Temps de lecture estimé : 3 minutes
PARENTS, ENFANTS, ADOS DANS LA SPIRALE DES ACHATS COMPULSIFS…
Un peu de Schopenhauer en guise d’introduction. Vous verrez, c’est très éclairant…
« Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation, c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus, le désir est long et ses exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est courte et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême n’est lui-même qu’apparent ; le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain. Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à la pulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c’est en réalité tout un ; l’inquiétude d’une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience ; or sans repos le véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Tantale éternellement altéré ; ». Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation (1818), PUF.
CATHERINE DUNEZAT, psychologue clinicienne
Sommes-nous tous atteints d’oniomanie en période de Noël ?
Frénésie d’achats ou fièvre acheteuse, l’oniomanie (grec, onios, à vendre), littéralement folie de ce qui est à vendre, est un trouble addictif et compulsif qui atteint nombre d’entre nous… Nous prenons-nous pour le Père Noël, durant la période des fêtes de fin d’année ? Au-delà de la belle image, il s’agit bien d’un trouble comportemental réel et fixé qui touche environ 5 % de la population générale de manière permanente. Et certainement bien plus d’entre nous sommes touché·es de manière occasionnelle, en période de soldes, avec des degrés de sévérité variables (promotions, ventes privées, et autres Blackfriday et Boxing Day à rallonge). De quoi désinhiber notre contrôle et suractiver notre capacité compulsive à acheter le superflu du superflu, le luxe plus ultra, l’écume du désir …
Ce processus compulsif, socialement partagé par tous, fonde les assises économiques majeures du commerce, pendant les deux mois qui précèdent Noël. Le tout vouloir s’emballe au présent et en présents et se retrouve en mille éclats de papiers cadeaux colorés et brillants entourés de jolis rubans, au pied du sapin. Héritiers des étrennes romaines (dévotions éponymes à Strena ou Strenae, déesse de la santé, fêtée aux calendes de janvier), nos cadeaux du 25 décembre et du 1er janvier, sous le même augure bénéfique, sont les symboles attendus et convenus de la prospérité de l’année à venir. Des gages. Qui créent et maintiennent le lien interindividuel et intergénérationnel et qui constituent, ainsi, la matrice sociale. De quoi honorer en chacun·e de nous, donateurs comme récepteurs, tour à tour, et à tour de rôle, un petit peu de ce mythe ancestral, structurant les fondements de notre société.