Orientation : Retour vers le futur ?

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Comment aider nos enfants à faire les bons choix alors qu’ils exerceront des métiers qui n’existeront que dans quelques années ?

Crise et révolution numérique redessinent continuellement le futur professionnel de nos enfants. Quelle posture adopter en matière d’orientation ? Comment aider nos enfants dans une phase de choix lourde de conséquences ? Parenthèse mène l’enquête et met en relief de nouvelles pratiques et les changements institutionnels récents.

Des métiers qui n’existent pas encore

Petit point d’histoire… La réforme Haby dans les années 1970 et la loi Savary au début des années 1980 ont abouti toutes deux à l’établissement du collège unique. Depuis lors, les changements ont été nombreux. La loi Jospin de 1989 a organisé le primaire et le secondaire en cycles d’enseignement. Surtout, ladite loi créait les IUFM pour la formation des professeurs des écoles et avait comme objectif (à n+10 ans de la loi) de faire obtenir à l’ensemble d’une classe d’âge le niveau CAP ou BEP. De même que 80 % de cette même classe d’âge devait obtenir le Baccalauréat. Cette démocratisation des diplômes a mécaniquement entraîné une inflation et une dévalorisation de ces derniers même si les filières d’excellence perdurent et rassurent : école d’ingénieurs, de commerce, de niche… Mais combien de fois entend-on, crise et chômage obligent, qu’un diplôme ne suffit plus ? En parallèle, notre économie évolue à grand train à tel point que l’on parle de quatrième révolution industrielle lourdement impactée par le numérique, la robotique, l’intelligence artificielle. Les chiffres d’une étude en lien avec le forum de Davos expliquent que 65 % des enfants qui commencent leur scolarité aujourd’hui exerceront des métiers qui n’existent pas encore… C’est déjà le cas en 2016. Songez aux nouveaux métiers tels que ceux de data scientist ou de community manager… Cette même étude met en relief, entre autres, le futur besoin en commerciaux experts capables de vendre des solutions innovantes liées aux nouvelles technologies. Idem pour les managers expérimentés face à la complexité susceptibles de piloter les entreprises dans ce contexte mouvant.

Côtés compétences, plus d’un tiers d’entre elles estimées comme importantes pour 2020 dans la plupart des métiers ne sont pas considérées comme étant essentielles aujourd’hui. L’avenir sera ainsi fait de compétences cognitives et sociales, d’intelligence émotionnelle. Inquiétant ?

Des lignes qui bougent lentement ?

Du point de vue scolaire, l’orientation commence désormais dès la sixième jusqu’au terme du parcours scolaire grâce au parcours Avenir qui autorise un dialogue régulier entre chaque partie prenante : l’institution, le corps enseignant, les conseillers (CIO, CIDJ, COP), la direction, les parents et bien évidemment l’enfant ou l’adolescent. Certaines procédures plus classiques perdurent. Au collège, l’important est de déterminer si votre enfant a atteint les objectifs du cycle. Le DNB, anciennement BEPC, correspond depuis 2006 à la dernière étape qui valide le socle commun de connaissances et de compétences pour la bonne poursuite des études. Ce référentiel sert aussi depuis 2006 à corréler les résultats des collégiens français avec ceux des autres pays européens via le programme PISA (Programm for International Students Assesment) mis en place par l’OCDE. Suite à la troisième et selon les demandes d’orientation, la scolarité s’organise en deux nouveaux cycles, celui de détermination – la seconde – et le cycle terminal qui reprend les deux dernières années du lycée. Pendant toute cette période, le parcours d’Avenir issu de la loi d’orientation de 2013, permettra à vos enfants d’échafauder une véritable compétence afin de pouvoir « s’orienter et de développer l’esprit d’initiative et d’innover au contact d’acteurs économiques ». Le but, vous l’aurez compris, est bel et bien de faire gagner votre enfant en autonomie afin que ses choix soient cohérents avec les possibles formations et un possible secteur ou métier.

Et les parents dans tout ça ?

Bien évidemment, votre rôle à jouer est majeur lors de ce processus d’identification des besoins et des voies d’épanouissement de votre enfant. Vos armes seront celle de Platon avec ses disciples. Une ruse qui consistera davantage à de la maïeutique qu’à un ensemble de conseils qui sont soit trop directifs soit trop évasifs. Gardez-vous donc des fameux « je t’ai toujours vu… » ou « fais comme tu le souhaites, je veux juste que tu sois heureux » Formules qui en période de doute ne peuvent faire mouche.

Mettez aussi votre orgueil de côté car votre enfant voudra peut-être faire le choix de ne pas vous ressembler. À vous de prendre le taureau de l’orientation par les cornes et d’analyser vos propres mécanismes familiaux qui déterminent votre carrière et qui déterminent le choix de vos enfants. Rassurez-vous. Il n’est pas nécessaire de se replonger dans la sociologie de Bourdieu et Passeron pour comprendre votre legs psychologique fait à vos enfants. Juste un peu de recul et d’objectivité.

L’idée est celle aussi de ne pas transmettre vos propres hésitations et vos peurs de l’époque. D’autant que l’on exige aujourd’hui de plus en plus d’agilité dans les études et la vie professionnelle. Ne vous inquiétez donc pas d’un redoublement, d’un virage d’orientation, d’une passerelle voire d’un besoin de césure. Dites-vous que sa vie professionnelle sera également jalonnée de pauses et de doutes. Les trajectoires rectilignes en matière professionnelle n’existant plus. « Conseiller en matière d’orientation n’est pas simple surtout lorsque les parents s’inquiètent pour leurs enfants et qu’ils fonctionnent avec des modèles du XXe siècle. La notion de sécurité est très forte chez les parents tandis que les générations Y et Z fonctionnent différemment et vivent beaucoup plus au jour le jour », complète Armelle Riou, PDG de Mental’O, réseau de cabinets spécialisés dans l’orientation et le bilan de compétences. Les acteurs privés en matière d’orientation mettent en avant un modèle qui s’affranchit du modèle classique de l’Education nationale. « Il existe un hiatus entre les compétences universitaires et ce qui est attendu en entreprise. Tout comme il existe des compétences qui ne sont pas reconnues par l’Education nationale. Ce faisant, nous fonctionnons au-delà du bulletin de notes. Nous commençons par un bilan exploratoire ou autrement dit : voilà qui tu es, voilà ce qui te motive ; pour ensuite en déduire un secteur ou une activité », souligne-t-elle. Cette méthode permet ainsi de ne pas se restreindre à des métiers sans cesse mouvants. « Nous ne dirons pas à un adolescent par exemple que le visual merchandising ou le data mining est fait pour lui. C’est trop restrictif. Nous allons davantage parler de fonctions qui évoluent, de fait, moins vite, qui rentrent en corrélation avec le profil valorisé de l’adolescent », poursuit la gérante. Une autre approche qui permet de relativiser que 31 % des étudiants en première année échouent.

Développer de nouvelles compétences

Lauréat du Lépine et sélectionné dans le cadre du Google Science Fair, Guillaume Rolland est devenu entrepreneur à 19 ans. Mais ses premiers brevets furent signés à l’âge de 13 ans. Sa réussite, sa débrouillardise, il l’explique entre autres par la participation à des concours, très jeune, qui permettent de mettre en exergue parfois un potentiel ou des compétences jusqu’alors en dormance. 100 000 entrepreneurs ou encore Entreprendre Pour Apprendre font partie de ces organismes encourageant l’entrepreneuriat dès le collège.

« Notre objet est de développer les compétences entrepreneuriales des élèves pendant les temps d’apprentissage suite à un accord-cadre signé avec l’Education nationale pour développer ; la démarche étant basée sur de la pédagogie active et le learning by doing. La « mini-entreprise » est un projet concret. 10 % des projets se concrétisent et se poursuivent par la création et la commercialisation du produit et/ou service. Aujourd’hui le dispositif implique 25 000 jeunes et mobilise 1 900 enseignants qui accompagnent les adolescents épaulés par 1 200 parrains et marraines. L’objectif est d’atteindre 50 000 jeunes d’ici fin 2017… », vulgarise Julien Vasseur, directeur national pour EPA France.

En d’autres termes, les adolescents qui y participent sont coachés par un entrepreneur ou un cadre pendant une année et s’attellent au marketing et au branding pendant les cours d’arts plastiques ou contextualisent mails, CV et autres écrits professionnels dans le cadre des cours de français. Le projet se termine par une AG et la valorisation des compétences mobilisées.

« Nous sommes des précurseurs par rapport à l’actuelle réforme du collège qui met en place des enseignements pratiques interdisciplinaires pour impacter l’orientation et donner une meilleure connaissance des métiers et de l’entreprise tout en développant une logique d’entrepreneur ou d’intrapreneur », continue le directeur d’EPA France. Nombre d’acteurs soutiennent d’ailleurs l’initiative à l’image des chambres consulaires, du MEDEF, de la CGPME… Un moyen d’être dans une posture qui permet d’apprendre à apprendre. Reste que le rôle premier de l’école s’en trouve dénaturé. Celui d’éduquer et non de former. Celui de donner les instruments et outils pour interagir dans le monde avec discernement. Celui qui ne vise pas dans ses fondements un but pragmatique et utilitariste…

Geoffroy Framery

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