Ce prof de yoga qui ajuste mes postures…

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Mark Stephens, professeur de yoga américain mondialement réputé a formé des centaines d’enseignant.es. Il dirige des leçons, des séminaires, des cours de formation et des retraites dans le monde entier. Il consacre des ouvrages de grande qualité à la pratique, essentiellement du Hata Yoga, d’abord destinés aux enseignant.es, mais dont les simples pratiquant.es retirent des connaissances inouïes. Dans l’ouvrage à paraître chez Macro Édition, Les ajustements en yoga, il se consacre tout entier à la façon, pour un.e enseignant.e, de « toucher le corps » des élèves, avec respect et prudence. Le court extrait choisi éclaire cet aspect sensible pour les élèves en questionnement.

Le rôle du professeur de yoga consiste à fournir un soutien inspiré et des conseils éclairés aux élèves eux-mêmes engagés dans des objectifs variés et évolutifs à travers la pratique du yoga. Quand les professeurs créent des cours de yoga sans danger, stimulants, dans lesquels les apprentis yogis explorent et expérimentent de nouvelles sensations corporelles, des phénomènes incroyables ne tardent pas à se manifester. De nouvelles sensations surviennent. Respirer consciemment devient un levier puissant de prise de conscience. Le « corpsesprit » s’éclaire, se renforce, les émotions s’évacuent, le cœur s’ouvre et le sentiment du spirituel s’envole. On se sent tout simplement mieux, plein de vie.

Or cette pratique – comment on établit et cultive une intention par le yoga et que l’on vit sa vie –, sera profondément affectée par relation entre le professeur et l’élève. Mais quels que soient les effets, ils seront amplifiés par le toucher. Et pour cause, l’intimité physique du contact humain, via les ajustements par le toucher, soulève des considérations éthiques et personnelles, même s’il ne s’agit en première intention que d’apporter une aide pratique et un encouragement. Chacun vit une proximité physique à sa façon. Un même ajustement sera bien accueilli par un élève mais ressenti comme invasif par un autre. Un geste qui laissera un élève à l’aise sera de nature à provoquer un traumatisme émotionnel profondément ressenti chez un autre. Ce qui est bien accueilli avec un élève particulier un jour pourrait ne pas l’être un autre ou même l’instant d’après.

L’éthique du brahmacharya

[…] La nature intime du toucher pourrait en outre susciter des réactions qui relèvent du brahmacharya, le yama vaguement traduit ces derniers temps par « bon usage de l’énergie » ou « modération », mais qui signifiait à l’origine « chasteté, abstinence » – termes parfaitement dépourvus d’ambiguïté –, à propos des pratiques auxquelles on renonce dans le yoga classique et dans certaines approches contemporaines. Il existe un large éventail de points de vue sur le sexe, le yoga et sur les relations sexuelles entre professeurs et élèves. La plus restrictive des prises de position met l’accent sur la chasteté, c’est en particulier le cas dans les lignées qui renoncent à certaines pratiques, ce qui pourrait régler la question (mais qui ne le règle pas souvent). À l’autre extrême, nous voilà face à une permissivité presque complète accordée aux professeurs, libres de jouer de l’attirance sexuelle envers les élèves. Ce qui ressort des conseils clairement limites de John Friend (2006, 92) dispensés dans son manuel de formation de professeur d’anusara : « Si une attirance sexuelle surgit entre vous et un élève, attendez quelques semaines avant de donner suite à cette attirance. »

Esther Myers le souligne, les ressentis sexuels ont tendance à fleurir spontanément chez de nombreux élèves, professeurs, ou chacun des deux jusqu’à créer une attirance ou renforcer un attrait existant, un transfert et une projection. Myers (2002, 3) note que « bien que la plupart des professeurs de yoga aujourd’hui ne choisissent pas d’être chastes, notre éthique en tant que professeurs exige brahmacharya par rapport à nos élèves. » Lorsque cette attitude est enracinée dans notre intention, nous sommes mieux en mesure d’approcher un élève en toute netteté à travers notre énergie physique qui véhicule sans ambiguïté le soin empathique libre de toute pensée ou sentiment équivoque, distractif ou inapproprié de quelque manière. Si de telles pensées ou sentiments apparaissent, traduisez qu’il est temps de reprendre quelque distance, de réexaminer votre intention et votre objectif lorsque vous travaillez en étroite proximité avec vos élèves. Si vous percevez de tels sentiments chez un/e élève, ménagez donc plus de distance avec lui ou elle et ne prodiguez que les ajustements pour lesquels vous avez la certitude que votre élève comprendra clairement qu’il s’agit d’un soutien à sa pratique et non d’une expression d’intérêt personnel voire de désir.

Traduction Olivier Magnan

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