À la recherche du médicament miracle

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Désormais, deux camps argumentent : les pro-hydroxychloroquine et les adversaires qui opinent que la plupart des malades traités se sont guéris tout seuls…

Au registre des batailles rangées et des règlements de compte a posteriori, quand les autorités devront rendre compte de la pénurie de masques et de réactifs – conséquence désormais avérée de l’application d’une logique d’économie dès lors que les épidémies précédentes ne se sont pas emballées –, figure la guerre de la « chloroquine » (précisément l’hydroxychloroquine). Désormais, deux camps et deux logiques s’affrontent : les médecins et les scientifiques infectiologues outrés que l’on se dispense de la sacro-sainte étude sur un échantillon significatif de témoins, en double aveugle, au terme de six semaines au moins de tests, et d’autres médecins et scientifiques – ou simples experts comme Alain Bauer, criminologue – qui rejoignent l’attitude du professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection à La Timone de Marseille : pour avoir constaté un effet probant de la molécule sur des malades avérés, il prône l’utilisation à grande échelle de cet antipaludique. Fort de cet argument : les effets secondaires dénoncés par le premier camp des opposants outrés (risques cardiopathiques) ne sont constatés qu’à des doses bien supérieures à celles de l’hydroxychloroquine administrées aux malades guéris du bouillant professeur…

L’échantillon controversé du professeur Raoult
Le 25 février, l’éminent infectiologue aux longs cheveux blancs – une liberté capillaire qui renforce le caractère séditieux du personnage – annonce carrément « Coronavirus, fin de partie ! » C’était quand même aller vite en besogne. Cette « fin de partie » reposait sur des résultats positifs en Chine. Didier Raoult, lui, se mit en devoir de monter un essai clinique aussitôt validé à travers une conférence vidéo le 16 mars. On y annonçait la chute probante de la charge virale des patients traités, surtout parmi les malades qui prenaient en association un antibiotique, l’azithromycine.
Mais le test est-il si probant ?
Il a concerné à l’origine 26 patients. Dont Le Monde détaille le panel dans un article du 20 mars : « Six n’ont pas pu poursuivre l’essai : trois ont été admis en soins intensifs aux 2e, 3e et 4e jours de traitement, un autre est mort le troisième jour alors qu’il avait été testé négatif la veille, un patient a quitté l’hôpital, le dernier a abandonné en raison de nausées. Au final, 20 ont été traités à l’hydroxychloroquine (600 mg par jour), dont 6 ont aussi reçu de l’azithromycine, sur la période prévue. Six présentaient une pneumonie, la majorité n’ayant qu’une atteinte des voies respiratoires supérieures (rhinite, pharyngite) voire pas de symptômes. »

Le bon sens plaide en faveur de l’essai de la chloroquine
Là où l’effet « waouh » se manifeste, c’est lorsque l’on constate que la concentration virale chute à zéro entre le 5e et le 6e jour chez les patients aux deux molécules quand le groupe témoin non traité montre que 90 % des tests prouvent que le virus est bien actif après une semaine.
Alors, Didier Raoult a-t-il vraiment sifflé la « fin de la partie » ? Au vu des réactions parfois spectaculaires de certains de ses confrères/sœurs (dont, entre autres, la professeure Karine Lacombe, cheffe du service des maladies virales à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, propulsée sur tous les plateaux télé avant son « confinement »), le doute surgit. Critiques face au protocole, choqué/es par la présentation des résultats, ils/elles mettent en doute la comparaison possible entre malades traités et non traités, en fonction de l’état de leur contamination. Surtout, ils/elles tremblent d’indignation face au non-respect des procédures scientifiquement rigoureuses, quand bien même des tests ad hoc exigeraient un tel délai que l’on aurait validé un médicament après la chute de la pandémie…
Pourtant, de plus en plus de sachants, y compris des médecins, plaident pour l’hydroxychloroquine (le Plaquenil) par défaut : dès lors que les risques secondaires évoqués ne sont sensibles qu’au-delà de la dose prescrite, pourquoi ne pas tenter de l’administrer à des malades en phase aiguë ? Comme le bon sens d’un Alain Bauer le souligne, soit l’effet sera nul, soit il sera salvateur…

La folie Plaquenil
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) vient d’ajouter l’hydroxychloroquine dans les recherches prioritaires contre le nouveau coronavirus. Il s’agira de décider très vite, en outre, si la molécule ne pourrait se voir prescrite aux soignants, en préventif. Là où l’«espoir » Raoult s’applique, c’est quand des médecins « à titre compassionnel » l’administrent à des patients critiques. La bêtise, dont on n’est pas à l’abri, serait de se précipiter dans les pharmacies pour s’autoadministrer le Plaquenil. Or le ministre de la Santé, Olivier Véran, vient de trancher : le Plaquenil est limité aux cas avérés. Comment se fait-il, dès lors, que bon nombre de pharmacies se retrouvent en rupture ? Soit les pharmaciens ont délivré le médicament sans ordonnance (quasiment impossible), soit des médecins généralistes ont cédé à la pression de leurs patients (ou ont été convaincus de l’efficacité de l’antipaludique). Premières victimes de ces ruptures de stock, les destinataires prioritaires de l’hydroxychloroquine, atteint/es de lupus ou de polyarthrite rhumatoïde. Sanofi, le laboratoire producteur, a déjà confirmé qu’au cas où le médicament serait validé, sa capacité de production serait suffisante pour fournir au-delà des besoins de ces patients prioritaires. Mais si jamais les semaines à venir confirment l’avantage de la molécule décriée, les autorités de santé ne sont pas au bout de leur descente aux enfers…

D’autres médicaments restent dans la course

L’hydroxychloroquine a beau tenir la corde des médicaments espoirs, plus de 240 essais thérapeutiques battent leur plein en Chine et désormais ailleurs dans le monde. À ce jour, deux solutions d’« urgence » très différentes font l’objet de toute l’attention : les antiviraux existants, à commencer par le remdesivir, déjà déployé contre le virus Ebola – sans succès probant – et le Kaletra, ciblé VIH. Et les anticorps, tirés du plasma des patients chinois « guéris » : ils ont montré pouvoir faire baisser la charge virale des patients critiques.

 

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