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Les animaux parviennent à calmer ou stimuler les personnes malades. C’était pressenti, c’est désormais prouvé.
«L’animal ne se nourrit pas d’attentes idéalisées envers les humains, il les accepte pour ce qu’ils sont et non pas pour ce qu’ils devraient être », affirmait Boris Levinson, pionnier de la zoothérapie. Ces charmantes petites bêtes peuvent ainsi permettre d’organiser des activités d’éveil, éducatives ou thérapeutiques avec de jeunes personnes qui souffrent de troubles mentaux, physiques ou sociaux : des enfants fragilisés, des personnes âgées, isolées, des handicapés, des personnes en difficulté d’insertion, des malades d’Alzheimer… L’intervenant peut aller à la rencontre de la personne soignée grâce à l’animal, qui joue malgré lui le rôle de médiateur. L’art-thérapie ou la musicothérapie fonctionnent d’ailleurs sur le même principe. Vous en doutez encore ? « Les professionnels de santé, heureux de sortir de l’habituel médicament, sont rassurés par les formations que nous dispensons, précise François Beiger, zoothérapeute et éthologue, directeur de l’Institut français de zoothérapie. Car nombre de charlatans, généralement en reconversion et peu familiers des troubles psychologiques des patients, ont essayé de profiter de la mode animale. » Cet expert, qui travaille aussi avec Pôle Emploi et des CHU, a monté 11 formations et encadré 370 professionnels en 2017. Selon un sondage Opinionway, 96 % des Français croient aux bienfaits de la discipline. Des médecins, infirmières ou kinésithérapeutes ont franchi le pas…
Chiens, chats, poneys…
L’animal – qui doit être familier, rassurant et attirer la curiosité – est soigneusement sélectionné et entraîné par un professionnel. La personne qu’il rencontre a des besoins ou pathologies qui ont été préalablement déterminés. Le but est de susciter des réactions favorisant son potentiel cognitif, psychologique, physique ou social. Le chat, l’âne, la chèvre, le lapin, le hamster ou encore le cheval, qui se révèle être un médiateur exceptionnel avec les enfants et les personnes handicapées, sont les acteurs principaux de la thérapie animale. Le poney aide les enfants autistes et psychotiques qui ne connaissent pas leur corps. En brossant et en nettoyant les sabots, ils travaillent leur relation aux autres. L’utilisation des dauphins, technique provenant de Floride et très à la mode il y a deux ans, est désormais critiquée. « Il faut avant tout respecter l’animal. La place du dauphin est dans la grande Bleue ; beaucoup meurent de crise cardiaque dans leurs bassins », déplore François Beiger. Le chien reste celui qui obtient les meilleurs résultats, nourrissant une relation privilégiée avec l’humain. Plusieurs études – en particulier celle de la neuropsychiatre Sonia Lupien, directrice de l’Institut universitaire de santé mentale de Montréal, menée sur 42 jeunes autistes épaulés psychiquement par des chiens – prouvent la diminution du stress chez les patients. « J’ai l’impression qu’Alexandre a trouvé dans ce labrador un protecteur, mais aussi un compagnon à protéger », s’enthousiasme Nathalie Lebrond, mère d’un enfant autiste de sept ans à Paris. En présence d’un thérapeute formé, les séances se déroulent individuellement ou en petit groupe, dans des centres spécialisés, des fermes pédagogiques, des centres équestres… « Nous aidons à la mise en place de programmes s’appuyant sur des ânes en hôpitaux psychiatriques qui ont généralement de l’espace », illustre François Beiger. Les intervenants en zoothérapie se déplacent aussi dans les écoles, les prisons, les foyers et maisons de retraite. Ceux qui ont des handicaps physiques (polyhandicapés, accidentés, non-voyants, malentendants, personnes souffrant de troubles neuromusculaires,) mais aussi psychiques (personnes atteintes d’autisme, de troubles psychiatriques, souffrant de dépression, de troubles de l’alimentation ou de l’image de soi) sont concernés. Les malades du cancer euvent apprécier cette approche réparatrice de l’image du corps. Enfin, on y a aussi recours en thérapie familiale, pour résoudre les conflits ou surmonter les traumatismes. D’une façon générale, les séances incitent à se soucier d’un autre que soi.
L’animal concentre l’attention sur lui et non lus sur les maladies et leurs symptômes.
Plus de joie et de concentration
L’animal procurerait une estime de soi en comblant une part des besoins psychologiques et émotionnels. Résultat : diminution du stress et de l’anxiété, sentiment de bien-être, recul de la dépression. Le simple fait de le promener peut aider à sortir de l’isolement ; il stimule la mobilité et la concentration. Dans une famille, il favorise la bonne circulation de l’affection et libère aussi la communication. « Alexandre a tout de suite réagi en présence du chien, alors qu’il ne parlait plus à sa maîtresse, à ses camarades et même à nous. Récemment, il a même insisté pour le promener seul, de manière autonome », remarque Nathalie Lebrond. Le patient est pris en charge sans même qu’il s’en rende compte, en se déplaçant, en échangeant des regards, en interagissant de manière simplifiée et spontanée. Car le chien ne porte pas de jugement. « Il est un antidote à l’appréhension, la tension ou l’anxiété », soutient François Beiger ; lequel rappelle cependant que la médiation animale est seulement un complément à l’intervention de professionnels du soin qui cherchent à augmenter la concentration et la socialisation du patient.
Des rencontres soigneusement préparées
Des projets individualisés doivent être définis, en accord avec les accompagnants, l’équipe soignante ou les éducateurs. « Nous posons des objectifs et avons mis en place des grilles d’évaluation pour constater les progrès. Mais à la question du nombre de séances requis, nous ne pouvons répondre. Ce n’est pas une médecine », rappelle François Beiger qui met sur pied des programmes avec la justice à destination de détenus qui purgent de longues peines. Ceux qui ont besoin d’une réadaptation fonctionnelle ressentent bien vite l’envie de dépasser leurs limites pour nourrir, brosser promener l’animal ou jouer avec. Des limites ? La phobie des animaux et les allergies. En France, la profession de « zoothérapeute » n’existe pas. Il s’agit plutôt d’une d’un outil qui complète des techniques de soin. Malheureusement, alors que la pratique se généralise aux États-Unis, au Canada ou en Grande-Bretagne, les expériences restent encore rares en raison des protocoles d’hygiène et de sécurité. Dommage, un animal bien suivi sur le plan vétérinaire n’est pas plus dangereux qu’un visiteur ; et surtout, il concentre l’attention sur lui et non plus sur les maladies et leurs symptômes…
Julien Tarby
(1) Eduquer avec les animaux, de François Beiger, éd. Dunod, 2014.