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Depuis quelques semaines, on entend tout et son contraire au sujet de l’allègement des programmes d’Histoire en 3e et terminale. Mais au-delà des batailles idéologiques et politiques, qu’en est-il vraiment ? Voici quelques clés pour comprendre les problématiques sous-jacentes à l’enseignement de l’Histoire en France.

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Début septembre, l’annonce a fait l’effet d’une bombe. A peine modifiés, les programmes d’histoire de 3e et de terminale sont à nouveau allégés. Au grand dam des uns et des autres. Vincent Peillon, le ministre de l’Education nationale, a fait sa rentrée avec une réforme dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle fait parler d’elle ! Historiens, éditorialistes, professeurs, parents d’élèves, chacun y va de son avis et de son analyse plus ou moins partisane. Mais quelles sont les conséquences réelles pour vos enfants ? Comment les passionner pour ce domaine qui dépasse de loin la simple matière scolaire ?

L’allégement des programmes fait l’unanimité

L’ensemble des acteurs du monde éducatif était d’accord : le programme d’histoire de fin de collège et de lycée, « années à exams » comme on dit avec le brevet pour les uns et le bac pour les autres, était trop lourd. Les professeurs avaient du mal à boucler les derniers chapitres et les élèves en pâtissaient. La réforme de ce point de vue était plus que nécessaire. D’aucuns dénoncent une baisse du niveau et un nouveau nivellement par le bas. Attention à ne pas tomber dans des batailles politiques et idéologiques. Le survol des différentes notions était devenu inéluctable compte tenu du peu d’heures de cours et de la complexité des notions abordées. Les professeurs devaient faire un choix : boucler le programme ou approfondir leurs cours. Avec le brevet ou le bac en fin d’année, leur décision était vite prise, avec des mois de mai sur les chapeaux de roues. Ce rythme était intenable tant pour les professeurs que les élèves. Pierre, 25 ans, jeune diplômé agrégé d’histoire-géographie est catégorique : « Cette réforme est une bonne chose car elle va nous permettre de traiter le programme en étant plus à l’aise, explique-t-il. Ces dernières années, les ultimes chapitres étaient bâclés dans la perspective de tout boucler avant le mois de juin. » Dans les classes à examens, les professeurs ne peuvent en effet se permettre de ne pas finir le programme ou d’ensevelir les élèves de polycopiés à l’approche de la fin des cours.

Beaucoup de bruit pour rien

Alexa, professeur d’histoire-géographie dans un lycée privé de l’Ouest, enseigne depuis quinze ans. Autant dire qu’elle a vu passer un certain nombre de réformes. « A l’heure actuelle, (fin septembre, ndlr), je n’ai encore rien reçu de la part de l’Education nationale. Une fois de plus, c’est beaucoup d’esbroufe pour peu de changements. » Les problèmes de fond remontent aux réformes précédentes qui ont créé de nouvelle difficultés sans régler les faiblesses préexistantes. La refonte des programmes des dernières années, la suppression puis la réhabilitation de l’histoire en classes de terminale sont tout autant de changements dont les professeurs et élèves ont davantage pâti que bénéficié. « Au bout de trois ans à refaire l’ensemble de ma préparation, j’ai fini l’année dernière à la limite du burn-out, explique Alexa. Pour une heure de cours, il faut compter quatre heures de préparation en moyenne et on a tendance à un peu trop souvent l’oublier. » D’ici 2017, une nouvelle refondation est prévue. Alexa prévient : « A ce rythme, on va finir par épuiser les enseignants. Déjà que le métier n’attire plus… » En d’autres termes : attention à ne pas tomber dans un excès de réformes ! Les professeurs ont besoin de temps pour respirer et préparer leur pédagogie et le suivi des élèves et pas seulement leurs cours. « Les ministres de l’Education nationale, de droite comme de gauche, agissent tous de la même manière, regrette-elle. Les candidats promettent de réformer, alors les ministres présentent des réformes dans le seul but d’assoir leur bilan politique. »

Abandon de la chronologie au profit de la thématique,vraiment ?

Le principal cheval de bataille des détracteurs de cette réforme est que celle-ci met complètement de côté la chronologie pour une approche seulement thématique de l’Histoire. A écouter les professeurs, directement concernés par ce changement, il n’en est rien. « Tous les manuels commencent par une double page de frise chronologique », rappelle Alexa. Aujourd’hui, les élèves ont accès à toutes les connaissances sur internet en quelques secondes depuis leur téléphone. Dans cette optique, apprendre des dizaines de dates au mètre n’a plus de sens. Il s’agit plus de faire réfléchir les plus jeunes sur des thématiques. Dans l’ensemble, les programmes tiennent la route, même si Alexa reconnaît qu’elle s’est fortement interrogée quant à l’ordre proposé d’étudier la Première Guerre mondiale, la Seconde, puis seulement les totalitarismes. « C’est le seul point chronologique qui m’ait posé problème. Mais rien dans les instructions officielles ne nous oblige à suivre cet ordre. Tant que le programme est bouclé, nous restons assez libres. » En terme officiels, on appelle cela « le principe de liberté pédagogique », valable tant pour le privé que pour le public. Au début du siècle dernier, les lycéens apprenaient les généalogies royales ou les batailles, « mais cette pratique s’assimilait davantage à de la culture générale qu’à de l’Histoire », avance Pierre. « L’Histoire, poursuit-il, ce n’est pas que de la chronologie, même si celle-ci est indispensable et est loin d’avoir disparu des programmes ! » Et oui ! Les repères chronologiques sont toujours là malgré les bruits qui ont circulé ces derniers temps. Seulement, les professeurs n’attendent plus des élèves seulement des connaissances – les dates – mais surtout des compétences – la réflexion à travers les exercices. « Même si les chapitres sont organisés par thématique, on continue à faire de la chronologie à l’intérieur », conclut-il. Parents, soyez rassurés, vos enfants apprennent toujours des bases chronologiques, indispensables à toute approche thématique quelle qu’elle soit.

Histoire de France contre Histoire du monde ?

Il est légitime de se poser la question de l’intérêt d’étudier l’Histoire de peuples d’autres continents à l’heure où l’Histoire française est elle-même si malmenée et méconnue. C’est un faux problème expliquent d’une seule voix Pierre et Alexa. Pour le premier, il est dommageable de se battre pour le chapitre consacré aux aires lointaines « qui ne représente qu’à peine 5% du programme ». « Tout le programme de Géographie de 1e est basé sur la France, rappelle la seconde. Aujourd’hui, il est indispensable de penser « mondial » pour comprendre la géopolitique de notre monde actuel. » Il paraît difficile d’aborder certaines périodes telles que la Guerre froide ou la Révolution russe d’un point de vue franco-français. Dans les faits, la France est loin d’être oubliée. Les professeurs utilisent dès qu’ils le peuvent des exemples en lien avec notre territoire. « Quand on s’arrête sur l’Eglise à l’époque médiévale au niveau européen, ajoute Alexa, on ne va pas chercher midi à quatorze heures et je choisis des exemples en France, qui parlent aux élèves. Je les emmène visiter la cathédrale de la ville ou une chapelle voisine. » Le bon sens et le concret prennent toujours le pas sur la théorie. Un emballement médiatique quelque peu rapide avec le recul. « Etudier l’Histoire de certains peuples méconnus de nos contemporains permet également de faire tomber un grand nombre de préjugés, ajoute Pierre. Et le lycée dans son ensemble reste en grande partie centré sur l’Europe et la France ! »

Le vrai problème, le manque d’investissement des élèves

Tous les observateurs et spécialistes s’alarment. Le niveau des élèves est en continuelle baisse depuis plusieurs années, toutes matières confondues. Le problème est bien plus profond et ce ne sont pas des réformes ou des circulaires qui vont changer quoi que ce soit. « Ma principale préoccupation n’est pas tant que les élèves ne savent plus rien, confie Alexa, mais qu’ils ne travaillent pas et ne font plus l’effort d’apprendre. » Les évaluations surprises ont disparu de la plupart des établissements, les examens ne sont plus fondés sur la restitution de connaissances mais sur la méthode et le respect de consignes. Si les collégiens et lycéens ne font plus l’effort d’apprendre, dès lors comment peuvent-ils, sans le recul et la distance nécessaires, appréhender un document ? « Il faut apprendre, c’est la base, martèle Alexa ! Depuis des années on réforme, mais on passe à côté de l’essence-même de l’éducation. »

Comment intéresser les élèves ?

L’Histoire reste une matière que les plus jeunes apprécient en général et que les professeurs peuvent rendre vivante et actuelle. « Dès que je le peux, explique Alexa, je vais sur le terrain, je visionne en classe des documentaires, des extraits de films ou de journaux télé d’époque, je leur fais recontrer des survivants des camps, etc. » Pour intéresser les élèves, il faut les faire participer. Le temps où les professeurs déclamaient leurs cours sur un ton monocorde depuis l’estrade est révolu. Ce qui est intéressant, ce sont les nouvelles possibilités qui s’offrent aux enseignants pour faire travailler les élèves en autonomie. Et là, le simple chronologique est dépassé. Demander aux lycéens de préparer une frise pour le cours suivant se résumera pour beaucoup à aller sur internet faire un copier-coller de Wikipedia sans même relire. Où est l’autonomie ? Par contre, quand le professeur leur propose de préparer un exposé sur la place de la femme dans les deux Guerres mondiales, l’investissement est tout autre et les connaissances acquises sans commune mesure. « Je laisse les élèves m’interrompre, poursuit de son côté Pierre. Répondre à leurs questions permet de maintenir leur attention. Et j’essaie de raconter de petites anecdotes, des détails croustillants voire même parfois sordides, de faire quelques blagues pour les maintenir attentifs. Ils retiennent ce qui les marque. » Ce n’est un secret pour personne, les adolescents fonctionnent à l’affectif. S’ils apprécient un professeur, ils auront envie de travailler sa matière, de participer, de suivre ses conseils de lecture, etc. Pierre l’a bien compris : « J’essaie de créer quelque chose avec mes élèves, afin de les passionner pour la matière que j’enseigne et leur donner envie d’aller même plus loin que les seules notions abordées en cours. »

Cette fameuse réforme Peillon 2013, a fait beaucoup parler d’elle, mais les problèmes soulevés ne sont peut-être que les arbres qui cachent la forêt. L’enseignement en France est à revoir de manière plus générale et nul doute que cela prendra encore quelques années et plusieurs autres réformes. En attendant, la véritable question à se poser est la suivante : cherche-t-on à faire de tous les élèves des historiens, de futurs vainqueurs à « Question pour un champion » ou veut-on les faire grandir et devenir autonomes ?

Pour aller plus loin : La passion pour l’Histoire, ça commence à la maison

A la télévision

Métronome de Lorànt Deutsh : à la découverte de l’Histoire de Paris depuis ses origines. un succès en librairie avant d’être adapté à la télévision et toucher un public encore plus large et plus jeune.
www.france5.fr/metronome

Secrets d’Histoire présenté par Stéphane Bern : chaque émission tente d’élucider de grands mystères de l’Histoire. Numéro après numéro, les audiences ne cessent de battre des records. www.france2.fr/emissions/secrets-d-histoire

L’ombre d’un doute présenté par Franck Ferrand : Drames humains, destins fabuleux, intrigues… tous les grands chapitres de l’Histoire, jusqu’aux plus connus et rebattus, présentent des zones d’ombre et des doutes. www.france3.fr/emissions/l-ombre-d-un-doute

A la radio

Au cœur de l’Histoire présenté par Franck Ferrand : l’émission historique d’Europe 1, la plus écoutée et téléchargée de la station. Tous les jours de 14 h à 15 h, l’historien maison de la rue François Ier fait revivre l’histoire des grands personnages, voyager à travers les époques et découvrir le passé des plus beaux monuments nationaux et internationaux avec un souci de vulgarisation qui met son émission à la portée de tous. www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Au-coeur-de-l-histoire

En BD

L’Epervier de Patrice Pellerin : Le chevalier Yann de Kermeur, surnommé L’Épervier, est un ancien pirate devenu corsaire du roi de France au XVIIIe siècle. Accusé d’un crime qu’il n’a pas commis, il se met en quête de l’élucider. Une manière originale et ludique de connaître cette période historique tant l’intrigue et les dessins sont réalistes. Editions Dupuis pour les tomes 1 à 6 puis Soleil à partir du 7ème tome.

Parcs à thèmes

Le Puy du Fou : Sans doute le plus célèbre parc de loisirs de France, dont la thématique principale est l’Histoire. Ce sont plus de 1,5 million de visiteurs qui font le déplacement chaque année pour assister aux joutes entre chevaliers, aux combats de gladiateurs, aux exploits des Vikings ou de flâner dans des villages reconstitués de toutes les époques. Le Puy du fou a reçu en 2012 le prix du plus beau parc à thèmes du monde par la Themed Entertainment Association.
www.puydufou.com

Le MuséoParc Alésia : Vercingétorix reste l’un de nos plus anciens héros nationaux, même si nous sommes autant Romains, Wisigoths ou Ostrogoths que Gaulois et si sa bataille la plus célèbre est celle qui se conclut par sa défaite. Au programme : visites guidées du sanctuaire, du théâtre, du forum ou de la basilique, ateliers, week-ends thématiques, expositions en plein air, etc. Une rencontre avec l’Histoire sur les lieux-mêmes où elle s’est créée. De quoi donner des frissons à toute la famille !
www.alesia.com

Musées

Le musée de l’immigration de la Porte Dorée : L’exposition permanente Repères présente deux siècles d’histoire de l’immigration : témoignages, documents d’archives, photographies et œuvres d’art permettent de se familiariser avec une part importante de l’Histoire de France depuis le XIXe siècle. www.histoire-immigration.fr

Dossier réalisé par Mathilde Rambaud

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