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Votre ado a été détecté intellectuellement précoce ? Il devrait être à l’école comme un poisson dans l’eau. Pourtant c’est loin d’être évident. En cause : un système scolaire inadapté. Des pistes pour mieux comprendre et l’aider à réussir sa scolarité.

Pas si simple d’être un surdoué !

D’un côté, c’est un enfant vif, extrêmement curieux et très brillant pour son âge. Il a une pensée fulgurante. Il a su écrire avant tout le monde, il a même appris à lire seul sans que vous vous en aperceviez. Il est plein d’humour et adore discuter avec les adultes. À 10 ans, il avait le niveau d’un ado de 15 ans ! Peut-être a-t-il sauté une classe à l’école primaire. Vous l’avez fait tester par un  psychologue : son QI dépassait les 130 points. Il est « intellectuellement précoce ». Et pourtant depuis qu’il est rentré au collège, ce n’est pas aussi facile que vous l’auriez cru. Il accumule les lacunes. Peut-être rencontre-t-il de grosses difficultés scolaires. Un ado surdoué qui a des problèmes à l’école, n’est-ce pas un peu paradoxal ?

L’habit ne fait pas le moine

Si beaucoup d’enfants intellectuellement précoces (EIP) parviennent à s’adapter au système scolaire, une bonne partie d’entre eux rencontre de réelles difficultés. « En 5e on décèle les premiers décrochages notamment car ces ados s’ennuient. Mais c’est la 4e qui marque une vraie rupture », explique Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne et spécialiste des EIP. Jusque-là, on leur demandait de la mémorisation, à présent on leur demande de développer une pensée personnelle. Ce qui est normalement possible grâce à des procédures d’apprentissages qu’on leur enseigne depuis le CP. « Leur problème ? Ils n’ont jamais appris à apprendre. Ils ont toujours vécu sur leurs facilités et tout à coup, leur intelligence ne suffit plus. Ils ont la sensation de perdre pied, de devenir « nuls ». Argumenter, justifier, développer… c’est une vraie difficulté pour eux. Cela attaque l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et ils peuvent perdre toute confiance en eux », analyse l’auteur de L’Enfant surdoué. Le début d’une spirale qui peut les entraîner jusqu’à l’échec scolaire voire la déscolarisation en fin de 3e.

Des ados anxieux

« Ces ados se sentent différents alors qu’ils ont un besoin très fort d’être comme les autres. À l’adolescence, ils ne veulent plus de cette différence. Certains vont jusqu’à mutiler leurs résultats scolaires pour rentrer dans le moule », remarque la psychologue. Ils sont en colère contre le système scolaire car leur intelligence ne leur permet pas d’être brillant, contre les autres ados qui rigolent bien entre eux et les marginalisent souvent. Et contre les adultes qui ne les comprennent pas », explique Jeanne Siaud-Facchin.

L’Éducation nationale tombe de haut

Une situation compliquée à laquelle tout le monde se heurte. À commencer par l’Éducation nationale dont la politique d’intégration pour ces enfants n’en est qu’à ses balbutiements. Il aura fallu attendre le rapport Delaubier en 2002 et la loi de 2005 sur l’orientation de l’école pour reconnaître leurs difficultés. Une circulaire datant d’octobre 2007 vient d’affirmer la nécessité de prendre des mesures concrètes pour favoriser leur scolarisation. « L’ Éducation Nationale commence à y être sensible, mais elle a beaucoup de mal à intégrer cette notion de différence « positive », plutôt habituée à apporter des réponses aux handicaps « négatifs » », remarque Jean-Marc Louis, inspecteur académique de Moselle et auteur de Scolariser l’élève intellectuellement précoce.

Encore peu de solutions adaptées

L’unique réponse de l’école à ces enfants ? Le saut de classe. « Une solution nécessaire, mais qui pose souvent le problème de la maturité affective. Ces ados qui sont précoces intellectuellement ne le sont pas du tout au niveau affectif, ce qui crée de forts décalages avec les autres élèves », commente Jean-Charles Terrassier, un spécialiste de la question. Par ailleurs, seuls dix établissements publics leur proposent actuellement des aménagements adaptés : activités spécifiques, tutorat ou multi classes. Un élève de 5e pouvant grâce à cela assister à des cours d’anglais en 4e. « C’est très bien, mais c’est du bricolage et les enfants sont souvent stigmatisés et marginalisés par les autres », estime Jeanne Siaud-Facchin qui souhaiterait une meilleure prise en charge.

Quelles alternatives ?

« Certains parents inscrivent leurs enfants dans des collèges de ZEP car là-bas, les profs sont souvent plus compréhensifs », assure Martine Rousseau, enseignante toulousaine membre de l’ex-GARSEP (Groupe académique de recherche sur la scolarité des enfants précoces). D’autres choisissent le privé qui, avec 80 établissements ouverts aux EIP, offre beaucoup plus de souplesse que le public. D’autres encore optent temporairement pour les établissements spécialisés où les jeunes précoces sont regroupés entre eux. « Les parents qui le peuvent choisissent une scolarité à la maison par correspondance », ajoute Monique Binda, présidente de l’Association nationale des parents d’enfants intellectuellement précoces. Une solution qui a pour limites leur inintégration parmi les autres ados…

« Etre intellectuellement précoce, ce n’est pas avoir 18 de moyenne partout ! »

« Beaucoup de situations dramatiques viennent de l’école. Les profs doivent comprendre qu’ils ont leur part d’influence », lance Martine Rousseau. « Beaucoup ont une méconnaissance totale de la précocité. Soit ils n’y croient pas, soit ils voient ces enfants comme des concurrents et ne leur laissent pas le droit à l’erreur. Ils remettent en cause leur précocité dès qu’ils rencontrent des difficultés dans une matière. Mais être précoce, ce n’est pas avoir 18 dans toutes les matières ! », explique l’enseignante.

La solution ? « Informer le personnel scolaire et les élèves. Dès le moment où les enseignants comprennent le fonctionnement intellectuel et affectif de ces enfants », conclut Jeanne Siaud-Facchin, « ils modifient leur regard et leur comportement. Les ados se sentent enfin compris et acceptent de jouer le jeu de l’école ». Un vaste chantier à mener dans le public.

Leur école idéale… Olivier Revol, pédopsychiatre, directeur du Centre de référence des troubles d’apprentissages scolaires à l’Hôpital Neurologique de Lyon.

C’est l’école de quartier et de proximité. Lorsque c’est possible, c’est évidemment plus épanouissant. Sinon il faut les inscrire dans des établissements qui prévoient un accueil spécialisé. L’enseignement est adapté : profs formés, cours à leur rythme, tutorat, activités spécifiques comme le jeu d’échec, la calligraphie, le dessin pour les aider dans l’écriture… En dehors des heures de cours, ils sont mélangés aux autres camarades. On évite ainsi les risques de marginalisation.

Votre enfant est-il surdoué ?

Ce que signifie « surdoué » : avoir été testé par un psychologue et détenir un QI de plus de 130 points. Dans le meilleur des cas, la précocité est détectée dès la maternelle.

Ce que cela ne signifie pas : un élève intellectuellement précoce n’a pas 18 de moyenne dans toutes les matières !

Les signes :

  • Une grande curiosité
  • Une pensée fulgurante
  • Une entente surtout avec des plus âgés
  • Beaucoup d’humour
  • Un fort sens critique
  • Une grande anxiété

Les difficultés : dès la 5e et qui peuvent aboutir à un décrochage en 3e.

Les causes du décrochage: les facilités ne suffisent plus, l’isolement, l’incompréhension des profs et des camarades, le manque d’aménagements scolaires…

Une des solutions : former le personnel scolaire à comprendre le fonctionnement intellectuel et affectif de ces ados.

Chiffres

  • 20 000 élèves entre 6 et 16 ans
  • 2 à 3 % de la population scolaire
  • 2/3 auraient des difficultés scolaires

Livres

  • Guide pratique de l’enfant surdoué, Jean-Charles Terrassier et Philippe Guillou, ESF.
  • Scolariser l’enfant intellectuellement précoce, Jean-Marc Louis et Fabienne Ramond, Dunod.
  • L’échec scolaire chez les enfants surdoués, Jacques Bert.
  • L’enfant surdoué, l’aider à grandir, l’aider à réussir, Jeanne Siaud-Facchin, Odile Jacob.

Besoin d’aide ?

  • ANPEIP (Association nationale des parents d’enfants intellectuellement précoces) : 04 93 92 10 53 ou www.anpeip.org.
  • Afep (Association française des enfants précoces) : 01 34 80 03 48 ou www.afep.asso.fr.

Mieux comprendre

Jacques Bert, auteur de L’échec scolaire chez les enfants surdoués.

« Les élèves intellectuellement précoces renvoient aux profs une image négative : beaucoup écrivent mal (car leur pensée va plus vite que leur main) ou donnent l’impression d’être insolents car ils interviennent pendant les cours sans qu’on les interroge, ils manquent de méthode et leur travail n’est pas scolaire pour un sou… Résultat, ils sont sanctionnés car ils ne donnent pas au prof ce qu’il attend au moment où il l’attend ».

Mieux s’adapter

Jeanne Siaud-Facchin, psychologue.

« Pour la question cruciale de l’orientation, ces élèves sont confrontés à l’impossible certitude. Ils ont toujours voulu faire mille choses de leur vie et on leur demande d’en choisir une seule… Ce choix est insupportable car chaque question qu’ils se posent s’ouvre sur une nouvelle question. Il faut éviter de leur mettre la pression avec cela. »

Mieux l’aider dans sa scolarité

Donnez-lui accès à une passion qu’il pourra approfondir : sport, théâtre, musique… Ces enfants ont un gros travers : le papillonnage. Ils touchent à tout sans jamais creuser. Entraînez-le à approfondir, c’est une mesure de sauvegarde pour la suite !

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