Temps de lecture estimé : 10 minutes
1ère étape : Je choisis le rôle de la télévision dans la famille
Doucement mais sûrement, la télévision s’est imposée dans nos foyers. Elle emplit l’espace, imprègne les pensées, éduque nos enfants, remplissant le rôle de troisième parent sans y avoir été invitée. Selon Liliale Lurçat, directrice de recherche honoraire au CNRS, « ce n’est plus la famille qui éduque les enfants mais la télévision ». Redécidez du rôle que remplit le petit écran dans l’éducation de vos enfants. Divertissement, ouverture sur le monde, information, détente, moyen de cohésion sociale ou familiale : la télévision répond à des désirs qu’il est nécessaire d’identifier. Pour un enfant studieux, les émissions culturelles peuvent être un formidable moyen d’enrichir ses connaissances. Pour un jeune timide, les séries TV peuvent l’aider à amorcer le dialogue avec des copains. Quant aux évènements sportifs, ils peuvent être prétextes à des moments festifs en famille.
En pratique :
– Faites une liste des missions que vous souhaitez que la télévision remplisse.
– Assurez-vous d’abord que ces rôles ne pourraient pas être satisfaits par des activités plus ancrées dans la réalité (sport, sorties en famille, etc)
Témoignage :
Fatima, mère de deux enfants de 9 et 12 ans : « La télévision ne sert qu’à regarder des DVD et jouer aux jeux vidéo »
« Mes enfants ont un poste de télévision dans leur chambre, mais elle ne peut leur servir qu’à regarder des DVD et jouer aux jeux vidéo. Ce poste a été installé simplement pour les fois où ils invitent des amis, tous les deux mois environ. Cela leur permet d’avoir leur univers sans être dérangés par les adultes, et moi je garde le contrôle sur ce qu’ils visionnent. Au salon, la télévision est accessible, mais je leur interdis de l’allumer sans mon autorisation. Si on les écoutait, les enfants passeraient leur vie devant. Mon aîné aime beaucoup le sport : même quand il est seul à la maison, il me téléphone pour me demander la permission de regarder des matchs. Pour moi, la télévision doit servir à savoir ce qui se passe à l’extérieur et à se détendre, mais au-delà d’une demi-heure, le divertissement tourne à l’abrutissement ».
2ème étape : Je revois l’emplacement de la télé à la maison
Après l’achat du dernier écran plat, les anciens postes prennent leur retraite dans la chambre des enfants. « Aujourd’hui en France, 50% des enfants ont la télévision dans leur chambre, affirme l’experte en psychologie de l’enfant et des médias Liliane Lurçat. La télévision est considérée comme aussi inoffensive qu’un aspirateur ». Pourtant, entre le manque de sommeil, les devoirs bâclés et les émissions regardées sans permission, elle engendre des disputes et fait obstacle à l’autorité parentale. Liliane Lurçat est formelle : « il faut retirer les postes de la chambre des enfants comme des adolescents ». En fonction du rôle que vous attribuez à la télévision, déménagez les postes dans votre propre chambre, au salon… ou à la cave, si nécessaire. Tenez compte de la configuration des pièces : le coin télé doit permettre que le son et l’image ne s’imposent avec force à la maison. Vous devez aussi pouvoir garder facilement un œil sur ce qui se passe à l’écran.
En pratique :
– Selon Liliane Lurçat, « on ne peut pas supprimer la télévision sans proposer autre chose. Il faut faire des activités avec ses adolescents ». Trouvez une activité de remplacement qui plaira à votre enfant.
– Plus la télévision est dans un lieu facile d’accès, plus on a tendance à l’allumer lorsqu’on est désoeuvré. Pourquoi ne pas ressortir l’antique meuble à clé ?
3ème étape : Je choisis mon offre de chaînes
En fonction de l’étape 1, choisissez un abonnement qui vous correspond. Dans le foisonnement existant de chaînes, vous trouverez l’offre qui répond le mieux à vos attentes. Par exemple, l’abonnement Canal Sat Passionnément 2 (31,90 euros par mois) vous permet de choisir le pack Famille et le pack Sport, particulièrement adaptés aux familles avec adolescents. Si vous estimez qu’à la maison, la multiplication des programmes n’a pas eu un effet bénéfique sur vos enfants, arrêtez tout simplement votre abonnement. Rien ne vous interdit de mettre fin à un contrat lorsqu’il touche à son terme. Parfois, l’offre de chaînes supplémentaires sur la télévision est gratuite, car liée à un abonnement Internet. Les opérateurs imposent une offre plus qu’ils ne la proposent. Dans ce cas, il vous reste encore la liberté de débrancher des câbles. Gratuit ne signifie pas obligatoire.
En pratique :
– Sur les chaînes câblées, les films interdits au moins de 18 ans sont soumis au contrôle parental. Lorsque vous l’activez, choisissez un code difficile à retrouver (pas votre date d’anniversaire !).
– Vous pouvez étendre le contrôle parental à d’autres programmes. Contactez votre fournisseur qui vous expliquera la manipulation à effectuer.
4ème étape : J’établis des plages horaires
Une étude américaine publiée par le journal Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine révèle que les heures passées devant la télévision réduisent le temps consacré aux devoirs et à la lecture. Pour que la télévision n’empiète pas sur la vie scolaire de votre adolescent, redéfinissez des tranches horaires d’autorisation. Attention : « la relation à la télévision doit se penser comme faisant partie d’un temps global partagé avec les autres écrans : jeux vidéo, téléphone portable, ordinateur », rappelle Serge Tisseron, psychanalyste et auteur du Manuel à l’usage des parents dont les enfants regardent trop la télévision (éditions Bayard). Un adolescent passe chaque jour 4h17 devant un écran. Tenez compte de ce paramètre avant de lui octroyer du temps de télé. Liliane Lurçat, également auteur de La manipulation des enfants (éditions François-Xavier de Guibert), déconseille de « regarder la télévision à chaque repas, le matin avant l’école ou les soirs de semaine ».
En pratique :
– Pour le déshabituer à la télévision, commencez par ne plus la garder en bruit de fond à la maison.
– Changer ses habitudes implique forcément une période de « désintox ». Tenez bon, vous serez étonné de voir vos enfants accepter finalement si bien ces interdictions.
Témoignage:
Eugénie, mère de trois enfants de 7 à 14 ans : « Nous n’allumons plus systématiquement le poste »
« Aujourd’hui, les enfants allument la télé comme ils ouvrent le frigo : pour regarder ce qu’il y a dedans. Ce n’est plus de la malbouffe, c’est de la maltélé. Ils sont dans le zapping permanent. Ils tombent sur des programmes qui ne leur apprennent rien de nouveau. Je vais encourager mes enfants à lire le journal et sélectionner une émission.
La télévision s’est imposée chez nous, on ne l’a pas maîtrisée. Lorsqu’ils étaient petits, c’était un excellent moyen d’avoir la paix. Aujourd’hui, pour sortir les adolescents de la télévision, nous les incitons surtout à ne pas lâcher les activités sportives.
La télévision est moins souvent allumée chez nous qu’il y a dix ans. C’est un réflexe que nous avons réussi à perdre. »
5ème étape : Je lui apprends à se servir d’un programme TV
Aujourd’hui, les jeunes perdent des heures à zapper sur des centaines de chaînes. L’inconvénient ? « Scotché devant l’écran, l’adolescent devient inerte et perd le sens de l’initiative », observe Liliane Lurçat. Un adolescent qui zappe ne prévoira pas d’autres activités, grignotera et aura l’impression d’avoir perdu son temps. Imposez-lui de choisir ses émissions avant de s’installer dans le canapé. Ainsi, il ciblera les émissions qu’il regarde, au lieu que la télévision ne le prenne, lui, pour cible… N’imposez pas pour autant une règle à vos enfants sans vous l’imposer à vous-même. « On n’enseigne que par l’exemple, note Serge Tisseron. Si les parents s’appliquent à choisir leurs propres programmes, l’ado fera la même chose ». Pour faciliter les choses, abonnez-vous à un programme TV. Munissez-vous d’un surligneur et sélectionnez en famille les émissions que vous suivrez.
En pratique :
– Affichez l’emploi du temps hebdomadaire que vous aurez créé sur la porte du frigo.
– Les émissions que vous choisirez doivent être en cohérence avec les étapes 1 et 4.
– Si votre enfant n’en tient pas compte pendant votre absence, vous lui aurez au moins fixé un cadre à partir duquel se situer.
6ème étape : Je lui montre la touche « off » de la télécommande
Selon un article paru dans le magazine Scientific American, les téléspectateurs ressentent en allumant la télé un effet relaxant instantané, mais qui disparaît aussitôt le petit écran éteint. Il serait aussi difficile d’éteindre la télévision que de sortir d’un bain chaud ! Apprenez à votre ado à passer à autre chose lorsque son émission est terminée. Qu’il sache aussi éteindre si le programme est inintéressant ou trop brutal. Devant des images d’horreur, les adolescents se forcent parfois à regarder. « A l’adolescence, on voit les images comme des sortes d’épreuves initiatiques, analyse Serge Tisseron. On s’efforce de ne rien ressentir, parce que depuis tout petit on a vu ses parents ne rien laisser transparaître de leurs émotions devant la télé ». Votre rôle encore une fois : donner l’exemple. « Il faut que les parents montrent à leurs enfants qu’être adulte, c’est montrer ses émotions et être capable de créer du lien autour de ce que l’on ressent. Pas de regarder toutes sortes d’horreur sans rien ressentir », insiste le psychanalyste.
En pratique :
– Une fois l’émission terminée, ne vous laissez pas happer par la télévision. Eteignez-la.
– Devant des images de violence ou d’horreur, exprimez votre dégoût, votre malaise ou votre peur.
Témoignage :
Xavier, père de deux enfants de 13 et 15 ans : « J’éteins la télé et je les mets dehors »
« Dès que mon fils regarde des images violentes, nous sommes sûrs qu’à deux heures du matin, il viendra nous réveiller. Il n’arrive pas à s’endormir, il y repense. Ma fille aussi est sensible aux images d’horreur.
On a mis des règles à la maison. Mes enfants n’ont pas la télé dans la chambre car on estime que c’est un lieu de repos et de travail. Ni la télévision ni l’ordinateur ne répondent à ces critères. Et les soirs de semaine : pas de télévision.
Je ne suis pas sûr que les adolescents fassent la part des choses, surtout pour les émissions de télé-réalité, que je trouve horripilantes. Quand je leur dis que ce n’est pas la vraie vie, ils me disent que je ne comprends rien. La réaction ado standard… J’éteins alors la télé et je les mets dehors. Moins de temps ils passent devant la télévision, mieux c’est ».
7ème étape : Vu à la télé : j’échange avec lui
La télévision coupe le dialogue plus qu’il ne le favorise. Inversez la tendance. Par l’emploi du temps, vous connaissez désormais le nom de ses émissions favorites. Discutez-en avec lui. « Il est important que les activités d’écran d’un jeune soient un support de socialisation avec la famille, affirme Serge Tisseron. Les parents doivent entourer les jeunes. L’adolescent se comporte trop souvent comme s’il n’y avait que lui, ses programmes et ses copains. Si on lui demande ce qu’il regarde à la télévision, l’ado fait la tête, mais il est toujours très sensible à ce que ses parents s’intéressent à lui ». Selon Marjolaine Boutet, agrégée d’histoire et enseignante à Sciences Po Paris « de nombreuses séries peuvent créer le dialogue et intéresser parents et adolescents. Les parents peuvent mettre les séries en parallèle avec la vie, évoquer un sujet, parler d’un problème ». De votre côté, n’hésitez pas à lui parler des émissions que vous avez appréciées. Vous l’ouvrirez peut-être à d’autres programmes.
En pratique :
– Demandez-lui où en est l’intrigue de sa série préférée, comment évolue le scénario. Peut-être comprendrez-vous enfin l’intérêt de certaines émissions ?
– N’analysez pas et ne commentez pas non plus tout ce que vos enfants regardent. Ils risquent de perdre tout plaisir à regarder la télé.
8ème étape : Je l’aide à prendre du recul
Deux types d’émission ont un très fort impact sur les adolescents : les séries et la télé-réalité. Pour les premières, « elles fonctionnent sur les adolescents car ils ont besoin d’avoir des héros à qui s’identifier et qui évoluent avec eux », explique la spécialiste des séries Marjolaine Boutet, qui recommande de « demander à son enfant ce qui lui plaît ou déplaît dans un épisode pour l’aider à prendre du recul ». Les émissions de télé-réalité fonctionnent sur le même principe. «Tout est fait pour que le téléspectateur s’identifie à un personnage », explique Jean-Marc Morandini, auteur de Télé-vérité : Parents, vos enfants sont en danger ! (éditions L’archipel). L’animateur conseille aux parents de « rappeler à leurs enfants qu’il y a des caméras derrière, des scénarios, une mise en scène, et que les gens sont manipulés. Incitez-les également à regarder des émissions de décryptage de la télévision : la France est le seul pays à en bénéficier, il faut en profiter ».
En pratique :
Quelques émissions de décryptage des médias à lui conseiller… ou à regarder avec lui :
– Morandini ! sur Direct 8 tous les soirs à 18h45
– le Zapping sur Canal Plus tous les jours à 20h30
– Revu et corrigé sur France 5 le samedi à 19h et le dimanche à 13h30
– + Clair sur Canal plus tous les samedis à 12h45
– Médias sur France 5 le samedi à 12h et le dimanche à 16h40
Témoignage :
Martine, mère de deux ados de 14 et 16 ans : « Ne pas reproduire ce que je critique »
« Mes enfants regardent parfois des émissions de télé-réalité. Je trouve cela abêtissant. C’est du voyeurisme, de la curiosité malsaine. Pour moi, ils perdent leur temps.
Leur programme scolaire est chargé : quitte à ce qu’ils regardent la télé, je préfère qu’ils voient des choses plus intéressantes. Le soir, comme je ne peux pas contrôler ce qu’ils font, je ne laisse pas la télé dans leur chambre. Je les ai retrouvés une fois à minuit devant l’écran. Depuis, leur poste est sous clé à la cave et je ne le restitue que le week-end. En semaine, s’ils souhaitent regarder la télé, c’est au salon !
Dans l’éducation que je leur donne, j’essaie de ne pas reproduire ce que je critique. Lorsque mes enfants me parlent de l’intimité d’une personne, je leur dis que cela ne nous regarde pas. Je ne suis pas voyeuriste, je pense que chacun doit préserver son jardin secret et qu’il faut garder un peu de pudeur. »
9ème étape : Je forge son esprit critique
« Les adolescents ont l’impression, en regardant les émissions pour adultes, d’apprendre la vie », prévient Serge Tisseron. Seul problème : le petit écran est loin d’être réaliste. « La tendance à la télévision est de faire des adolescents des adultes, analyse Jean-Marc Morandini. Les ados mis en scène par la télévision semblent avoir leur propre autonomie. Ils boivent, fument, ont une vie sexuelle « libérée »… Résultat, les jeunes ont le sentiment de ne pas être dans la norme ». Rassurez votre enfant et ouvrez-lui les yeux sur le monde qui l’entoure. Les comportements mis en avant par la télévision sont souvent minoritaires. Même dans le journal de 20h, qui insiste de manière excessive sur les évènements négatifs. Pour contrer cette influence, « les parents doivent mettre l’accent sur l’entraide, la compassion et la solidarité qui se cache derrière chaque scène de violence, conseille le psychanalyste, pour faire prendre conscience au jeune qu’il est possible d’agir positivement sur le monde ».
En pratique :
– Expliquez à votre adolescent en quoi les séries et certaines émissions sont un miroir déformant de la réalité en les comparant avec sa propre expérience – ou la vôtre.
– Devant le journal de 20h, attirez son attention sur les initiatives positives occultées, comme les organismes qui oeuvrent pour éviter les drames ou soutenir les victimes.
10ème étape : Je lui transmets mes valeurs
Les valeurs transmises par le petit écran ne correspondent pas à celles que vous transmettez ? Rassurez-vous : « toutes les études américaines montrent que les jeunes préfèrent les valeurs de leur famille plutôt que celles de la télévision, rapporte Serge Tisseron. À condition que ces valeurs soient explicites et récurrentes ». Pour contrer l’influence de la télévision, concentrez-vous sur l’environnement réel que vous offrez à vos enfants. Ayez une vie de famille riche et vivante, organisez des sorties : l’essentiel se transmet par le temps passé ensemble. « L’adolescent retiendra les valeurs que les parents mettront en pratique, pas celles qu’ils se contenteront de déclarer, remarque Serge Tisseron. On ne peut pas inculquer des valeurs que l’on ne vit pas, comme affirmer que la pornographie n’est pas bien et regarder des films X dans sa chambre ».
En pratique :
– N’ayez pas peur de paraître décalé par rapport aux modèles familiaux que proposent la plupart des médias.
– Dans l’éducation de vos enfants, votre intuition et votre bon sens sont vos atouts les plus précieux.
Témoignage :
Anne, mère de quatre enfants de 15 à 23 ans : « Donner à ses enfants le goût de vivre »
« J’essaie d’apprendre à mes enfants à développer leur esprit critique. La télévision a une vision schizophrénique du monde. D’un côté, elle présente le monde comme trop facile. Les séries se déroulent toujours dans des conditions qui ne correspondent pas à la réalité. Les personnages vivent tous dans des lofts de 100 m²… De l’autre, la télévision présente tous les évènements négatifs du monde, met en scène les petitesses humaines ou tourne tout en dérision. A quoi nos jeunes peuvent-ils croire ? Cela participe au découragement des ados, et encourage le « A quoi bon ». Dans mon éducation, j’essaie de contrer cette influence en portant un regard positif sur la vie. Pour moi, réussir son éducation passe par donner à ses enfants le goût de vivre. C’est plus important encore que réussir ses études. »