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Toutes les générations y sont passées, quitter le nid afin de poursuivre ses études. En général, pour le ou la jeune bachelier·ère, c’est festif – sauf pour les Tanguy. Pour les parents, singulièrement la mère, ce l’est beaucoup moins! On va éviter les séparations pénibles et les recommandations étouffantes. Elle ou lui se débrouillera très bien!
Entrée dans la vie active, direction apprentissage ou rentrée universitaire, le point commun se nomme sé-pa-ra-tion. La plupart du temps, pour le jeune adulte, c’est indépendance et autonomie, dans l’ordre des choses, et tout va bien. Pour les parents, le bouleversement rime souvent avec déchirure et morsure. Les « tu coupes le cordon ombilical », « tu veilleras à suivre ton traitement » ou autres « tu téléphones, surtout » culpabilisent ces jeunes gens pour lesquels on redoute des soirées étudiantes souvent très alcoolisées, la drogue, les mauvaises fréquentations… « Arthur part à plus de 500 kilomètres de la maison et il ne sait même pas faire une lessive ! », s’angoisse Laurence, 50 ans. Comment vivre cette séparation le plus sereinement possible ? Comment l’entourer sans l’étouffer ? Brevet de parents sous anxiolytique…
Le mot d’ordre : la confiance
Tout d’abord, il faut accepter ce départ. Il s’agit d’une étape on ne peut plus normale de la vie. Primum, non nocere, surtout ne pas nuire, disent les médecins. Les parents anxieux devraient adopter l’adage. On bannit : « Tu aurais pu choisir une autre école » (si possible beaucoup plus proche), « On ne sait pas comment on va faire sans toi à la maison », « Tu as intérêt à réussir car ton école au Royaume-Uni est un vrai sacrifice financier pour nous ». Et autant de perles de même eau. Lui faire confiance.
Pour devenir adulte, chaque enfant a besoin de la séparation, tout comme un bébé qui doit au bout d’un moment se séparer de sa mère pour manger d’autres aliments que le lait maternel, aller à la garderie ou à l’école pour se sociabiliser. Les ados doivent se confronter au monde, vivre des expériences. De nombreux psychologues conseillent d’ailleurs de rendre les enfants autonomes dès le plus jeune âge pour que par la suite l’éloignement soit plus fructueux. Il ne s’agit pas non plus de laisser partir son enfant sans l’avoir mis en garde contre certains dangers ni préparer ce moment en éduquant sa conscience et son esprit critique.
Un amour qui sécurise et qui ouvre le champ des possibles
Les premiers pas dans l’indépendance demandent bien sûr un accompagnement, mais pas étouffant. « Quand je suis partie à Paris pour mes études, mon père m’appelait tous les soirs pour savoir ce que je faisais et si j’étais bien rentrée chez moi pour le “couvre-feu” imposé lorsque je vivais encore à la maison. C’était épuisant ! », souffle Laure, 19 ans.
Créer des moments privilégiés en
famille pour lui rendre visite au
lieu de venir le voir tous les week-
ends histoire de s’assurer que son
appartement est propre et qu’il·elle se
nourrit correctement.
À près de 70 ans aujourd’hui, Catherine se souvient qu’elle a connu pire : bachelière brillante, elle se destine à la médecine, s’inscrit à la fac, trouve une chambre. À quelques jours de la rentrée, son père débarque, révoque le bail, l’emmène s’inscrire chez Pigier à Troyes où ses parents résident. Ce n’est plus de l’attention excessive, c’est briser un destin. Son frère cadet, lui, sera médecin. Toute une époque d’enfer pour les filles… Il est légitime et normal de vouloir savoir comment vit son enfant de 18-19 ans (son emploi du temps, avoir visité son lieu de vie, sa fac ou son école, d’être au courant de ses résultats scolaires, voire de connaître ses ami·es proches).
Mais la limite tient au respect de ses choix, comme dans le cas évoqué, et de sa vie privée. Pourquoi ne pas fixer ensemble la fréquence des appels téléphoniques, par exemple (si possible pas tous les jours) ? « Quand Paul est parti en Allemagne, nous lui rendions régulièrement visite. Même si j’étais très inquiet pour sa vie étudiante loin de France, je le voyais totalement épanoui. Il fallait voir les étincelles dans ses yeux lorsqu’il nous faisait visiter Berlin », se souvient Christophe, 55 ans. Créer des moments privilégiés en famille pour lui rendre visite au lieu de venir le voir tous les week- ends histoire de s’assurer que son appartement est propre et qu’il·elle se nourrit correctement. Il ne faut pas non plus oublier que c’est en s’éloignant du nid familial qu’un jeune commence à monter les pierres de l’édifice de sa vie.
Et si dès son départ des bases solides basées sur la confiance sont établies, il invitera ses parents avec plaisir à visiter certains recoins de sa nouvelle vie et une nouvelle relation faite de proximité et de distance sera établie. Ainsi en va-t-il de chacun des aspects de la séparation : évaluer ensemble les règles qui s’appliquent et les respecter. Garder un lien, mais pas une laisse. Et pour les parents, organiser une existence sans enfant à la maison, il y a du positif à se recentrer sur soi.
Anna Guiborat