Consentement sexuel des mineurs : de quoi parle-t-on ?

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Seule la majorité sexuelle, fixée à 15 ans, figure dans le Code pénal. Le gouvernement veut améliorer les droits des enfants avec une nouvelle loi. Mais que changera-t-elle ?

En septembre, le parquet de Pontoise (Val-d’Oise) a poursuivi pour «atteinte sexuelle» et non pour «viol» un homme de 28 ans qui a eu une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans. Pour les enquêteurs, cette relation était consentie car aucune contrainte physique n’a été exercée sur la fillette. Elle aurait volontairement suivi l’homme et ne se serait pas débattue. Mais sa famille a décrit une enfant tétanisée, incapable de se défendre. Cette affaire a provoqué une indignation générale. Ainsi, la Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a annoncé la création d’un «seuil de présomption de non-consentement irréfragable». « Ça veut dire qu’en-dessous d’un certain âge on considère qu’il ne peut pas y avoir débat sur le consentement sexuel d’un enfant, et que tout enfant en-dessous d’un certain âge serait d’office considéré comme violé ou agressé sexuellement », a-t-elle déclaré. Un âge de présomption de non-consentement – 13 ou 15 ans – est donc débattu dans le cadre du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, que le gouvernement va présenter en 2018. La psychiatre Muriel Salmona, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, est à l’origine de cette proposition, soumise à Marlène Schiappa dans un rapport «Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels». « Notre enquête de 2015 a montré que 81% des violences sexuelles démarrent avant 18 ans, 51% avant 11 ans, et 21% avant 6 ans », détaille Muriel Salmona.

Quel âge fixer ?

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, estime que l’âge de 13 ans pourrait être envisageable. Le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, évoque l’âge de 15 ans. Pour Roland Coutanceau, médecin psychiatre expert auprès des tribunaux, « 13 ans est la barrière absolue car séduire un ado de moins de 13 ans, c’est de la pédophilie ». En tant que médecin, il plaide pour l’âge de 13 ans, « car c’est celui de la puberté », même si le début de celle-ci varie d’un ado à un autre. « Si on parle de la société, fixer l’âge de 15 ans serait plus sage », ajoute-t-il. Mais à partir de quel âge un ado est-il réellement mûr pour consentir à une relation sexuelle avec un adulte ?

Stéphane Clerget, psychiatre pour enfants et adolescents, explique « qu’il y a des jeunes qui savent très bien ce qu’ils font et d’autres qui sont encore très «bébés» ». « Cela dépend de l’éducation, des gênes et de l’âge du déclenchement pubertaire », précise-t-il, ajoutant que « 15 ans, ça a le mérite d’être conforme à la majorité sexuelle ».

« Un enfant de moins de 15 ans n’a pas le développement neuro-psycho-affectif, la maturité émotionnelle, physique et physiologique, les connaissances et la capacité de discernement pour avoir un consentement libre et éclairé et pour assumer des actes sexuels sans que ceux-ci ne représentent un risque élevé de développer de lourdes conséquences sur sa sécurité, son intégrité et sa santé physique et mentale », prévient le Dr. Salmona. « L’âge de consentement légal devrait être fixé au minimum à 15 ans, et la présomption d’absence de consentement devrait être irréfragable. »

La loi ne résoudra pas tous les problèmes

Cependant, le Dr. Coutanceau pense que la loi ne résoudra pas tous les problèmes. « Il peut arriver qu’une ado de 14 ans soit amoureuse d’un garçon de 18 ans. Et là, on ne peut pas parler de viol. » Il faudra alors, selon lui, étudier quel type de relation psychologique entretiennent les deux jeunes, « déterminer si on est dans une logique de contrainte ou de manipulation ».

« Ces situations particulières ne doivent pas remettre en cause le caractère irréfragable de l’absence de consentement, sinon on se retrouvera dans la même situation qu’actuellement avec de grands risques de ne pas caractériser les viols et les agressions sexuelles », lui rétorque le Dr. Salmona. « C’est au jeune homme de ne pas profiter d’une situation et de respecter l’intégrité de l’ado qu’il fréquente. » Toutefois, elle pense comme le Dr. Coutanceau que « ce sera aux magistrats d’évaluer les situations, et les préjudices au cas par cas comme ils le font toujours ».

Ces sujets qu’il faut aborder

Le Dr. Clerget fait remarquer que « dans cette loi, on ne parle pas des agressions sexuelles entre les mineurs ». D’ailleurs aucune loi à ce sujet n’existe dans le Code pénal. « Les parents doivent se poser en encadreurs et non seulement inviter les enfants à se protéger des adultes, mais aussi dire ce qu’ils ne doivent pas faire : pas de jeux sexuels avec les enfants en dessous de l’âge du consentement sexuel, pas de relations sexuelles avec les membres de la famille… »

Il est important de parler de « la non-violence, de l’égalité entre les filles et les garçons, de la non-discrimination, du respect et du non-consentement », complète le Dr. Salmona. Pour elle, l’enfant doit aussi connaître son « corps et ses parties intimes, pouvoir identifier et nommer les violences qu’il peut subir ou dont il est témoin ». Il convient aussi de lui poser « des questions, de façon répétée et en adoptant ses propos à son âge, sur les risques qu’il peut courir ». Pour aider les parents, l’association Mémoire Traumatique et Victimologie a élaboré des fiches sur « Comment parler à un enfant des violences sexuelles ? » ; « Comment lui poser des questions ? » ; «Que faire ? ».

Anna Ashkova

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