Musique classique : un virtuose initie les petits

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Ingmar Lazar, un festival d’adultes où vos enfants ont leur place.

Créer un festival de musique classique, en France, ailleurs qu’à Paris, c’est déjà une bien belle entreprise. Penser à y intégrer des plages destinées aux enfants (dès 9 mois !), c’est donner le signal d’un authentique souci du jeune public, les mélomanes de demain. Le tout est l’œuvre d’Ingmar Lazar, exceptionnel pianiste tout ce qu’il y a de français, contrairement à ce que son prénom pourrait induire. C’est en 2016 que l’artiste auréolé de prix prestigieux et appelé à se produire dans toute l’Europe pense « local », « France » et « province » pour créer le Festival du bruit qui pense. Il l’installe dans un village des Yvelines, puis, un an plus tard, à Louveciennes, qui l’accueillera à nouveau en mars 2021. L’année prochaine, à nouveau, Ingmar Lazar, en directeur artistique, va choisir des plages tout entières pensées pour les enfants, de 9 mois, donc, et de 5 à 8 ans. Tiens, 5 ans, c’est l’âge auquel il s’est essayé à un vrai piano, prélude, non de Bach, mais d’une prodigieuse carrière (seul qualificatif qui convient à un prodige). Généreux, rigoureux, méthodique, Ingmar Lazar compose à ses trop rares moments de répit, entre deux concerts. Mais il aime toujours parler de son métier passion. Pour preuve, cette interview expresse entre deux priorités. Sans qu’il ne donne jamais l’impression d’être pressé : affaire de clavier… bien tempéré.

D’emblée, dès 2016, vous avez pensé aux enfants au cœur d’un festival de musique classique a priori créé pour adultes et parents. Pourquoi ce souci ?

Pour apprécier la musique, il faut la découvrir le plus tôt possible. J’essaie de donner cette chance à de tout jeunes gens. De ce jeune public, dans l’immense majorité des cas, ne naîtront pas des professionnel·les. Mais au moins, s’ils et elles aiment, ils·elles retourneront dans des festivals, écouteront de la musique…

Comment un·e môme de 9 ans reste-t-il·elle attentif·ve, vous dites entre 45 minutes et une heure, parfois, au beau milieu du festival ?

D’abord, je compte sur une animatrice d’expérience qui sait capter leur attention. Ensuite, nous créons des morceaux pour eux et elles où la musique traduit une multiplicité de caractères et de sentiments, où alternent tristesse, joie, fierté, mélancolie… Ce qui est déroutant pour un tout jeune enfant, c’est de ne pouvoir plaquer d’histoire concrète sur la musique. Un air, ce n’est pas objectif. Ça parle de quoi, va se demander l’enfant…

Vous créez pourtant des contes musicaux, de véritables histoires, notamment pour les 3-8 ans…

Bien sûr, cette année à Louveciennes nous avons créé Le secret de Poussinette, mis en scène par une actrice de talent, Fanny Gilles, à la fois comédienne et enseignante en musique. Accompagnée par un improvisateur au piano. Mais je n’hésite pas à plonger dans les pièces classiques qui évoquent les univers enfantins, comme, cette année à Louveciennes, L’enfant et les sortilèges de Ravel. Une version light, des extraits, avec une flûte traversière, un piano et une soprano. Là, l’approche pédagogique se veut complète. L’animatrice va poser des questions, inciter à la reconnaissance des mélodies sans jamais tomber dans le style d’un cours.

On penserait plutôt qu’à Ravel à Prokofiev et son si pédagogique Pierre et le loup… Trop « classique » pour vous ?

Pas du tout ! Voilà une pièce qui peut tout à fait s’entendre dans le cadre du festival. Il faut toujours s’ouvrir à d’autres compositeurs. Pierre et le loup, c’est un chef-d’œuvre absolu… Je continuerai à mêler compositions inédites et œuvres immortelles.

À 3 ans, vos parents vous offrent un piano jouet. Vous aurez envie de vous asseoir devant un vrai à 5 ans. Est-ce à dire que vous recommandez aux parents l’achat d’un instrument, fût-ce un jouet ?

En tout cas, ça ne peut pas nuire. Pour moi, très bien, ça a fonctionné. Le déclic se produit ou pas. Pareil avec un spectacle musical : emmener son enfant, dès 5 ans, assister à un tel spectacle, même une comédie musicale, c’est lui donner la chance d’éprouver un choc, ou pas.

Existe-t-il à vos yeux un instrument idéal d’initiation ?

Non, c’est un choix si individuel. Vous aurez des enfants qui aimeront s’amuser avec des instruments exotiques, peut-être parce que leur forme ou leur couleur les attirent ou tout simplement parce qu’ils en ont vu un dans un dessin animé ! Mais favoriser la découverte d’un instrument, c’est favoriser toutes sortes de connexions. Il est frustrant d’être privé·e d’une telle chance.

Un instrument d’initiation simple, lequel choisir ?

Il va de soi que le piano offre un avantage : une touche produit un son, une note. C’est beaucoup plus difficile avec un instrument à cordes ou à vent. Mais ce n’est pas une raison pour renoncer. Après tout, si un instrument à cordes produit une seule note à la fois, il faut une combinaison de touches sur un piano pour produire de la musique…

Quelle pourrait être la bonne démarche parentale ?

Je n’ai pas de recette miracle, mais ce que je ne suggère pas, c’est de séparer théorie et pratique. Un enfant a besoin d’entendre un résultat. Quant aux parents qui ne sont pas eux-mêmes mélomanes ou qui n’apprécient simplement pas la musique classique, ils pourraient simplement faire l’essai, comme ils inscrivent leurs enfants dans des clubs de foot ou de tennis. Les démarches et les contraintes sont à peu près les mêmes…

Propos recueillis par Olivier Magnan

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