de l’adaptation.

Adrénaline versus ocytocine : 7 secondes pour changer le monde… interne

Et pour s’engager en compréhension sur la route de l’adaptation, il faut en référer à un concept simple et ancien, remis à l’honneur et explicité par Isabelle Filliozat, celui du syndrome généralisé d’adaptation. Le SGA, appelé plus tard stress, par son « inventeur », le docteur Hans Seyle, médecin canadien, précurseur des neurosciences. Le stress, c’est l’engagement adaptatif de l’organisme, à la suite de l’alarme donnée par l’amygdale, structure limbique, à grands coups d’adrénaline et de cortisol. Chaque émotion vient colorer ce stress de base de manière spécifique. Mais le stress reste en quelque sorte l’archétype originel : c’est pour cela que nous sommes souvent si démunis face aux émotions de nos petits. Elles sont des émanations prototypiques de ce schème premier, adossées à la pulsion et aux nécessités de l’autoconservation. À nous de les identifier de les reconnaître, de les labelliser pour les intégrer et les faire intégrer, en ressources positives et interactives.

Bonne nouvelle. Nous possédons une ressource d’apaisement quasi instantanée constituée par le recours à l’attachement. Et à son hormone miraculeusement efficace et apaisante, l’hormone de l’attachement, l’ocytocine. L’enfant qui se jette dans vos bras déclenche en quelques secondes la sécrétion d’ocytocine et l’apaisement des réactions émotionnelles trop intenses. L’attachement et son hormone phare possèdent un fort pouvoir intégratif sur le plan émotionnel, vertus portées par les câlins régulateurs du climat émotionnel.

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