Malaise étudiant, plus de temps à perdre !

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Ils·elles veulent revenir en cours – tout simplement. Retrouver une vie étudiante digne de ce nom. Ce qui devait être les meilleures années de leur vie s’est transformé en « c’est dur d’avoir 20 ans en 2020 ». Difficile, car cette jeunesse se retrouve privée d’interactions sociales, avec leurs camarades et leurs professeur·es – le virtuel a ses limites. Insoutenable aussi, puisque ces jeunes gens ont tracé une croix sur les activités proposées sur les campus, les soirées d’intégration ou de désintégration, pièce maîtresse de la vie estudiantine. Au lieu de quoi, notre jeunesse a les yeux rivés sur un écran. Esseulée, stressée et contrainte à un avenir qui dépend des humeurs – très changeantes – de la situation sanitaire. Génération covid, génération sacrifiée ?

Le chiffre fait froid dans le dos : 23 % des étudiant·es ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires durant le premier confinement, selon une étude de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) réalisée par Ipsos. Oui, « l’isolement social constitue l’une des causes majeures de la détresse psychologique des étudiant·es », rappelle Yanis Limame, à la fois vice-président de la Fage et étudiant en Master relations internationales à Lyon. Ajoutez-y un logement indécent ou trop petit… de quoi broyer du noir. D’autres données alertent sur l’état psychologique de notre jeunesse : 34 % des étudiant·es ont été souvent ou en permanence « très nerveux·ses » durant le confinement, presque un tiers des interrogé·es ont déclaré se trouver la plupart du temps en état de tristesse et d’abattement pendant cette période. En réaction, le gouvernement a annoncé l’instauration d’un « chèque psy », disponible depuis le 1er février. « Une bonne chose » pour Yanis Limame dont il espère qu’elle sera « pérennisée » après la crise. Concrètement, la mesure accorde aux étudiant·es le droit à trois consultations gratuites – longues de 45 minutes – auprès d’un·e psychologue, d’un·e psychothérapeute ou d’un·e psychiatre. Mieux que rien, mais pas non plus une panacée.

Une angoisse liée aussi à la précarité financière

Les plus fragiles font souvent – et en premier – les frais d’une crise économique. Et celle qui découle de la pandémie n’y échappe pas. Les jeunes qui, traditionnellement, ont un petit boulot à côté de leurs études l’ont perdu. Durant le confinement – le plus strict – 58 % des jeunes de l’enseignement supérieur qui exerçaient une activité ont arrêté, réduit ou changé leur activité rémunérée. Parmi lesquel·les, 36 % ont interrompu leur activité rémunérée. Or, l’on sait combien ces petits « jobs étudiants » se montrent essentiels pour eux et elles, un public déjà très fragile financièrement, même hors covid. Alors comment faire pour subvenir à ses besoins – et surtout quand on est jeune – à l’ère covid ? « Bonne question ! » Perplexe, Yanis Limame. « Bien sûr, il y a les bourses du Crous, mais je les trouve insuffisantes à la fois en termes de montants [avec échelon maximal à 567,90 euros par mois, ndlr] et de critères d’attribution », estime le vice-président de la Fage.

Les étudiant·es attendent un soutien plus fort du gouvernement. Oui, les aides de la part de groupes de la grande distribution – Intermarché, Leclerc ou Casino – sont louables, mais c’est bien l’État qui doit venir en aide à sa jeunesse. Avec au premier chef, et c’est la revendication la plus urgente selon Yanis Limame, « la mise en place du RSA jeune – entre 18 et 25 ans. C’est la première mesure qui serait efficace à court terme », recommande l’étudiant à l’université Jean Moulin Lyon 3.

Un avenir incertain

« La jeunesse n’est qu’un mot », disait le sociologue français Pierre Bourdieu, tout·es les étudiant·es ne se trouvent pas logé·es à la même enseigne. Il ne s’agit pas de diviser la jeunesse, simplement la plupart des jeunes inscrit·es en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) parviennent à l’heure actuelle à poursuivre leurs cours. « Que les élèves de ces formations aient accès à leurs enseignements en présentiel peut s’entendre puisque leurs cours sont dispensés dans les lycées », en revanche « le problème de fond réside dans la réalité que l’implication et l’investissement de l’État sont bien moindres dans les universités – et depuis pas mal d’années », remarque Yanis Limame. L’université française a besoin de plus de moyens. Trop d’étudiant·es pour pas assez de locaux… et dans une période rythmée par les gestes barrières et la distanciation physique, le retour des grands effectifs – généralement au sein des facultés – dans de bonnes conditions constitue une équation difficile à résoudre.

Quant à leur avenir, les étudiant·es restent inquiet·es, « certain·es futur·es diplômé·es songent déjà à rempiler une année pour s’insérer plus tardivement sur le marché du travail », craint Yanis Limame. Mais le piège majeur à éviter – pour les néo-actif·ives – sera de ne pas « se dévaloriser » […] « Il ne faut pas tomber dans l’auto-discrimination sous prétexte que nos diplômes n’auraient pas de valeur, c’est faux, même à distance, en aucun cas ils ne sont donnés », conclut l’étudiant. Du côté des entreprises, le « plan 1 jeune 1 solution » doit les inciter à ne pas sacrifier une génération et jouer le jeu, c’est-à-dire que les aides accordées doivent au maximum déboucher sur des… CDI ! Jeunesse, patience, je me persuade à penser que l’on aperçoit le bout du tunnel. Un optimisme de volonté me direz-vous, un optimisme tout de même.

Geoffrey Wetzel

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